CHAPITRE 77 : « Shanpaï » « Hiroki Itô-Kun »

« Quelque part dans le vaste parc de l’école. »

Hiroki ce matin-là préfère se promener seul, le temps ensoleillé l’encourage à aller plus loin encore qu’il ne l’avait fait l’année précédente et il s’émerveille de ce vaste bois qui paraît n’avoir pas de fin.

Pourtant la « patte » de l’homme y est fortement marquée, ne serait-ce déjà par ce chemin parfaitement entretenu que suivent ses pas depuis qu’il l’a pris.

Tous les cent mètres environ, il retrouve cette grande table et ces deux bancs de bois qui appellent au repos et qui servent au pique-nique des étudiants les jours libres de cours, ou encore pour les longues soirées d’été.

Quiconque le verrait en ce moment précis, comprendrait que le jeune homme est troublé par quelqu’un ou quelque chose et il ou elle n’aurait pas tort, Hiroki étant en pleine réflexion sur sa vie intime ou plutôt sur le manque manifeste de vie intime qu’il connaît actuellement, obnubilé qu’il est par son ami Keisuke, ami qui depuis qu’il le connaît n’a jamais montré un quelconque intérêt autre qu’amical pour lui.

Pourtant Hiroki ne peut se résoudre à croire que l’amour que lui il voue à son ami « Kei » ne soit qu’à sens unique, ou sinon ce serait vraiment cruel.

Mais depuis la pré-rentrée avec l’arrivée de Tomoya, il ne se fait plus guère d’illusion et rien que cette pensée lui amène les larmes de détresse aux joues, comprenant bien qu’il n’est pas de taille à se mesurer avec la beauté quasi irréelle de « Tom ».

- Bah !!! Pourquoi t’avoues-tu vaincu sans avoir même tenté de combattre ??

Hiroki se retourne brusquement après avoir fait un bond de cabri, tellement la voix sortie derrière son dos l’a surpris.

- Hein !! Mais... qu’est-ce que…

Florian sourit derrière les grosses lunettes rondes qui lui transforment le visage en intello un peu (beaucoup) naïf.

- Excuse-moi si je t’ai fait peur, je te suivais des yeux depuis un moment déjà et de te voir baisser les bras m’a... disons… agacé suffisamment pour que je te sorte de tes pensées négatives.
- Tu es… Takumi ??
- Et toi un ami de Tomoya si je ne me trompe ??
- Pour être tout à fait honnête, disons que je connais Tomoya grâce à mon ami Keisuke, je ne peux pas encore parler d’amitié avec lui, mais j’aimerais beaucoup qu’on le soit !!
- Comme beaucoup de monde il me semble.
- Oui !! C’est vrai… mais que voulais-tu dire tout à l’heure ?? Tu lis dans les pensées ou quoi ??

Florian accentue son sourire en ôtant ses lunettes, dévoilant sans plus d’artifice son regard vert émeraude qui fait ciller Hiroki devant l’hypnotisme puissant qui s’en dégage.

Pourquoi interfère-t-il dans la vie de ce garçon alors qu’il n’est venu que pour juger des capacités de son fils, Florian ne saurait trop le dire mais pourtant quelque chose dans cette école l’interpelle, comme un sentiment de déjà-vu qu’il n’arrive pas encore à analyser entièrement.

Le garçon en face de lui pourtant lui amène des souvenirs encore trop flous pour en tirer quelque chose de clair, il ne peut malgré tout qu’être a minima curieux envers ce groupe d’étudiants qui au fil des jours tisse des liens très forts avec ceux-là même justement qu’il était venu surveiller de près.

La lumière se fait alors en le libérant de cette impression bizarre et énervante d’avoir quelque chose au bout de la langue qui ne veut pas sortir.

La similitude de ce groupe autant physiquement qu’intellectuellement avec celui qu’il avait lui-même formé durant sa « rédemption ».

Florian sourit un peu plus encore en revenant vers Hiroki qui attend toujours sa réponse, se promettant de reprendre son idée là-dessus dès qu’il sera seul.

- Disons que j’ai quelques particularités qui m’aident beaucoup à comprendre les personnes qui m’entourent, un peu genre « mentaliste/profiler » ou encore une faculté à analyser les questionnements par l’analyse des expressions, enfin un truc comme ça, tu comprends ??
- Hum !!
- J’ai eu l’impression qu’une grande espérance devenait subitement impossible, aussi je t’ai juste conseillé de ne pas baisser les bras.

Hiroki soupire en baissant la tête de résignation.

- Comment lutter face à la perfection, alors que je ne suis qu’un gars ordinaire !!
- Je comprends!!

Hiroki relève la tête, surpris une fois de plus par la réponse.

- Vraiment ??
- Tomoya est un garçon qui a reçu beaucoup de qualités dès la naissance, il est normal que son ami d’enfance éprouve pour lui ce genre de sentiment.

Florian devant l’air ahuri que prend le jeune homme en face de lui, s’empresse de poursuivre sa phrase avant d’être une nouvelle fois interrompu.

- Pourtant Keisuke sait très bien au plus profond de son cœur qu’il ne sera jamais que le meilleur ami de Tomoya, ne l’aide-t-il pas d’ailleurs dans…

Florian s’arrête net en repensant qu’il a changé ce cours des choses en faisant disparaître l’amour que Tomoya portait à son fils.

- D’ailleurs quoi ??
- Hein !!! Ah oui !! J’allais dire, ne l’aide-t-il pas d’ailleurs pour trouver ses nouvelles conquêtes. Mais ce serait mentir car je suis persuadé que Tomoya n’est pas ce genre de personne.
- Mais tu dis que « Kei » sait que…
- Qu’il n’a aucune chance avec Tomoya ??
- Oui !! Comment peux-tu savoir ça au point d’en être aussi sûr ??

Florian commence à comprendre qu’il a parlé trop vite, il hésite alors entre effacer cette conversation de la mémoire d’Hiroki ou lui mentir en n’ayant aucune assurance que sa réponse sera au final la réalité.

Le courant amical qu’il éprouve déjà pour ce jeune homme lui fait opter pour la seconde solution en souhaitant pour lui que ce soit la bonne.

- J’ai deux raisons qui m’amènent cette assurance, la première est que Tomoya ne voit Keisuke que comme un frère.
- Et la seconde ??
- La seconde ? Hum !! Je pense que Keisuke a quelqu’un d’autre à l’esprit, mais qu’il ne s’en est pas encore réellement rendu compte. En fait il s’en rendra compte quand il aura fait définitivement une croix sur Tomoya, ce qui ne devrait guère tarder au vu de comment les choses bougent depuis quelques jours.

Hiroki ne peut s’empêcher de sourire, comprenant que cette conversation a été complètement inventée dans le seul but de lui faire oublier ses propres préoccupations tout en lui redonnant un certain espoir.

- Alligato* Takumi.

*Alligato : merci