1.

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Polina sentit son cœur s’accélérer lorsqu’elle aperçut une silhouette au sommet des marches de pierre menant à l’entrée principale du manoir. Dans la lumière grise du jour, la figure se dessinait avec une netteté presque surnaturelle, comme si elle avait été sculptée dans l’air même.

Elle était grande, bien plus grande que quiconque Polina avait jamais rencontré. Sa silhouette longiligne défiait la fragilité que l’âge aurait dû lui imposer. Drapée dans une robe noire austère, dépourvue de fioritures ou d’ornements inutiles, elle ressemblait à une ombre vivante, imposante mais contenue, un équilibre parfait entre contrôle et puissance.

Ses cheveux, noirs piqués de mèches argentées, étaient rassemblés dans un chignon si sévère qu’il semblait tirer son visage vers le haut, renforçant ses traits acérés. Malgré cela, elle dégageait une beauté froide et impressionnante, une beauté qui exigeait le respect plus qu’elle ne l’inspirait.

La femme tenait ses mains croisées devant elle, ses longs doigts entrelacés comme les branches dénudées d’un arbre en hiver. Ses iris, d’un éclat rubis, rappelaient à Polina les créatures gravées sur le portail. Ces yeux semblaient percer l’air entre elles pour fixer Polina avec une intensité glaciale.

  • Vous avez trouvé votre chemin jusqu’ici, dit-elle enfin, d’une voix basse et claire, mais si autoritaire qu’elle semblait résonner tout autour d’elles.

Polina resta figée au bas des marches, pétrifiée par l’intimidation. Elle ouvrit la bouche pour répondre, mais aucun mot ne vint. La fatigue, le froid, et cette apparition presque spectrale lui bloquaient la gorge.

La femme inclina légèrement la tête, une ombre de curiosité ou de jugement dans son regard.

  • Vous ne parlez pas ? Ou bien êtes-vous simplement fatiguée ?

Polina finit par balbutier, son fort accent russe alourdissant ses mots :

  • Je… Je suis venue… comme on me l’a dit…

Un sourire infime, à peine perceptible, effleura les lèvres de la femme. Ce sourire n’avait rien de chaleureux, mais il n’était pas cruel non plus. Juste calculé.

  • Bien sûr que vous l’avez fait. Sinon, vous ne seriez pas là.

Elle fit un geste vers les marches, un mouvement élégant et précis, presque théâtral.

  • Montez. Vous ne pouvez pas rester plantée là toute la journée.

Hésitante, Polina obéit, ses jambes lourdes peinant à gravir les marches une par une. À chaque pas, elle sentait le regard de cette femme peser sur elle, la jauger, comme si elle cherchait à lire quelque chose dans ses mouvements ou même dans ses pensées.

Quand elle atteignit enfin le sommet, elle était à bout de souffle, mais Sandralys ne sembla pas s’en soucier.

  • Vous avez voyagé longtemps, je suppose, dit-elle en tournant légèrement la tête, ses mèches grises scintillant sous la lumière diffuse. Mais ce n’est pas important. Vous êtes ici maintenant. Et ici, nous attendons des résultats.

Polina fronça légèrement les sourcils, déconcertée. Elle avait espéré un accueil plus… humain, peut-être une explication ou un signe de réconfort. Mais cette femme n’offrait rien de tout cela.

  • Qui… êtes-vous ? osa-t-elle demander, sa voix tremblante.

La femme resta silencieuse un moment, ses yeux s’abaissant sur Polina comme si elle examinait une pierre étrange qu’elle venait de trouver. Puis elle répondit, d’un ton qui n’admettait aucun doute :

  • Je suis la directrice de cet établissement, Sandralys Hawthorne. Pour vous, ce sera Madame Hawthorne ou Madame la Directrice.

Polina tressaillit légèrement. Le mot établissement résonna bizarrement à ses oreilles. Ce n’était pas un refuge ? Un endroit sûr ? Elle avait imaginé une maison, peut-être une communauté, pas quelque chose qui sonnait si… institutionnel.

  • Et vous êtes Polina, continua la directrice, sans attendre de confirmation.

Elle inclina légèrement la tête, son regard devenant plus perçant encore.

  • Vous ne savez pas encore ce que cela signifie. Mais vous apprendrez.

Une bourrasque glacée s’engouffra dans le jardin, soulevant les mèches folles du chignon sévère de Sandralys, mais elle ne bougea pas. Elle semblait aussi immobile et intemporelle que les gargouilles perchées autour d’elles.

  • Venez, dit-elle finalement, se retournant d’un mouvement fluide. L’entrée n’est que le début. Et vous avez encore beaucoup à prouver.

La femme pivota et agita une main dans la direction de la porte d’entrée. Cette dernière s’ouvrit dans un grincement lourd.

Polina hésita, une boule d’angoisse au creux de son estomac. Mais elle n’avait pas le choix. Elle suivit Madame Hawthorne, gravissant les dernières marches pour disparaître à l’intérieur du manoir.

Du coin de l'œil, elle jura que les gargouilles s’étaient tourné sur son passage.

À l’intérieur, un énorme escalier lui faisait face et menait aux étages. Une série de larges portraits meublaient les murs. Madame Hawthorne lui expliqua qu’ils étaient tous les anciens proviseurs de l’établissement. Selon la légende qui accompagnait les explications, ils étaient là pour veiller sur les élèves en tout temps. La lumière douce et colorée filtrant à travers les vitraux illuminait la pièce depuis les mezzanines des étages supérieurs, malgré le ciel couvert à l’extérieur. Le regard de Polina était appelé partout. Des plafonds ornés jusqu'aux dalles de pierres gravées, des gravures aux sculptures, des meubles d’antiquaires aux lustres de cristaux, tout était hors norme, hors du temps, hors du réel. Polina n’avait jamais rien vu de tel.

De chaque côté de l’escalier, des moulures en forme de fleurs et de vignes descendaient le long des arches. Elles empruntèrent celle de droite, et Madame Hawthorne désigna une grande porte située sous l’escalier, fermée par d’épais cadenas.

  • Le sous-sol, interdit aux élèves. J’ai cru comprendre, d’après votre dossier, que vous aviez une tendance à braver les règles. Celle-ci, je vous recommande vivement de la respecter, avisa la directrice, dévoilant un sourire terrifiant qui laissait voir chacune de ses dents d’un blanc immaculé.

Un léger tic, animé par sa curiosité, fit frémir la paupière inférieure de Polina. De quel dossier parlait cette femme ? Jusqu’à il y a dix jours, elle ignorait tout de l’existence même de cet endroit. Et maintenant, un sous-sol interdit, cadenassé ? Elle se contenta d’un hochement de tête, marquant qu’elle avait compris, bien que son esprit soit déjà en train de se poser trop de questions.

  • Voyez-vous, mademoiselle Petrova, dit-elle en reprenant sa marche. Nos murs ont des yeux et des oreilles, ne pensez pas pouvoir avoir de secrets pour nous en ces lieux.

Elles poursuivirent leur avancée dans un petit couloir de pierre, jusqu’à atteindre un épais rideau de velours noir. Il s’écarta sous la simple volonté de Madame Hawthorne. Un cloître se dévoila, ses arcs brisés en ogives s’élevant majestueusement au-dessus de leurs têtes pour soutenir le toit voûté. La pierre, imprégnée de l’humidité du jardin, brillait d’un éclat subtil.

L’aînée guida la plus jeune à travers les jardins. De petits chemins parfaitement tracés délimitaient des pelouses taillées avec une précision millimétrée, convergeant tous vers un cercle central impeccable. Quelques bancs, disposés avec une symétrie rigoureuse, encadraient des parterres de fleurs. Elles s’arrêtèrent à quelques pas de la pièce maîtresse de ce jardin.

Une statue taillée dans un marbre blanc et lisse se dressait sur un socle qui sortait d’épais buissons de clématite rasputin en pleine floraison.

Elle représentait un Minotaure, pieds et mains liées enchaînées à la base de la statue. Un genou à terre, la bête affreuse avait le corps marqué de cicatrices et blessures qui témoignaient de ses combats passés et des souffrances endurées. Sa tête, tournée vers le sol, était celle d’un taureau dont les cornes dorées étaient abîmées et ébréchées. Ses paupières closes donnaient le sentiment que la créature mythique était plongée dans un sommeil sans fin. Pourtant son calme ne semblait pas de tout repos car malgré sa posture soumise, la statue du Minotaure conservait une impression de force et de puissance. Chacun des muscles de ses bras ainsi que de ses jambes étaient tendus. Il donnait à Polina l’étrange impression qu’il chercherait un jour à se libérer de ses chaînes pour se venger de la peine infligée par ses geôliers.

  • Que ressentez-vous en la voyant, Mademoiselle ? questionna la directrice sans séparer son attention de la sculpture de prêt de trois mètres.

L’adolescente ne sut quoi répondre dans l’instant. Elle était décontenancée par l’expression sceptique de son interlocutrice et par son intonation distraite. Son regard glissa vers les lourdes chaînes qui entravaient et entaillaient les poignets de la créature, et son cœur se serra douloureusement. Elle mordit l’intérieur de sa joue si fort que le goût métallique du sang vint lui chatouiller le palais. Son visage se crispa, et elle détourna le regard. Autour d’elles, le vent s’était levé, sifflant entre les pierres.

  • De la colère, et peut-être une forme d’injustice. Mais je ne comprends pas, pourquoi cette question ?
  • Cette magnifique créature que vous et moi observons sur ce socle est le reflet de ce que votre cœur ressent.

Polina resta sceptique. Depuis son arrivée, cette femme avait une façon étrange de s’exprimer, mais cette fois-ci, elle ne voyait vraiment pas où elle voulait en venir. Elle la fixa avec une incrédulité teintée d’agacement. Ses émotions faisaient des montagnes russes en elle, et elle peinait à les contenir.

  • Pardon ?
  • Voilà qui est insoupçonné, continua Madame Hawthorne, ignorant totalement la question de Polina et ne faisant aucun effort pour se montrer plus claire. Le Minotaure… Connaissez-vous sa symbolique, jeune fille ?
  • Pas vraiment, non… Mais, sans vouloir vous manquer de respect, je ne vois pas bien où vous voulez en venir. Vous devez probablement passer devant ce jardin tous les jours, alors pourquoi fallait-il qu’on s’y attarde aujourd’hui ?
  • Vous avez l’œil vif, c’est une qualité. Cependant, vous n’avez pas encore remarqué l’essentiel.

Elle s’avança sans attendre de réponse et dégagea une portion du socle, recouverte par des fleurs. Dessus, une plaque de bronze portait l’inscription : "Je suis le témoin du cœur de celui qui me regarde", suivie des initiales P.A..

  • Ce socle a été inventé par Phineas Abbott, le célèbre fondateur de l’école de la FallCliff Academy. D’après ses témoignages écrits, Abbott avait des prédispositions remarquables pour les dons de doubles vues. Il pouvait voir l’âme des personnes qui l’entouraient, y compris leur passé, leurs intentions présentes et leur futur. Cette capacité, décrite de la sorte, pourrait sembler être une bénédiction, lui la vivait comme une malédiction. Un jour, fatigué de ces visions, il décida de scinder une partie de son pouvoir pour la confiner dans cette invention. Les risques étaient immenses, mais le résultat dépassa toutes ses attentes.

Elle libéra la plante, qui rampa étrangement pour retrouver sa position initiale, puis se tourna vers la jeune fille, toujours figée dans une expression de perplexité. Elle n’en fit aucun cas et reprit son monologue, imperturbable.

  • Depuis la fondation de notre école, il y a plus de quatre siècles, chaque directeur a pour consigne de conduire les nouveaux élèves devant ce socle. C’est un rite de passage crucial, car, comme le suggère l’inscription, le socle matérialise une statue unique pour chaque nouvel élève. Chaque détail de cette statue reflète la personnalité et le potentiel de l’élève à son arrivée à FallCliff Academy, ainsi que la trajectoire qu’il pourrait suivre sans les enseignements appropriés.

Elle marqua une pause, laissant ses paroles s’imprégner, avant de conclure :

  • Aujourd’hui, je découvre la vôtre en même temps que vous, et je dois dire qu’elle me laisse sans voix.

Les explications furent déroutantes pour Polina. Jamais de sa vie elle n’avait entendu parler d’une telle sorcellerie. Elle demeura immobile, son visage fermé, mais sa mâchoire se crispa imperceptiblement tandis que son regard retournait à la statue. Si Madame Hawthorne disait vrai, cette créature hideuse n’était pas qu’un simple artefact. Elle en était un reflet. La magie de cet homme, mort depuis des siècles, avait capturé une image précise, chargée de sens. Et pourtant, elle lui échappait. Pourquoi ce Minotaure, ce symbole d’enfermement et de colère latente ?

Toutes ces questions tourbillonnèrent dans son esprit, s’accumulant dans un coin de sa conscience sans trouver d’issue. Comme si elle avait perçu cette agitation intérieure, Madame Hawthorne déclara d’un ton calme :

  • Votre statue est intéressante, Mademoiselle Petrova. Elle témoigne d’un potentiel certain, mais elle soulève également quelques interrogations. Le Minotaure est une image rare chez nos élèves, et je ne peux vous dire avec certitude pourquoi ce symbole vous a été assigné.

Polina garda le silence quelques secondes, luttant pour retenir l’élan de son cœur qui semblait marteler ses côtes. Finalement, elle parla, sa voix calme, mais basse :

  • Est-ce quelque chose de mauvais ?

Le léger frémissement de l’aile du nez de la directrice en dit bien plus à Polina que les balbutiements positifs et rassurants qui suivirent sa question. Elle ne réagit pas, mais son regard s’éteignit légèrement, se détachant de son interlocutrice. Ces réponses hésitantes ne lui inspiraient aucune confiance. Ce qu’elle cherchait, elle le trouverait seule. Elle se promit de se renseigner sur le sujet, et sur le socle en lui-même. Elle préférait en avoir le cœur net, d’autant qu’elle ne croyait pas un mot de ce qui venait de lui être dit.

  • Et vous ? Quelle était votre statue ?
  • Un dragon. Marbre blanc, écailles dorées. Magnifique.

Ses dents se dévoilèrent dans un large sourire fier, et Madame Hawthorne reprit lentement sa marche autour de la statue. Polina se tendit légèrement, troublée par cette démonstration ostentatoire d’assurance. La directrice semblait savourer le souvenir de sa propre statue autant que l’effet qu’elle produisait. C’est alors qu’elle remarqua une chose étrange : la statue commençait à changer. Sous la brise glaciale, le marbre semblait se fissurer, se fragmenter. Des grains de poussière blanche et dorée s’échappaient des contours nets de la sculpture, tourbillonnant dans l’air avant de disparaître.

Elle plissa les yeux, cherchant à comprendre ce qu’elle voyait. Ce n’était pas une illusion ; elle voyait vraiment cette transformation, ce désassemblage progressif. La magie semblait s’effacer, comme si elle abandonnait peu à peu son emprise sur cette forme éphémère.

  • Elles sont temporaires, expliqua calmement la directrice en s’arrêtant près du socle, les mains croisées devant elle. Elles ne durent qu’une dizaine de minutes, tout au plus, avant de se dissoudre en une fine poussière.

Polina recula légèrement, se déplaçant comme si ce qu’elle voyait risquait de la happer. La transformation s’accélérait. Le Minotaure, si solide et imposant quelques instants plus tôt, perdait sa consistance. Les chaînes, autrefois lourdes et oppressantes, se volatilisèrent en premier, laissant un vide troublant à l’endroit où elles avaient marqué son corps. Puis les cicatrices dorées disparurent à leur tour, effacées comme si elles n’avaient jamais existé, mais leur empreinte restait vivace dans l’esprit de Polina.

Un curieux mélange d’émotions l’envahit. Il y avait un certain soulagement, presque instinctif, à voir disparaître cette figure sombre et pesante. Mais ce soulagement était entaché d’un sentiment de perte, une impression frustrante que quelque chose d’essentiel lui échappait.

Ses yeux verts s’attardèrent sur la tête inclinée de la créature, qui semblait paisible dans son effacement, comme si elle acceptait de céder au néant. Ce Minotaure portait en lui des souffrances, des luttes, une tension constante, et Polina sentait ces traits résonner en elle d’une manière qu’elle ne parvenait pas à définir.

Les derniers fragments de la statue se dissipèrent en une poussière lumineuse, s’élevant doucement dans l’air avant de retomber sur le socle noir, désormais vide. Un vide si complet qu’il lui parut presque oppressant.

  • Tout ce qui reste, c’est le socle, dit Madame Hawthorne, rompant le silence d’une voix calme, presque détachée. C’est tout ce que vous avez à comprendre.

Polina baissa les yeux vers le socle nu. Les pensées tournaient en elle comme des engrenages mal huilés. Le Minotaure avait disparu, mais il n’était pas parti seul. Il avait laissé une trace, une sensation persistante qu’elle n’arrivait pas à nommer. Les chaînes brisées, les cicatrices effacées et ce regard incliné flottaient encore dans son esprit, comme des fragments qu’elle savait devoir assembler un jour.

Elles gagnèrent une porte opposée à celle empruntée pour entrer dans le cloître et débouchèrent sur un long couloir dont les murs s’étiraient comme des pages d’un livre ancien, décorés de mille et une portes semblables mais mystérieusement uniques. Chaque poignée en métal finement ciselée semblait murmurer une histoire oubliée, et Polina ne put s’empêcher de les effleurer du regard, presque fascinée par leur silence imposant.

Madame Hawthorne n’interrompit pas sa marche, prenant un escalier en colimaçon dérobé, puis enchaînant une série de virages et de corridors alambiqués. La cadence était rapide, presque impérieuse, et Polina, bien que fatiguée, s’efforça de suivre, ses pas écho des talons assurés de la directrice.

  • Dépêchez-vous, Mademoiselle Petrova, lança Madame Hawthorne par-dessus son épaule, sans ralentir. Nous avons un emploi du temps serré, et je n’ai pas l’habitude d’attendre.

Polina accéléra le pas sans répondre. Ses jambes, endolories par des jours de marche, protestaient, mais elle ne ralentit pas. Madame Hawthorne ne semblait pas remarquer son effort.

Malgré tout, ses yeux tentaient d’absorber chaque détail. Les murs de pierre, décorés de gravures complexes, semblaient raconter des récits qu’elle ne comprenait pas. Les tapis aux teintes émeraudes vives se fondaient dans le décor opulent, tandis que des sculptures finement travaillées jalonnaient leur chemin, certaines si réalistes qu’elles paraissaient prêtes à prendre vie. Les tableaux accrochés ça et là représentaient des figures solennelles et des scènes mystérieuses, leurs regards paraissant la suivre, comme autant de juges silencieux.

Elles quittèrent l’escalier pour s’engager dans un enchaînement de couloirs sinueux. Chaque tournant, chaque bifurcation rendait le trajet plus déroutant. Malgré la cadence imposée, Polina tentait de retenir chaque détail. Les murs de pierre richement décorés semblaient raconter une histoire à travers des gravures d’une précision étonnante. Des tapis émeraude, éclatants et moelleux, amortissaient leurs pas. Les vitraux, illuminés par une lumière diffuse, projetaient des reflets colorés sur le sol et les murs, créant des jeux d’ombres mouvantes qui troublaient son regard.

Des tableaux, des sculptures, des objets anciens étaient exposés à intervalles réguliers, tous si riches en détails qu’ils semblaient défier le temps. Polina s’efforçait d’en mémoriser un maximum : une peinture représentant une mer agitée, une sculpture de lion dont les yeux semblaient la fixer, un chandelier d’argent ciselé avec une précision presque douloureuse.

Mais malgré sa vigilance, elle le savait déjà : laissée seule, elle serait incapable de retrouver son chemin. Les détours, les escaliers dérobés, les intersections infinies s’entassaient dans son esprit, formant un enchevêtrement confus.

  • Encore quelques pas, annonça Madame Hawthorne, sa voix résonnant dans le couloir.

Polina ne répondit toujours pas. Elle gardait la tête haute, son visage impassible, mais son esprit tentait de décortiquer ce qu’elle voyait. Ce lieu n’était pas qu’une école, pas seulement un refuge. Il y avait dans ces murs une intention, un message qu’elle ne comprenait pas encore. Chaque détail, chaque pièce semblait lui murmurer quelque chose d’inaccessible, comme un langage secret qu’elle devait apprendre à déchiffrer.

Enfin, elles s’arrêtèrent devant une arche imposante. Un petit corridor s’ouvrait sur une unique porte noire, massive et ornée d’un heurtoir à tête de dragon sculpté en or. Les yeux du dragon brillaient d’un rouge profond, semblable à des rubis vivants. Polina sentit une tension s’éveiller dans sa poitrine à la vue de cette porte, mais elle n’en montra rien.

  • Vous devez rester attentive, Mademoiselle Petrova, dit-elle avec un sourire qui n’atteignit pas ses yeux. Vous êtes encore bien loin de comprendre où vous êtes réellement.

La porte s’écarta dans un souffle, comme si elle reconnaissait l’autorité de Madame Hawthorne et Polina sentit un frisson parcourir sa nuque. Elle n’en montra rien et suivit la directrice, son regard accrochant un dernier instant les gravures de la porte, comme si elles contenaient un secret qu’elle aurait dû comprendre avant d’entrer.

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