CHAPITRE 4 : Prologue (Toshio Yamashita-Kun ou « Yo » pour ses amis)
CHAPITRE 4 : Prologue (Toshio Yamashita-Kun ou « Yo » pour ses amis)
« Cité universitaire, quatrième étage, chambre quatre cent dix. »
Toshio referme sa valise une fois ses affaires rangées dans son placard, son nouveau colocataire n’étant pas encore arrivé.
Une peur sourde lui noue à nouveau l’estomac depuis qu’il a remis les pieds sur le campus, celle d’avoir une nouvelle fois à faire face à tous ces garçons et à leurs réflexions sur sa façon d’être.
Pourtant il ne leur demande rien, alors pourquoi cet acharnement à vouloir s’occuper de ses affaires puisqu’ils voient tous bien que leur présence dans sa zone de confort représente pour lui une gêne, pour ne pas nommer autrement la panique qui le prend qu’une nouvelle fois « il » prenne le dessus sur sa volonté et commette un nouvel acte criminel comme ça s’est passé alors qu’il allait entamer sa dernière année de lycée.
Il lui a fallu pas moins d’une année complète de soins psychiatriques intensifs pour reprendre le contrôle, aidé en cela par les nombreux spécialistes qui se sont penchés sur sa bipolarité et fini par comprendre la raison pour qu’un tel acte ait pu se produire, c’est du moins ce que relate leur rapport joint avec le traitement qu’il ne devra cesser de prendre sa vie entière.
L’année passée a été pour lui un véritable supplice au quotidien de devoir éviter tous contacts avec ceux qui pour la plupart n’avaient que de bonnes intentions envers lui, cherchant tout simplement à s’en faire un nouveau camarade mais qu’il ne pouvait se permettre de côtoyer, avec toujours cette peur lui nouant le ventre que tout recommence.
Seul « Tak » son colocataire d’alors, a fini par réussir à légèrement faire céder ses défenses et lui a permis d’avoir au moins quelques moments de détentes une fois tous les deux seuls dans leur chambre.
Cette histoire de transfert le renvoie une année en arrière à devoir se méfier de tout et de tous, pour se monopoliser essentiellement sur ses études en évitant du mieux qu’il le pourra les futurs conflits qui ne manqueront pas d’arriver.
Cette histoire de bipolarité le perturbe suffisamment pour qu’il se renferme sur lui-même sans avoir à se forcer pour le faire, surtout quand il a appris il y a peu de temps qu’à sa naissance un autre embryon partageait la même poche avec lui et que ce jumeau n’a pour une raison qu’il n’a pas bien compris, pas pu poursuivre son développement.
Les différents spécialistes que son père a consultés n’ont rien trouvé de mieux à dire, que ce serait justement la conscience de ce jumeau qui serait ressorti pour protéger son frère lors de l’acte odieux qu’il s’apprêtait à subir.
Depuis lors, Toshio évite volontairement toute situation de contact ou de conflit qui pourrait le faire réapparaître et le ramener à ce jour où deux hommes cherchant à profiter de lui contre son gré se sont retrouvés devant la mort, alors que lui vivait l’instant comme dans un brouillard, jusqu’à ce qu’il retrouve ses sens quelque temps plus tard avec en ressenti un immense épuisement de son corps tout entier.
Ces deux dernières années lui ont fait perdre beaucoup, alors qu’il était un enfant aimant rire et s’amuser avec ses nombreux copains, mais ce qui l’attriste le plus au final c’est surtout d’avoir perdu l’espoir qu’un jour il viendrait enfin lui parler, ou encore qu’un jour ça aurait pu être lui Toshio qui aurait trouvé enfin le courage suffisant pour vaincre cette timidité maladive qu’il éprouvait juste pour lui et qui le laissait le croiser tête baissée sans jamais s’arrêter, alors que son cœur battait à tout rompre.
La crainte sans doute que le sentiment très fort qu’il ressentait ne soit pas partagé, qu’une parole de sa part ne l’éloigne à tout jamais, alors que depuis tant d’années il le regardait grandir et s’épanouir, paré d’une beauté presque irréelle qui faisait se retourner tout le monde plus ou moins discrètement sur son passage.
Toshio essuie la larme qui au souvenir de son amour perdu s’écoulait lentement sur sa joue, sa main attrape le petit cadre ou une photo « le » montre, souriant au milieu de tous les élèves de sa classe.
Il avait une quinzaine d’années quand cette photo a été prise et Toshio se demande bien comment il peut être maintenant à presque vingt ans, sûrement plus beau encore mais aussi tout autant auréolé de cette aura d’intelligence, de gentillesse et de virilité, qui lui amenait tant d'’amis autour de lui.
Lui aussi en avait beaucoup à cette époque, mais c’était avant ce drame qui depuis lui a ôté toute joie de vivre et surtout tout espoir de "le" revoir un jour.
Un son étrange comme un reniflement dû à de la tristesse se fait entendre dans sa tête, montrant bien le danger qu’il a à baisser sa garde en se laissant aller dans les sentiments et combien est de plus en plus proche l’autre moi, qui n’attend qu’un moment de faiblesse de sa part pour pouvoir reprendre les commandes de son corps, ne sachant toujours pas à quoi s’en tenir sur ses véritables intentions et surtout si celles-ci sont bonnes ou mauvaises.
La seule expérience qu’il en a eue étant celle de ce jour funeste où deux hommes ont perdu la vie, mais l’a-t-il fait pour le défendre ou pour assouvir une soif de haine et de meurtre, la question reste toujours poser dans l’esprit de Toshio qui préfère depuis lors le tenir éloigner pour ne prendre aucun risque.
Combien de fois a-t-il été tenté d’arrêter ou du moins de diminuer sa prise de médicaments, pour prendre le risque ensuite d’entrer en contact avec son autre personnalité et ce afin de s’assurer une bonne fois pour toutes de ce qu’il est en vérité, un samouraï défendant le faible et l’opprimé, ou un yakusa sans foi ni loi comme le sont ses propres ancêtres.
Toshio se place devant le miroir qui lui reflète son image, il dégage son col de chemise de façon à faire apparaître le tatouage qui s’il était dévoilé au grand jour, amènerait le respect, mais aussi la crainte à ceux nombreux qui en comprendraient la symbolique.
Petit fils et fils cadet du chef incontesté des Yamagushi-Gumi, la plus grande et puissante secte mafieuse du Japon, Toshio au contraire de son frère aîné n’en a pas la corde sensible, étant plutôt partisan de la paix dans le monde et du bonheur pour tous, ce qui semble ne pas déranger outre mesure sa famille qui voit plutôt ça avec un sourire étrange, comme s’ils s’y attendaient et n’espéraient que ça venant de lui.
Toshio ose un sourire devant le miroir, sans se rendre compte combien lui aussi peut-être d’une beauté confondante, presque irréelle et que les superlatifs qu’il emploie en pensant à son amour, pourraient tout aussi bien lui être adressé, à part peut-être la notion de beauté qui pour lui serait plutôt à mettre plus dans le genre mignon que viril, sans être non plus et de loin s’en faut efféminer.
Son sourire s’efface rapidement pour laisser place au visage fermé qui lui est devenu habituel, quand Toshio entend la porte de sa chambre s’ouvrir et qu’il se retourne pour voir qui est le nouvel arrivant, ne faisant aucun doute pour lui que c’est son futur colocataire qui se montre enfin.
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