33.Débriefing 

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Angélina

Immeuble Gallagher, South Central, Houston, Texas

11 Novembre 2023

C'était chaud. Et moins une. Encore une seconde de plus et j'oubliai complètement mon choix de tactique.

« Vous me plaisez vraiment, vous m'attirez. »

Ma respiration refusait de se stabiliser.

« Vous êtes bien plus qu'une simple distraction. »

Dès l'instant où j'avais pris conscience de son attrait, j'avais décidé de changer de cap. J'avais failli flancher sous ses baisers, incroyablement tendres malgré l'envie qui en émanait. Dos à la porte et une main sur la poitrine, je m'efforçai calmer mon rythme cardiaque. Le choc qui avait envahi ses prunelles, suivit de l'incrédulité, alors que je m'imprégnai une ultime fois de la chaleur de ses lèvres m'avait faite frémir de satisfaction, mais aussi, malgré tout, de frustration. Un son guttural me parvint depuis le couloir, élargissant mon sourire de satisfaction. Peu importait que je fus frustrée, je n'étais guère la seule. Il est juste que mon supérieur bénéficie à son tour d'un blâme après son attitude de la journée. Bien sûr, j'avais eut envie de le laisser aller plus loin. Je me demande si beaucoup de femme ont refusé ses avances.

« L'océan de vos prunelles me donne envie de m'y noyer. »

Charmeur et beau parleur. Tout à fait mon genre, malheureusement. Je me redressai et esquissai quelques pas vers le lit pour m'asseoir, avant de m'y étendre, le regard rivé au plafond. La sensation de chaleur perdurait encore sur toutes les zones de mon corps ou il avait apposé ses lèvres. Et ce gémissement rauque, ouh !

« C'est votre devenir qui me préoccupe ».

Maintenant que je savais qu'il coexistait deux SBB - le professionnel que rien ne corrompt et l'homme, celui qui s'avérait éprouver assez de désir pour moi pour mettre de côté ses principes de patron, mon égo était remonté à bloc. Est-ce que j'allais... Des vibrations provenant de ma poche m'alertèrent et j'attrapai mon portable.

Meilleur-binôme

« oui, ne t'en fais pas. Disons qu'il s'est passé pas mal de trucs, ce soir. »

L'inquiétude qui m'avait passablement déserté sous le toucher magnétique de Brett de fraya de nouveau un chemin dans mon cerveau. Je rédigeai ma réponse rapidement.

Moi

« Qu'est-ce qui s'est encore passé ?! On vous a attaqué chez lui, suivi ? »

Si ce taré de rédac-râleur-en-chef était plutôt aller voir la police avec Joyce au lieu de jouer les Indiana Jones, je me serait sentis plus tranquille !

Meilleur-binôme

« Non rien de menaçant, j'ai eu mon cotât de film d'action. C'est sur le domaine perso que pro que ça a dérapé. »

Ohw.

Moi

« Le PDG frigide n'est plus si frigide que ça ? Vous avez pu vous expliquer sur le plan relationnel ? »

Meilleur-binôme

« Compliqué. On en parlera demain. J'suis H.S. »

Tu vas vraiment me lâcher sur un suspens pareille ? Pff. Ok... Avant d'abandonner mon téléphone, je rédigeai à mon tour un teaser avant de fermer les yeux.

Moi

« Y a eu des étincelles de mon côté aussi... Suite au prochain épisode. Bonne nuit binôme d'enfer ;) »

Entre pro et perso, cette boîte finirait par avoir notre cœur et notre peau...

***

Immeuble Gallagher, South Central, Houston, Texas

12 Novembre 2023

Surprise de ne pas reconnaître mon lit, il me fallu quelques secondes pour que les événements de la veille ne martèlent mon crâne et n'emballe mon rythme cardiaque. Et autre chose, aussi. Je me levai et gagnai la salle de bain à toute vitesse pour me laver le visage, encore incertaine sur comment j'allais engager le dialogue avec Brett, ce matin. Allais-je trouver son regard changé ? Est-ce qu'il va vouloir discuter, ou faire comment si rien ne s'était passé, poste oblige ? Allais-je encore me confronter à un nouveau rejet ? Et moi dans tout ça, j'étais supposé agir comment ?

Je pris une grande inspiration et décidai de mettre un terme à mes réflexions en allant le découvrir directement. Mes pas résonnèrent dans le couloir pour témoigner de ma démarche assurée alors que j'étais rongée par la curiosité. J'arrivai dans le salon, et ne pus retenir un regard vers l'étage. Brett avait parlé d'un atelier. Je me demande bien ce qu'il peut fabriquer là-haut.

Un mouvement me fit tourner les yeux vers le tabouret proche du comptoir de la cuisine ouverte ou l'homme qui avait hanté ma nuit se trouvait, un mug en main. Ses prunelles entrèrent en collision avec les miennes et une fois de plus, notre comportement affriolant d'hier me percuta plus fort. Incapable de déchiffrer son regard, ni distant ni chaleureux pour autant, je ne me mouillai pas et le rejoins sur la place libre à son côté.

— Bien dormi ?

Ma voix sonne étrangement aiguë, pouah !

— Difficile à dire, prononça-t-il avec un regard plus perçant avant de porter sa tasse devant sa bouche. Et vous ?

Ah. On repart sur le vouvoiement donc.

J'ai besoin d'une douche, me plaignis-je en cherchant mon sac des yeux. Et de caféine.

Je tournai de nouveau les yeux vers mon supérieur à son pouffement. Au moins, je lui ai arraché un sourire. Et quel sourire !

— Prenez le temps qu'il vous faut, nous ne sommes pas à la minute. Je sais que vous avez déjà tout ce qu'il vous faut. Pour le café, votre tasse vous attendait, précisa-t-il en se levant pour me le préparer.

— il est déjà 7h30, le contredis-je. On devrait déjà être sur le chemin du bureau.

Il se retourna et posa avec douceur la tasse entre mes mains.

— Vous deviez être sur la route pour aller travailler sous les ordres d'un patron excessivement supide et en l'occurrence, ce patron stupide, c'est moi, declara-t-il avec le rictus chaleureux que j'aimais le voir arborer. Et je décrète qu'on a le temps, ordre de la direction !

Sa façon de me dévisager s'intensifia tandis qu'il reprenait sa place en orientant son siège vers moi. Lorsqu'il reprit la parole, son timbre diminua légèrement.

— Angelina je veux te parler de ce qu'il s'est passé hier...

Oulaa non j'aime pas le départ, le tutoiement est encore plus flippant !

Mes lèvres s'entrouvrirent et ma tête répondit tout seule par la négative, mais il insista.

— Angie, s'il te plaît, souffla-t-il.

L'emploi de mon surnom suffit à interrompre mon geste. Je haussai un sourcil dans l'attente, alors qu'intérieurement, j'étais mortifié. Tu veux pas attendre que j'ai fini mon café pour entamer les hostilités ? Je le voyait déjà venir avec un potentiel « notre échange d'hier était une erreur ». Et je n'étais pas prête pour un rejet aussi cru.

Je pris néanmoins une grande inspiration en opinant avec méfiance, m'attendant à entendre tout mon être craqueler.

— Je tenais à m'excuser pour...

Pire encore, il s'excuse ! Je le devancai.

— Pas nécessaire Brett, vous êtes tout pardonné. On oublie !

Il me fixa avec surprise avant d'esquisser un sourire aussi gêné que soulagé.

— Je suis heureux, je pensais que tu m'en voudrais, murmura-t-il sans me lâcher du regard.

De m'avoir fait m'embraser plus vite qu'un bâton de dynamite ? Mon moral tomba dans mes chaussettes, mais la suite de sa phrase me causa un déclic.

— Et je sais pourquoi tu m'as laissé sur la béquille hier, ajouta-t-il avec une œillade des plus dangereuses pour ma libido.

Hein ? Il flirt, la ? Pourquoi il me pique ?

— C-comment ça ? De quoi vous... de quoi tu t'excuse, au fait ? Vas au bout de ton idée, exigeai-je avec un peu trop d'engouement.

— Quelle femme autoritaire, s'amusa-t-il en posant son index sur ma tasse, avant de le faire glisser le long de ma main jusqu'à mon poignet.

Son contact me fit un effet de malade, impactant jusqu'à la racine de mes cheveux. Ses yeux sondaient les miens avec attention avant qu'il ne se rembrunisse un peu.

— Je me suis conduit comme un parfait imbécile toute la journée d'hier. Tu avais entièrement raison sur un point, j'ai été exécrable, admit-il en rompant tout contact.

— Je n'irai pas jusque là, marmonnai-devant son sourire contrit.

Son regard s'empreint d'un éclat de culpabilité, avant qu'il ne poursuive, plus sérieux.

— Pour ce qui est d'hier soir, par contre, je voudrais que...

Une sonnerie l'interrompit et il attrapa son portable , alors que j'étais au bord de ses lèvres, anxieuse. Non, tu peux pas t'interrompre comme ça ! Son visage exprima la surprise, l'incrédulité.

— Qui est-ce ? demandai-je.

— Alec, murmura-t-il.

— Jones, le même Alec qui..., commençai-je.

Le même Alec qui est sensé être muet ? Son regard se durcit et d'un geste, il m'intima au silence d'un doigt sur la bouche en enclenchant le haut parleur. Aucun son ne nous parvint durant quelque secondes au termes desquelles la voix d'un journaliste, probablement télévisé, s'exprima.

Trois blessés suite au souffle de l'explosion qui a éclaté dans la nuit d'hier soir au centre d'Austin, al'origibe encore inconnue. La bâtisse visée, l'agence Alterwhite, dont la célébrité naissante due à son active ferveur auprès du célèbre géant de l'industrie pharmaceutique...

La suite ne me parvint que sous forme de grésillement et mon visage, désormais très certainement livide, retrouva celui de Brett, terriblement grave.

Hein?

***

A.J. Investigation, East Downtown, Houston, Texas

12 Novembre 2023

Assise dans le bureau ultra sécurisé du 3 eme étage, je jetai un coup d'œil à Joyce qui tapait frénétiquement du talon sur le sol en faisant défiler les clichés que j'avais pris la veille sur son écran tandis que Brett faisait les cent pas entre notre rédac-chef et elle, mais de manière démesurément lente, ralentie, comme si ces courts trajets lui réclamait une extrême concentration. Son ami lui, se tenait debout, le bassin en appui contre la photocopieuse et le regard rivé sur son téléphone dont il ne desserrait pas les doigts.

— Billy est sur place depuis combien de temps, une heure ? demandai-je pour briser ce silence terriblement pesant depuis notre debrief.

Ce fut Joyce qui me répondit.

— Cinq heures. Il était le premier du comté sur les lieux, après la presse locale et les forces de l'ordre, souffla-t-elle.

Tandis que nous, Brett et moi, avions faillit être les derniers. Cette réflexion m'arrache une énième grimace. Une heure de plus à fouiller les locaux et on y passait. Ma bouche s'avéra de nouveau aussi pâteuse qu'après une énorme cuite et je déglutis avec difficulté. Une présence se fit sentir dans mon dos, et la chaleur qui irradia mon épaule au contact discret de sa paume me sorti de mon moment de bad trip. Un souffle chaleureux s'ensuit à mon oreille.

— Prenez une pause Angie, murmura Brett.

Je déclinai de la tête, me reconcentrant sur l'écran de mon propre poste.

— Il y a peut être quelque chose qui a échappé à nos yeux et que mon objectif a pu capter.

Quelque chose à côté de quoi nous étions passé, qui présageait du destin d'Alterwhite. La prise de mon supérieur se raffermit sur mon épaule à l'égale de son timbre, mais sans brusquerie.

— Ce n'était pas une suggestion, vous prenez une pause, Angélina. Cédez-moi votre siège et descendez vous chercher un café.

Le ton sur lequel il prononça ces mots, la voix basse mais exultant de fermeté suffit à déclencher un frisson qui parcouru l'entièreté de ma colonne vertébrale. Merde, je suis sûre qu'il l'a perçu. La pression de sa main s'effaça de mon épaule en réponse avant de s'en détacher, dans quelques secondes tardives durant lesquelles le bout de ses doigts effleurèrent lascivement ma peau, déversant une nouvelle décharge dans tout mon système nerveux.

Je levai les yeux vers le grand patron de l'A.J.

— Joyce ?

Mon ancien binôme leva un visage contracté vers moi, puis acquiesça.

— Je t'accompagne, suggéra-t-elle avant de lancer un regard furtif au big boss des banquises.

— Boss, café ? Proposai-je en suivant son regard.

Il leva les yeux de son téléphone pour m'octroyer un court assentiment de la tête avant de s'y replonger.

***

Une fois en marche vers l'étage inférieur, un soupir bruyant relâché sur ma droite m'enclin à croiser le regard de Joyce.

— On commence par quelle histoire perso ? l'interrogeai-je. Puisque l'aspect survivante de notre soirée a déjà été abordé ce matin...

— A-Alec et moi, on a c-c-couché ensemble, déclara-t-elle, interrompant mes pas en plein milieu du couloir.

Carrément ? Je m'attendais plus à un déballage de leur passé commun, l'évocation de souvenirs et de possibles non-dits, mais ça... Monsieur le rédac-râleur en chef l'a embarqué dans son lit ? Mes yeux s'arrondirent et comme des soucoupes sous l'expression tourmentée de Joyce qui n'avait de cesse de triturer ses doigts, acculé sous un sentiment d'anxiété que je devinai croissant.

— C'était si mauvais que ça ? tentai-je avec un demi-sourire pour apaiser son état.

Elle capta mes yeux, se mordit la lèvre inférieure en rougissant, puis esquissa une faible dénégation de la tête.

— Donc vous avez eu un shoot de peur et d'adrénaline intense, que vous avez canalysé en vous sautant dessus, et c'était un bon coup, résumai-je avec un sourire de plus en plus insolent. Pas de quoi tirer la gueule.

Sauf s'il s'est mal comporté ensuite. Pas une fois, le PDG d'A.J. Investigation n'avait daigné croiser le regard de Joyce, ce matin. Rien qui ne présupposait qu'il avait put être plus odieux qu'à l'accoutumé. Si je ne commençait pas à bien connaitre Joyce, à décrypter le chaos de ses émotions alors qu'elle les étouffaient en se plongeant dans le travail, j'aurai pu croire que tout allait bien.

— Qu'est-ce qui s'est passé, pendant ou après, Joyce ? insistai-je.

Elle ne se fait aucun film, ne se berce d'aucune illusion. J'avais du mal à croire que mon binôme très terre à terre puisse s'emballer à propos d'une nuit, ce n'était pas ça. Ce fut d'un voix enrouée qu'elle me donna plus de détails.

— Je voulais encore savoir, souffla-t-elle. P-pourquoi il m'avait laissé t-tomber à-à-à l'époque. Il m'a craché une date au visage. Ça avait de l'importance pour lui. Le 22 Novembre 2012.

— C'est précis, notai-je. Tu te souviens de ce que tu faisais ce jour là ?

Elle secoua la tête, semblablement découragée.

— Je ne sais pas ce qu’il me reproche, se reprit-elle en tapotant ses doigt contre la machine à café. Mais maintenant…

Elle prit une grande inspiration et releva un visage déterminée vers la baie vitrée qui donnait sur la rue, une ride barrant son front entre ses deux yeux.

— Même si je ne sais pas quoi, je sais quand chercher.

- - - - - - - - - - - -

Bonjour tout le monde !

Un lendemain compliqué pour nos prota/ antagonistes autant dans leurs sentiments que dans l’avancée de leur investigation commune. Angie nous livre ses pensées, mais qu’en est-il des patron et partenaires d’A.J.Investigation ? Suite au prochain chapitre (auquel je ne promet aucun délai puisque je ne m’y tiens guère x)

À bientôt

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