Je n’allais pas la voir par la suite durant un certain temps. Elle devait assurer un service de caisse à la superette durant les vacances d’hiver à partir de 9h le matin ou en fin d’après-midi. Et après les vacances, elle évitait de venir travailler chez moi quand j’étais présent. Elle passait bien de temps en temps car je voyais de nouveaux livres, de nouveaux dossiers, de nouvelles clés USB à son poste de travail. A mon avis elle avait pris ses distances avec moi, ne digérant pas le traitement que je lui avais fait subir en forêt une nuit de février mais j’avais appris par la mère de Gaelle qu’elle s’en voulait beaucoup de son comportement lors de la soirée à Chevreuse car elle avait été pleurer dans les bras de son amie Gaelle qui lui avait confirmé son sauvetage à la gare de St Rémy. Naturellement Valérie n’avait rien dit de la punition que je lui avais donnée suite à son attaque dans les bois.

Un samedi après-midi vers 16h alors que j’étais penché sur une toile rêvant à ce que j’allais mettre comme couleur, je fus sorti de ma léthargie par la sonnerie de la porte palière.

—ENCORE UN GÊNEUR ! on est samedi ! Je pourrai être en train de faire la sieste !

J’allais à la porte que j’ouvris comme on le fait souvent à Paris, en l’entre-baillant un peu, pour jeter un coup d’œil sur le palier. Je vis une femme de 35-40 ans en pantalon noir et corsage blanc sous un manteau bon chic bon genre de couleur claire ; elle avait un visage sérieux sous un chignon serré du plus beau noir, des yeux noirs aux regards très profonds et un teint mâte.

—Madame ?

—Je suis Mme MALGRANGE, la mère de Valérie et j’aimerai vous parler si vous avez un moment. Je sais que je m’impose un peu et j’ai hésité jusqu’à maintenant pour venir vous voir. Je profite d’être venue déjeuner chez les Dumont sans ma fille pour prendre contact avec vous. Je vous demanderai de ne pas en parler pour l’instant à Valérie.

—Veuillez entrer.

Je n’allais pas lui dire non mais j’étais inquiet car je m’étais tout de suite demandé en moi-même : a-t-elle encore fait des siennes ? aurait-elle à nouveau gouter à la drogue ? S’est-t-elle plein à sa mère du traitement que je lui avais fait subir lors de son sauvetage à Chevreuse ?

—Puis-je vous offrir quelque chose : un café, du thé, des jus de fruit…

—Je veux bien une tasse de thé.

—Cela ne vous dérange pas trop si nous nous installons à la cuisine car dans la salle de séjour j’ai beaucoup de documents qui trainent un peu partout et il y a aussi des dossiers que Valérie a laissé derrière elle ; vous devez savoir que je lui ai permis d’utiliser mon MAC et, souvent, elle laisse des dossiers ici. J’aimerai éviter d’y toucher car, si je ne les remettais pas dans le bon ordre, j’entendrais parler de mon désordre pendant un temps infini.

—Nous serons très bien à la cuisine. Je suis ici pour vous poser qu’une question : quelles sont vos intentions avec Valérie ? Je vous rappelle qu’elle n’a pas encore 18 ans, que, si c’est une élève studieuse qui réussit, elle a néanmoins certains comportements d’enfants beaucoup plus jeunes. Je ne veux pas vous faire de procès d’intention mais j’aimerai bien qu’honnêtement vous me disiez comment vous voyez l’évolution de vos rapports avec elle. J’ai compris par son comportement que vous aviez dû avoir un accrochage sérieux il y a quelques jours avec elle ; cela l'a beaucoup déstabilisée car elle s’est très attachée à vous. J’aimerai que cela ne se traduise pas, pour elle, par de fortes déconvenues dans le futur. Avez-vous partagé votre lit avec elle ?

« Maman » était inquiète pour sa fille ! Pas à dire elle va droit au but !

— Madame, pour le …

—Vous pouvez m’appeler « Sophie » car je pense que nous sommes appelés à nous revoir.

—Sophie, je ne connais votre fille que depuis 4 à 5 mois seulement. Je dois avouer que notre rencontre a été fortuite et, non de tout repos, mais je peux dire que je l’aime bien ; actuellement pour moi elle est comme une petite sœur. Dans ma famille je n’ai qu’un frère et il a 5 ans de plus que moi, il est actuellement en stage aux USA, il est médecin. Je sais qu’elle a 17 ans et qu’elle est encore, par de nombreux côtés, un peu tendre comme tout jeune qui a vécu dans un milieu protégé et, parfois, elle agit un peu trop comme un « chien fou ». Je ne sais pas encore si nos liens se développeront ou si nous continuerons à être seulement amis. Il n’est pas question pour moi de mélanger nos sabots pour le moment. J’essaye de répondre à toutes ses interrogations qu’il s’agisse du comportement des garçons, des professeurs, de toute personne entrant en contact avec elle, des évènements sociaux ou politiques. Quand elle a des doutes sur ses choix d’orientation j’essaye de l’aider à les assumer en lui montrant toute la palette de ses possibilités futures. Elle vient d’entrer à l’université et elle va rencontrer beaucoup de personnes différentes, jeunes ou pas jeunes et l’avenir s’ouvre à elle ; qu’elle prenne conscience de la diversité des êtres, des idées et de la diversité des vies, qu’elle se fassent une idée de tout sans se précipiter. Il est important pour elle de se façonner une personnalité en toute indépendance. Elle va apprendre beaucoup de choses. Il ne faut pas qu’elle s’enferme dès maintenant dans une relation à deux ; il faut qu’elle puisse se faire des amis sans que ma présence définisse ses choix. Elle doit aiguiser son esprit, non en fonction de moi, mais des diversités qu’elle va rencontrer.Ses cours de "Droit" devraient aussi avoir une influence sur sa façon de voir sa vie future et, m'étant jamais intéressé à cett discipline, jeois m'abstenit d'avoir trop d'influence dans ses choix.d

Pour le moment nous nous côtoyons, mais je n’ai aucun lien d’intimité avec elle. Comme je vous l’ai dit : pour moi, elle est la petite sœur que je n’ai jamais eue, je m’intéresse à ce qu’elle fait, je fais attention à ce qu’elle ressent, si elle a des interrogations j’essaye de lui donner un avis en montrant toujours le plus d’éclairages possibles. J’essaye autant que peut se faire de ne pas troubler ses sensibilités. Elle est en transit vers l’âge adulte avec tous les problèmes que cela pose, qu’elle se frotte aux garçons de son âge et qu’elle fasse ses propres expériences. Je dirai que le fait qu’elle semble en train de tomber amoureux de moi me complique un peu la vie et j’essaye de la maintenir loin de moi le plus possible mais il y a un fait c’est que nos manières de penser, nos conceptions de la vie nous poussent naturellement l’un vers l’autre. Ma seule ligne de conduite peut se définir ainsi : laisser filer le temps, vivre sans forcer les choses, qu’elle reste libre le plus longtemps possible pour qu’elle sache exactement ce qu’elle fait.

—Qu’allez-vous faire plus tard ? allez-vous choisir les sciences ou les arts ?

—Je ne vais pas choisir ; je vais essayer de continuer comme maintenant avec un métier : chercheur ou ingénieur, et une activité ludique : la peinture.

—Ne croyez-vous pas que le fait de ne pas choisir puisse freiner votre carrière ?

—Je ne vois pas ma vie future accrochée à une ligne droite ; faire carrière n’a aucun sens pour moi car je refuse que ma vie soit dépendante d’un but fixé à l’avance. J’ai refusé d’aller dans une grande école car je voulais ne pas être formaté et disposer à tout moment du choix de mon futur immédiate. Il y a de fortes chances que les choix, que j’ai fait jusqu’à présent, ne correspondent pas à ceux que je ferai d’ici 5 à 10 ans, surtout si je me mets en couple pour fonder une famille. C’est aussi une de mes raisons pour ne pas coller maintenant ma vie à celle de Valérie car je désire qu’elle puisse comme moi avoir une grande liberté de décisions.

—Essayez de faire comprendre cela à Valérie mais je tenais à vous faire savoir ce qu’elle voyait en vous : un garçon digne d’être aimé. Elle me parle beaucoup de vous. Maintenant, il se peut que je me trompe. J’espère que vous éviterez de lui faire ce qui m’est arrivée il y a 18 ans. Je suis tombée enceinte d’un garçon que j’aimais à la folie mais c’était un irresponsable. Dès qu’il a appris la nouvelle, j’ai bien vu que cela ne lui faisait ni chaud, ni froid. Il me laissait faire ce que je voulais : avoir l’enfant ? avorter ? Il s’est arrangé pour me faire comprendre que c’était à moi de prendre la décision ; il ne voyait pas que nous devions prendre une décision de « couple » et quinze jours après il avait disparu après l’envoi d’un message laconique où, en trois mots, il me disait qu’il ne se sentait pas assez mûr pour être en couple et assumer un enfant. Et je n’ai jamais plus entendu parler de lui ; il n’était pas de Paris et j’ai découvert que l’adresse de ses parents à Bordeaux était fausse. Heureusement, mes parents, compréhensifs, m’ont soutenue, aidée, et j’ai eu Valérie ; je ne l’ai jamais regrettée, même si parfois elle m’a rendu la vie pas très facile. Cerise sur le gâteau en ce qui concerne cette naissance : elle s’est très mal passée et on a dû m’enlever l’utérus peu de temps après. Je n’ai jamais rien dit de cela à Valérie car je ne voulais pas qu’elle ait un aperçu négatif de l’amour et du couple ; je m’aperçois maintenant que j’ai, peut-être, eu tort car elle ne comprend pas mon célibat mais je ne me voyais pas demander à un homme de mon âge de vivre en couple alors que je ne pouvais plus avoir d’enfant !

Sachez, Mathieu, que j’ai l’intention de vous faire confiance, à vous comme à Valérie. C’est à vous de voir si vous pouvez avoir un devenir commun. Je vous demande qu’une chose c’est de ne pas tricher ; tous les deux vous avez des potentialités, essayez de les développer et de les utiliser à bon escient que vous soyez tout seuls ou que vous décidiez de vous mettre en couple de par les sentiments que vous développeriez entre vous.

Dans cette dernière déclaration qu’une réflexion à faire : LE DEVOIR.

- Je sais qu’il y a 3 semaines, vous avez eu des problèmes entre vous ; la mère de Gaelle en a eu quelques échos par sa fille et son ami Pascal. Elle s’est montrée très discrète en évitant de leur poser des questions trop précises. Elle m’en a parlé car je m’étais aperçu que Valérie n’allait pas bien ; elle avait par moment des crises de larmes ce qui n’est pas dans ses habitudes. Je l’ai interrogée mais j’ai très vite compris qu’elle ne voulait rien m’en dire ; certaines de mes questions trop précises la mettaient dans un état second. Comme il semble que son humeur habituelle soit redevenue au beau fixe je pense que la crise n’est pas trop grave et qu’il n’est pas question que j’intervienne. Je voulais simplement vous dire que je serai toujours prêt à vous aider en cas de problèmes mais ce sera à vous deux de m’en parler. N’oubliez pas que Valérie est romantique comme souvent les jeunes filles de son âge et qu’elle commence à tomber amoureuse de vous ; essayez de freiner ses inclinaisons si vous n’êtes pas sur la même longueur d’onde.

Sauve qui peut ! Pour le moment Valérie est une simple amie ; nous ne sommes pas en couple et je ne suis pas sûr que nous le soyons un jour. Certes, il semble qu’elle soit devenue très accro à ma personne mais, de là à aller plus loin dans nos rapports, il n’en est pas question. Je ne l’ai embrassée qu’une ou deux fois sur les joues à la va vite et il ne m’a pas semblé qu’elle n'en voulait pas beaucoup plus. C’est une fille comme une autre ; en suis-je bien sûr ou est-ce que je refuse une certaine réalité ? Je dois avouer que je n’avais jamais pensé à elle comme une partenaire potentielle ; j’avais fait une croix dessus du fait de son âge et de son innocence qu’elle portait sur sa figure et dans ses yeux. Je dois, cependant, reconnaitre qu’il s’agit d’une personne intéressante, très vive d’esprit, très intelligente tout en gardant un esprit créatif.

—Ne vous faites pas de soucis, j’ai conscience de l’attachement de Valérie vis-à- vis de moi mais je pense qu’il ne s’agit pas de quelque chose de bien sérieux. Elle découvre avec moi un autre monde qu’elle a envie d’explorer, celui des garçons. En plus, elle veut voir en moi un « savant » mais elle est décontenancée par mon côté artiste. Je peux vous assurer que je ferai mon possible pour ne pas la mettre en porte à faux vis-à-vis de moi.

Nous avons continué à parler un peu de Valérie puis juste avant que sa mère me quitte elle m’a demandé à voir mon atelier ; elle avait entendu parler de ma série de tableaux sur l’Ecosse et elle voulait y jeter un coup d’œil. Heureusement que les esquisses (il y en avait bien une vingtaine) faites sur papier du portrait de Valérie étaient invisibles, car stockées dans un carton à dessin. Je n’avais pas encore l’intention de montrer tout l’intérêt que je lui portais. Sa mère finit par me quitter en me soumettant l’idée que ce serait bien de venir déjeuner chez elle ; je coupais court à l’invitation en arguant que dans les semaines à venir j’allais avoir beaucoup de travail au labo (ce qui n’était pas complètement faux) et que, mes travaux, étant liés à ceux des autres membres de l’équipe, je n’avais aucune idée pour le moment du planning des expériences. Elle ne revint pas à la charge et en partant je la vis sourire d’un air de dire : cause toujours mon ami mais je suis sûr que je vais bientôt te revoir.

Moi, je n’étais pas très heureux car je m’apercevais que Valérie prenait une place de plus en plus importante dans ma vie. Je dois avouer que je pensais souvent à elle.

Dans les jours qui suivirent je n’allais pas la voir beaucoup mais les vacances de Printemps arrivaient et, comme pour celles de février, elle allait tenir une caisse à la superette le matin ou en fin d’après-midi ; il faut dire qu’elle y était très appréciée car elle était souriante et très efficace. Je m’aperçus que, lorsque j’y faisais mes courses, elle était toujours très contente de me voir et, pour peu qu’elle ne tienne pas une caisse et que je la rencontre à réapprovisionner les gondoles, nous passions toujours un grand moment à discuter entre nous au point d’avoir eu une ou deux fois une réflexion de la responsable qui trouvait qu’elle avait autre chose à faire que de discuter avec moi, alors j’avais pris l’habitude de l’aider à réapprovisionner les présentoirs.

Elle s’intéressait à ce que je faisais au labo, à mes projets picturaux et c’est à la suite d’une de ces discussions que j’ai pris la décision de me mettre à son portrait puisqu’elle était en vacances comme moi et qu’elle était libre en début d’après-midi. Pour une fois, j’avais décidé de ne travailler au labo que le matin, me réservant l’après-midi pour l’art. Je l’ai prise en photo sous plusieurs angles, je l’ai fait poser plusieurs fois et je me suis servis aussi des nombreuses esquisses que j’avais faites à différents moments depuis 8 mois. En fait, je n’ai pas fait qu’un portrait d’elle mais plusieurs avec des angles différents et des expressions différentes. Je la voyais toujours très perplexe face à mon travail car je ne terminais jamais le portrait que je faisais devant elle et elle ne s’était jamais aperçue que je faisais disparaitre certaines esquisses, celles qui allaient me servir à finaliser les toiles. Pour exprimer mon art j’étais toujours très gêné de travailler quand quelqu’un me regardait et ce système de ne faire que des esquisses quand les personnes posaient me permettaient de travailler par la suite dans le secret de mon atelier. Finalement je me suis retrouvé avec 4 portraits d’elle sans trop le vouloir et je les lui montrais un soir avant qu’elle ne quitte l’appartement où elle était venue réviser ses examens. Elle ne dit rien mais j’ai vu à sa tête qu’elle était émue ; elle me fit un grand sourire tout en étant gênée et s’approcha de moi pour me donner une bise sur la joue.

- MAT. ! Puis-je en emporter un pour le montrer à maman ?

- Tu sais, ils ne sont pas encore tout à fait finis ; je ne suis pas sûr que le résultat traduise bien ta féminité et ton caractère.

- Je voudrais le montrer à maman, me dit-elle en prenant dans la main un des plus grands (65x50). Je ne sais si c’est vraiment beau mais je m’aime bien quand je le regarde.

- Oui ! si tu veux, mais tu me le rapporte dès que j’aurai finaliser les autres.

Elle s’approcha à nouveau de moi et je pense que, si je n’avais pas tourné la tête, ses lèvres auraient rencontré les miennes mais je n’étais pas encore décidé à répondre à ses avances et elle rencontra ma joue gauche. Elle ne s’en offusqua pas et sortit de l’appartement en souriant et en secouant la tête.

Je n’ai jamais vu quelqu’un d’aussi coincé. Il aurait pu accepter de m’embrasser réellement sur la bouche ; lui ferais-je peur ? Pourtant quand il vient ici avec une fille qu’il invite dans son lit, il n’a aucune retenue. Il est vraiment compliqué ! Je ne lui demande pas de vivre en couple avec lui mais j’aimerai tant que ce soit lui qui me fasse devenir une femme après m’avoir embrassée partout, partout... J’aimerais tant qu’il me sert dans ses bras et me cajole ! Je vais demander à maman de l’inviter à diner dimanche. J’espère qu’il ne va pas dire non ; j’ai l’impression qu’il fait tout ce qu’il faut pour me fuir.

Le résultat du « kidnapping » du tableau par Valérie fut un coup de téléphone venant d’elle pour transmettre une invitation à déjeuner de sa mère, pour le dimanche qui suivait. J’acceptais car, pris au dépourvu et n’ayant pas trouvé de suite une excuse valable pour me défiler, je me voyais mal refuser l’invitation. J’étais aussi assez curieux de voir l’intérieur de leur appartement et d’analyser le comportement de Valérie face à sa mère.

Naturellement, j’ai eu droit à beaucoup de compliments venant de Sophie pour le portrait de sa fille mais je me suis abstenu de lui dire qu’il y en avait 3 autres représentant sa fille sous d’autres angles de vue car elle aurait sûrement voulu les voir avant qu’ils soient terminés. Ce fut dans l’ensemble un déjeuner sympa qui permit à Valérie de jouer à la fille bien élevée, bien sage. Je me suis, cependant, demandé si c’était sa vraie nature ou si ce n’était que son comportement habituel quand elle était sous les yeux de sa mère. Je lui ai donné, cependant, un bon point car elle était capable de réfuter certains dires de sa mère concernant la justice. Cette dernière était très remontée contre les magistrats et, en particulier, contre certains procureurs bien connus d’Ile de France. Moi, je ne disais rien car je ne connaissais ni les noms ni le milieu de la magistrature. Ce ne fut pas un déjeuner inutile sur le plan artistique car « madame mère », juste au moment, où j’allais m’éclipser me demanda si je voulais bien exposer mes tableaux « écossais » dans le salon d’attente de son cabinet d’avocat. Je me rappelais alors que je les lui avais montrés alors qu’ils n’étaient encore qu’en devenir 3 semaines avant.

A la grande joie de Valérie j’ai accepté mais quand je suis revenu chez moi je n’ai pas cessé de me torturer la cervelle avec une seule question : Pourquoi ai-je dit oui à Valérie et à Sophie ? ne serai-je pas tombé trop facilement sous le charme de Valérie ? Celle-ci peut être très facilement incontrôlable, un peu rigide aussi avec des idées très arrêtées mais elle peut se montrer, avec ses grands yeux noirs pétillants et ses lèvres pulpeuses souvent humidifiées par sa langue, une grande charmeuse. Elle devient alors très, très attirante ! Et, on a envie de dire « OUI » à tout ce qu’elle demande.

De plus, "exposition" voulait dire : publicité à faire, vernissage à organiser, avec sûrement intervention de Valérie et sa mère, rencontre avec le milieu professionnel de cette dernière, mise en contact de Valérie avec le mien et avec ma famille. Cette exposition était une première pour moi car, jusque-là, je n’avais exposé que dans des expos collectives d’associations.

En moi-même je me disais : reprends ton indépendance et laisse Valérie au large ; il y a d’autres filles qui sont prêtes, sans futur obligé, à partager ton lit. Il ne fait aucun doute que Valérie est une fille qui épouse, qui ne couche pas. J’étais embringué dans une drôle d’histoire, sous la coupe d’une amoureuse et de sa mère ! mais, n’est-ce pas cela que je recherchais sans vouloir l’admettre ?

Par la suite, je dois dire que je fus assez pris par des manipes au labo et Valérie était devenue une stakhanoviste du droit car elle était en plein examen et souvent quand je rentrais tardivement du labo, je la voyais travailler sur la grande table de séjour jusqu’à 22-23h ; j’étais un peu gêné car elle préférait travailler chez moi que chez elle; sa mère, soi-disant, faisait du bruit avec la télévision. En fait, l’invitation à déjeuner faite par la mère de Valérie avait permis d’officialiser la venue de celle-ci chez moi, cette organisation avait été avalisée par Mme « Mère » : Valérie venait chez moi quand elle voulait à partir du moment où j’étais d’accord, il fallait bien que je puisse recevoir d’autres personnes, des filles, entre autres, les fameuses "pouffiasses de Mathieu", dixit Valérie. Mon amie pouvait rester tard le soir à partir du moment où je la raccompagnais chez elle quand elle partait.

Elle arrivait en général en début d’après midi et travaillait jusque vers 18h où elle rejoignait son appartement en faisant des courses. Si je rentrais tôt je la voyais mais c’était assez rare car j’avais pris l’habitude de travailler au labo jusqu’à 21h - 22h. Avec l’arrivée des examens en mai-juin, son rythme allait changer : elle arrivait toujours en début d’après midi mais elle avait tendance à rester certains soirs jusqu’à 22-23h. Au début je la mettais à la porte et je la raccompagnais chez elles mais rapidement je me suis aperçu qu’elle partait toujours avec un livre ou des cours et j’ai compris un jour qu’elle allait continuer à travailler dans son lit. A la suite de cela j’ai téléphoné à sa mère pour m’arranger avec elle : « Si elle doit travailler tard qu’elle dorme sur place, elle pourra relire ainsi ses cours en étant avachie sur le grand sofa du salon ». Très rapidement, je lui avais proposé de dormir sur le sofa si elle voulait veillait très tard car, n’aimant pas la voir se promener toute seule dans les rues de Paris à 23h ou à minuit, cela allait m’éviter de la raccompagner chez elle. Elle accepta de suite et, en fille bien organisée, amena un pyjama et des affaires de toilette « au cas où ». J’étais prête à l’autoriser à passer dans la suite des parents mais elle n’avait jamais voulu. J’étais assez soulagé de la nouvelle organisation car cela allait m’éviter d’avoir toujours à la raccompagner même si j’appréciais beaucoup ces promenades nocturnes avec Valérie dans les vieilles rues de Paris. C’était un moment où nous avions des échanges très poussés sur les évènements, sur ses projets futurs ou les miens, sur ce que nous attendions de la vie. Nous n'étions pas toujours d’accord mais nos discussions se terminaient toujours par une sorte de modus vivendi permettant à chacun de ne pas se renier. Il y avait bien quelques baisers échangés mais ils étaient très chastes car nous nous faisions seulement des gros bisous sur les joues.

Elle voulait rester discrète ; peut-être voulait-elle aussi vérifier que je ne partage pas mon lit avec une fille amenée par moi à l’appartement. Il faut dire que je ne vivais pas comme un moine et que j’amenais parfois encore des copines chez moi mais chaque fois je m’arrangeais pour prévenir Valérie qui s’abstenait alors de venir. Je dois avouer que ce type d’évènement avait tendance à diminuer car cela gâter un peu (beaucoup en fait) mes rapports avec elle ; elle me faisait la tête après pendant plusieurs jours, en m’envoyant des piques bien aiguisés, elle avait toujours des remarques très aigres ou très acides à me dire après sur mes « pouffiasses ».

J’essayais de lui faire comprendre qu’il fallait qu’elle se réserve du temps pour vivre mais cela ne changeait rien à son comportement. Elle voulait montrer aux autres mais, surtout à sa mère, qu’elle pouvait être une étudiante brillante. Elle recherchait l’excellence.