CHAPITRE 60 : « Shanpaï » « Takumi Fukuda-Kun »

Florian voit bien l’envie de rire difficilement retenu sur le visage de Tomoya, un bref regard de connivence et un signe de main d’au revoir, avant que le grand blond ne s’éloigne pour rejoindre le bâtiment.

Du coup c’est lui Florian qui à son tour reste posé là sans plus bouger, à cogiter sur ce qui dans son déguisement fait que personne ne semble le trouver crédible.

Peut-être n’a-t-il pas choisi la bonne personnalité, en voulant se faire passer pour ce qu’il doit bien admettre est à l’opposer de sa vraie nature.

Un peu tard maintenant pour revenir en arrière, il va donc lui falloir entrer avec beaucoup plus de conviction dans le rôle de composition qu’il s’est créé.

Des regards curieux se portant sur lui, lui fait comprendre qu’il ne doit pas rester planté là et choisit lui aussi de prendre la direction du bâtiment, la bibliothèque étant un bien meilleur endroit pour pouvoir réfléchir tranquillement.

Une fois installé à une table individuelle avec un livre pris au hasard sur un rayonnage, Florian se plonge dans l’analyse qu’il en a déjà de cette affaire qu’il doit bien reconnaître peu banale en soi.

Tomoya n’est de toute évidence pas un danger potentiel, il n’est juste qu’un garçon né quelques milliers d’années trop tôt et qui gère plutôt bien ses caractéristiques physiques et très certainement mentales qui le différencient du reste de l’humanité de cette planète, faisant de lui un idéal sexuel pour toute personne se retrouvant en sa présence.

Il serait le seul dans son cas que peut-être il aurait pris une autre décision que celle de le laisser vivre sa vie sans intervention de sa part, seulement voilà qu’heureusement pour Tomoya il n’est pas le seul et même si les autres sont quasiment tous regroupés au complexe De Bierne, ils sont pourvus eux aussi de cette avancée génétique venant de leurs parents respectifs qui ont été créés à l’époque à l’image des élus de l’empire.

Enfin presque puisque ce n’est qu’en apparence, Tomoya comme son fils à lui ont très certainement une chaîne d’ADN beaucoup plus complexe du fait qu’un de leur parent respectif est vraiment issu d’une civilisation proche de l’ascension, l’étape finale de l’évolution consistant à devenir de purs esprits.

Il ne lui reste plus qu’à rencontrer son fils, chose qu’il remet toujours à plus tard pour il ne sait quelle raison, à part peut-être cette envie de rester dans un environnement qui lui fait oublier l’ennui qui le prend de plus en plus souvent d’une vie sans fin à pouvoir réaliser tous ses désirs, même les plus fous et qui au final devient d’une platitude difficilement imaginable pour ceux qui ne rêvent au contraire qu’à pouvoir vivre la même chose que lui.

Des souvenirs d’un passé si ancien que lui seul en garde la trace, un passé où son âme n’était entouré que de néant sans se souvenir de ce qui l’y avait poussé, mais aussi cette horrible attente à presque en perdre la raison d’une solitude telle qu’aucun de ses sens durant une période inimaginable n’ait pu ressentir quoi que ce soit et le tout sans savoir comment en sortir.

L’oublie de sa véritable origine qui ne lui est revenue qu’au moment où ce que les entités appelaient « l’âme errante » ait retrouvée son intégrité après ce millénaire de dispersion à rechercher un peu d’humanité dans un cœur qui en avait perdu quasiment toute trace.

Le choc de la révélation quand soudainement l’existence de Lorgan* son premier amour lui est revenue à l’esprit, le temps où il lui a fallu prendre sur lui de remettre déjà les choses en l’état dans l’empire avant de repartir à la quête du « Projet Essaimage Néo Natal » qu’il avait créé au tout début, quand sous une impulsion incontrôlée de son esprit devenu fou de solitude, une explosion de lumière est soudainement apparue dans l’espace vierge jusqu’alors et qui s’est mis en une fraction de seconde à scintiller de milliards de petites lumières d’étoiles qu’il lui a fallu ensuite patiemment modelé en y apportant les éléments essentiels au développement d’organismes vivants.

Ce projet donc qui devait l’aider dans cette tâche ardue en libérant sur son passage les différents composants qui ensemencèrent les planètes en formation pour y apporter les éléments primordiaux au développement d’une vie organisée.

Le projet d’essaimage ou « PENN » étant doué d’un embryon de vie propre qui a évolué au fil du temps pour devenir une vraie personnalité et en oublier sa véritable raison d’exister, développant sur son propre corps ce pour quoi il avait été missionné à l’origine.

Le retrouver lui a pris du temps, n’ayant nulle part où chercher plutôt qu’ailleurs, jusqu’à ce qu’enfin il en retrouve la trace, loin, très loin dans une galaxie vierge de toute vie organique, à dériver sans but précis avec cette blessure mortelle qui a été le début de tout en créant ce qu’il est et pour en dernier recours le renvoyer au moment où tout a commencé.

Il lui a fallu faire en sorte que disparaisse cette blessure mortelle avant de tenir sa promesse de revenir chercher celui qui une fois ses souvenirs revenus, a gardé et gardera toujours la première place dans son cœur.

Thomas l’a bien compris quand il a assisté avec Antonin à ces retrouvailles en pleine forêt elfique, pourtant ni lui ni « Tonin » ne lui ont fait de reproche en acceptant les bras ouverts celui qui après tout était le premier amour d’une première vie et serait resté sans doute le seul si les circonstances n’avaient pas été ce qu’elles ont été.

Florian revient soudainement à la réalité quand son front vient heurter la table alors qu’il commençait à s’assoupir, cherchant à comprendre pourquoi ses pensées avaient dérivées aussi loin et surtout à retrouver ce qui les lui a ramenées à l’esprit.

« Ah oui !! Mon fils !! »

D’avoir parlé à voix haute le surprend tout autant que ceux qui étudiaient aux tables voisines et qui se retournent vers lui en cherchant visiblement à comprendre le sens de ses paroles, trouvant très certainement bizarre qu’un si jeune gars puisse déjà avoir une descendance.

Florian dans son rôle de composition n’en tient évidemment pas compte, revenant à l’idée première avant que son esprit se perde à nouveau dans ses souvenirs.

« Comment je vais m’y prendre sans lui amener le doute à l’esprit sur qui je suis en réalité » se demande-t-il alors, parfaitement conscient qu’il ne faudra pas négliger la formidable intelligence qui lui a permis non seulement de survivre, mais aussi de prendre le dessus sur l’esprit et l’âme de son jumeau, au point d’en ignorer l’existence jusque très récemment.

La solution lui arrive comme un interrupteur actionnant la mise en route d’un phare puissant, une compétition d’intelligence à intelligence sans qu’il utilise ses pouvoirs pour prendre la première place, se faisant ainsi une exacte idée des capacités de son fils afin d’en détecter l’éventuelle dangerosité.

Il lui restera ensuite à définir quelle place devra prendre le second jumeau, soit retrouver l’entière possession de son corps, soit trouver un juste équilibre pour qu’une certaine harmonie s’instaure entre les deux frères, soit encore faire en sorte que cette ignominie consistant à se servir de sa semence n’ait jamais donné de résultats.

L’option du jumeau qui vampirise le corps de son frère restant le seul possesseur de ce même corps ne lui venant même pas à l’esprit, démontrant bien combien pour lui cette solution ferait preuve d’injustice.

*Voir l’apprenti magicien