- Jean-Paul ! On a du nouveau, c'est pour toi !

Jean-Paul rapplique dans le bureau du patron. La tour centrale... Ça faisait longtemps qu'il n'y avait pas mis les pieds. En tout cas, son bureau n'est pas mieux rangé que la dernière fois. Plus rien ne l'étonne maintenant. En fait, il n'a même jamais vu la couleur du bureau tellement il y a des papiers partout dessus ! À se demander comment il fait tourner la boutique.

- Ta mission urgente : la patronne est devant une page blanche, elle cherche "l'inspiration". Alors trouve-moi quelque chose qui pourra la satisfaire et lui donner des idées. Tu as carte blanche, comme d'habitude !

Jean-Paul sort du bureau, presque découragé avant même d'avoir commencé. Il n'aime pas ce genre de mission où rien n'est vraiment défini, rien n'est cadré... Du coup il n'est jamais sûr de réussir. Il regarde devant lui : tellement de chemins et de choix sont possibles devant les méandres de ce cerveau ! Allez, c'est parti, il commence à droite, le quartier des romans ; il a pas mal d'amis là-bas, ils pourront peut-être l'aider cette fois-ci.

- Hey, Patrick ! T'as quelque chose pour moi aujourd'hui ?

- Quoi ? La patronne se remet à écrire ?

- Ben ouais, enfin quand je lui aurai ramené quelque chose...

- Ah... Bon courage alors ! Parce que là ça fait trop longtemps qu'on n'a pas eu à bosser, faut que je réveille l'équipe. Va-voir vers le quartier des poèmes, peut-être qu'ils auront quelque chose !

Jean-Paul fonce au quartier des poèmes. C'est un quartier qu'il aime beaucoup : bien décoré, avec de jolies fleurs, tout dans des tons pastels ; il s'y promène parfois. Il croise Rosalie, belle brune aux cheveux longs et bouclés, vêtue d'une belle robe, comme toujours. Mais devant elle apparaît le panneau "indisponible". Merde, elle est en train de rêver, encore... Ce ne sera pas pour aujourd'hui on dirait.

Jean-Paul se dirige vers le quartier des chansons et se montre pressant.

- Salut Elvis, ça va ? T'as quelques notes ? Quelque chose ? C'est pour la patronne.

- Salut Jean-Paul ! Euh... à peine deux accords, je peux te préparer quelque chose mais il va me falloir plus de temps. Attends ! Tiens, j'ai un titre qui traîne depuis des mois et on n'a jamais su quoi en faire. Je te le donne volontiers, ça me fera de la place !

Jean-Paul repart avec le titre sous le bras. Ce n'est pas grand chose, mais c'est mieux que rien. En chemin, il croise Sonia, la reine des souvenirs.

- Hey, Sonia ! Tiens, ça te rappelle quelque chose ça ?

Jean-Paul tient le titre bien en évidence devant lui. Sonia le lit attentivement, plusieurs fois, réfléchis...

- Oui, attends, c'était une histoire de couple qui allait mal. Je m'en souviens parce qu'il y avait plein de fausses notes ! Et puis... Oh, je ne sais plus vraiment, c'est vieux tout ça. Désolée !

Sonia passe son chemin et retourne sur son nuage de souvenirs. Il a l'ait cotonneux et tout doux, mais Jean-Paul n'a jamais eu le droit de s'en approcher plus que ça. Quand il part en mission, c'est pour du neuf et des choses à inventer, pas du vécu.

Bon, un titre, un couple, des disputes... c'est bateau tout ça, ça ne va pas la mener bien loin la patronne. Jean-Paul continue de silloner les chemins divers. Dans la fabrique à mot, ça travaille dur, mais tant que ce n'est pas passé à l'assemblage, ça ne vaut rien. Le quartier des contes est presque vide, celui des policiers est laissé à l'abandon, et celui des thrillers n'est pas allé plus loin que le permis de construire. Changement de direction, un coup à droite, un coup à gauche, et il sonde ainsi jusqu'à trois étages en tapant à presque toutes les portes des différents quartiers.

Après cinq bonnes minutes de recherche, Jean-Paul revient vers le patron, les bras chargés de petites choses.

- Voilà ce que j'ai trouvé chef : un titre, un couple qui se dispute, un chat, l'odeur de peinture, la couleur verte, un meuble cassé, un peu de haine, une recette de cuisine, le prénom Germaine, et le métier d'avocat. Plusieurs quartiers se sont remis à travailler donc j'aurai bientôt autre chose à proposer mais pour l'instant, c'est tout ce que j'ai pu trouver !

- Magnifique Jean-Paul ! Attend que je lui balance ça, on va voir ce qu'elle va en faire !