Bien des années après, Youssef avait grandi, il était parti loin, très loin, plus loin que le ciel et les étoiles, il avait traversé le désert, puis les montagnes, prit le bateau, le train.

Youssef s'était marié, elle était blonde aux yeux bleus, elle était inteligente et brillante, elle appartenait à une grande famille.

Une belle et grande famille, respectée et admirée dans sa ville, et lui il était la pièce importée, il était l'illétré parmi les intelectuels, le bédouin parmi les civilisés.

Il était l'indigène et son père l'avait avertit

- Ce sera sans lui, sinon c'est la porte.

- La porte lui répondit sa fille.

Jamais elle n'aurait laissé Youssef, il était son oxygène dans cette vie si stricte, si monotone, si grise.

Elle rêvait de couleurs, d'aventures, une soif et une curiosité, qui ne pourraient s'apaiser que par sa propre expérience.

A l'époque, juste après l'indépendance de l'Algérie, il faisait mauvais de s'appeler Youssef.

Entre coups de matraque, coups de poings, refus de lui accorder du travail, regards méprisants, elle le supplia de plier bagages, et de partir avec lui, chez lui, au Pays des milles et une nuits, au pays, où la magie peut opérer !

Un jour, leurs trois gamins sous les bras, quelques babioles dans le coffre de la voiture, ils partirent pour l'autre monde.

Les gamins furent perdus, une nouvelle culture pour eux, ils redoublèrent leur première année scolaire, mais un enfant ça s'adapte vite !

Les années passèrent, et il les passa à bosser pour grandir et devenir le maitre dans son métier. Etre connu et reconnu, lui l'orphelin. Rien d'autre ne comptait.

L'argent se mis à couler, et plus l'argent rentrait, plus il en redemandait.

Tel Picsou, il passait ses nuits à compter ses billets.

Doucement il s'éloignit de sa famille, il avait gouté aux vices de l'argent.