Chapitre : -16 Le Voyage

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Le Capitaine ouvrit ses yeux couleurs vermeils, sortant de son état de méditation. Il se releva sur son lit, se frottant la tête de ses mains. Il jeta un coup d’œil à l’extérieur, observant le lagon. Apercevant ici et là les Leechs, toujours aussi discrètes. Il soupira. Trois ans déjà que la gamine s’était faite capturée par les créatures et que Barry l’avait sauvée. Elle avait très vite récupéré, et était restée avec les pirates, s’intégrant très facilement. Trop facilement. L’homme aux cheveux rouges avait beau savoir qu’il était souvent un peu paranoïaque, cette capacité d’adaptation le sidérait. Personne n’y arrivait aussi bien qu’elle, comme si quelque chose n’allait pas. De son point de vue, elle était déjà intégrée presque une semaine après son arrivée. Le pire, c’était qu’il se dégoûtait lui-même à penser cela, parce qu’en fait, il l’appréciait, la gamine. Alors pourquoi ce sentiment de malaise ? La dernière fois qu’il en avait ressenti un tel, c’était face à Lucifer, et les autres anges. Il avait réfléchi à toutes les possibilités, sans trouver de réponses qui le satisfaisait pleinement.

Oubliant tout ça. Il se leva, puis sortit de sa chambre. Très simple, cette dernière ne servait qu’à méditer. Le reste des activités, il le faisait dans son bureau : travailler, faire la comptabilité, s’occuper des plans du Souffle de Fretia, où encore boire un verre. Sortant de la pièce, l’homme s’engagea dans les escaliers pour rejoindre la salle principale, où l’on mangeait, mais qui servait aussi de salon. Là ne semblait ne se trouver encore personne. Il faut dire qu’il était descendu tôt, plus que d’habitude. Il observa tranquillement le lieu encore désert, avant de se diriger vers la cuisine. Là, il s’avança vers son armoire personnelle, qu’il ouvrit à l’aide de la clé qu’il venait de sortir. Il se saisit une bouteille qui se trouvait dedans, et s’en versa le contenu dans son verre à pied, avant de refermer le placard. Lorsqu’il se dirigea vers le couloir menant à son bureau, il entendit :

-Capitaine ? Vous ne dormez pas ?

Là se trouvait Shein, se frottant les yeux. Il avait probablement dû se lever pour aller aux toilettes. L’homme aux cheveux écarlates sourit, tout en lui répondant :

-Non, c’est bon. Je vais aller corriger une dernière fois les plans du bateau.

-Ah d’accord… Je retourne me coucher, moi.

Le garçon avait sacrément grandi en trois ans. Cela étonnait toujours le Capitaine, les humains vieillissaient tellement vite. Où bien c’était lui la cause, aussi, cela faisait sept vies qu’il foulait cette dimension, sans pour autant avoir connu la catastrophe. En tout cas, lui, ne se souvenait presque plus de son adolescence, bien que cette dernière venait de commencer chez Élise et Shein. Il se rappelait encore la naissance du fils de Ren, déjà trois décennies plus tôt. Les années défilent trop vite… Mais bon, la vie vaut bien la peine d’être vécue pleinement.

Refermant la porte de son bureau derrière lui, le capitaine alla s’asseoir à son bureau, mettant une paire de lunettes qui était posée sur une feuille étrangement blanche qui semblait vierge, mais sur laquelle l’homme se pencha, l’étudiant comme s’il y avait quelque chose dessus.

Élise émergea tranquillement du sommeil profond dans lequel elle se trouvait, pour apercevoir le plafond de sa chambre, décorée des peintures faites avec Ren et Zoya. L’adolescente de treize ans se redressa, hésitant encore à quitter sa couverture et son lit bien douillet, encore chaud. Sur la table à côté de son lit, le collier de ses parents, à moitié recouvert par un livre d’histoire. Car, durant les trois ans passés ici, le Capitaine trouvant ça inacceptable qu’elle ne sache pas lire avait pris les devant et le lui avait appris en un temps record. Élise avait également appris à connaître les autres habitants de la hutte, s’attachant rapidement au groupe de Shein et Soul, faisant les cents coups, se faisant souvent gronder par Lumordf, ou, occasionnellement, le Capitaine. Quant à Ren, il passait son temps au Souffle de Fretia avec l’homme aux cheveux rouges, réparant chaque jour un peu plus le bateau, presque entièrement réparé.

Élise se leva enfin, avant de retirer ses vêtements de nuit pour en mettre d’autres. Ses cheveux blancs un peu plus longs qu’auparavant bien décoiffés par la nuit, mais qu’elle gardait généralement coiffés en nattes le jour. Une fois toute prête, elle enfila ses chaussons, pour aller rejoindre les autres en salle principale.

-Salut Élise ! Tu tombes bien, j’allais te chercher, le Capitaine souhaite vous demander quelque chose à Shein, Soul et toi.

-Hein, quoi donc, Zoya ?

-Vous allez faire une petite visite touristique des bois d’Argofrid !

-Vraiment ? Trop bien !!!

Puis, elle se figea :

-Tu viens avec nous ?

-Nope ! Soul connaît bien les bois ! Et puis, il se débrouille mieux en combat réel que tu ne sembles le penser.

-Vraiment ? J’avais pas l’impression qu’il était si fort…

La femme explosa de rire :

-Tout dépend des points de vue, on va dire qu’il est très doué pour la fuite et les attaques en traître.

-Mais, il se bat à la rapière, non ? C’est pas très pratique pour les attaques surprises…

-Ça, on lui à déjà dit, mais il est très attaché à ce genre d’arme. Il garde sa vraie dans sa chambre, il te la montrera à l’occasion.

-Ah…

Suivant la femme, Élise monta les escaliers menant au donjon. Ce n’était pas un donjon à proprement parler, mais, en raison des escaliers en colimaçon qui y menaient, l’endroit avait été surnommé le donjon. S’y trouvaient le grenier, et plusieurs chambres, toutes vides, sauf une, qui servait de bureau au Capitaine.

L’endroit était richement décoré, avec de nombreuses bibliothèques, cartes, et des chaises autour d’un large bureau. Au fond de la pièce se trouvait ce que le Capitaine appelait une horloge, qui avait plein d’aiguilles, qui lui servait à se repérer sur quel jour il était. Un symbole étrange y était inscrit, sur le point central, reliant toutes les aiguilles entre elles, ce dernier était semblable à un rectangle auquel on aurait retiré deux des angles opposés. Cet instrument faisait un contraste avec le reste du décor, car conçus, non pas en bois ou quelconque autre matière première, mais des plusieurs métaux aux couleurs froides, comme si l’horloge était entièrement constituée de glace et de roche lisse.

Lorsque Zoya ouvrit la porte, le Capitaine leva les yeux de la carte qu’il étudiait afin de saluer la femme et Élise, avant de déclarer qu’ils allaient attendre les deux autres avant de commencer à expliquer. Mais, Soul et Shein ne se firent pas attendre, et déboulèrent dans le bureau en trombe.

-Déso, on est à la bourre, c’est la faute de Soul !

-Hein ? De quoi, comment ça, ma faute ?!

La femme et l’adolescente, rigolèrent toutes deux de la scénette provoquée par les deux derniers arrivants. Le Capitaine sourit également, avant de commencer, sans se soucier de la cause du retard, ce qui était plutôt rare chez lui qui était pointilleux.

-Bien, alors, j’ai une bonne nouvelle pour vous. Étant donné que l’on manque de soie, je souhaiterais que vous alliez en chercher au bois d’Argofrid. Du moins si cela ne vous pose pas de problème.

Soul leva le point en l’air, avec une posture triomphante.

-Victoire ! Enfin je peux y retourner !

-Je savais que ça allait te faire plaisir. Sauf que cette fois, ce sera à toi de gérer les autres.

Soul fit une tête étonnée :

-Hein ? Tu veux dire que ni toi, ni Ren, ni Zoya n’allez nous accompagner ?

-Malheureusement, non, mais je te fais confiance pour bien gérer ton budget, et protéger Élise et Shein, bien que si vous restez dans la cime des arbres, vous ne risquez rien.

-D’acc’, et puis, je suis un habitué de la forêt, moi !

Le Capitaine fit un sourire mauvais :

-Et la fois où tu as failli tomber de la tyrolienne, on en reparle ?

-Oh, ça va, c’était il y a longtemps !

-Enfin bon, Shein, Élise, je vous demanderais d’écouter Soul lors du voyage, j’ai accepté à la demande de Zoya que vous faites le voyage parce que cela vous tient à coeur, mais si j’apprends que cette sortie s’est mal passée, je n’hésiterai pas à vous attribuer les taches d’entretien pour les prochaines années. Vous partirez tout à l’heure, après avoir pris votre déjeuner et préparé vos affaires.

Et le groupe répondit d’une seule voie :

-D’accord !

Et sautant de nénuphar en nénuphar, le groupe de trois s’éloigna de la hutte. Une fois arrivé à l’îlot qui separait le chemin en deux, Shein se tourna :

-Eh, Élise, contente de partir ? Ça faisait depuis longtemps que tu cassais les pieds à Zoya pour y aller, non ?

-Oui, mais moi, je voulais y aller avec elle ! Pas qu’avec vous c’est nul, mais quand même !

Soul intervint avec ironie :

-Ah, moi et Shein sommes donc si déplaisants que ça pour une jeune femme bien élevée comme toi ?

-Évidemment, je suis à un autre niveau que vous, moi, quand je fais des mauvais coups, je me fais pas choper, au moins !

-Oui, parce que tu te débrouilles pour la faire au moment où le Capitaine est occupé !

-Ouais, Soul à raison, c’est de la triche !

-Nan, juste que vous faites vos coups sans rien prévoir, donc vous vous faites avoir, aussi simple que ça !

L’ombre regarda l’adolescente :

-Ouais, mais au moins, nous on est imprévisible ! Alors que toi, on peut prévoir ton comportement, comme la fois où le Capitaine t’attendait bien patiemment dans la chambre quand tu y es rentrée avec une bouteille de jus !

-Tu racontes n’importes quoi !

Elle fit une pause, cherchant rapidement des contre-arguments :

-Et puis, c’est vous qui êtes prévisible, car le Capitaine vous connaît, et donc, sans plans bien ficelés, vous pourrez vous faire avoir très facilement, comme à chaque fois !

-Arrête de changer de sujet, tu veux juste pas admettre devant moi et Shein que tu joues de chance plus que d’esprit !

-Vous ne pouvez pas le prouver dans tous les cas !

Shein explosa de rire :

-Ah ah, tu boudes ? C’est rare ! Enfin, pas autant que ça !

Et le groupe, continuant son chemin, rigolait de bon cœur, en bons amis.

-Aaaaaaaah ! Je déteste les champiPOPs ! C’est horrible !

Pendant qu’Élise et Shein pestaient en chœur, Soul riait aux larmes à côtés d’eux, se roulant par terre en se prenant les côtes, se moquant bien d’eux. Les deux humains étaient couverts de taches étoilées violettes, tandis qu’ils marchaient en oscillant dangereusement, comme s’ils étaient ivres, et leurs voix changeaient en permanence.

-Soul, arrête de te foutre de nous !

Shein avait parlé, d’une voix métallique.

-Ouais, il a raison.

Élise avait ponctué son geste d’un signe grossier, son intonation étant tellement grave que cela ressemblait à une voie d’homme adulte, ce qui pour effet de redoubler les rires de l’ombre.

-Ah ah, vous voyez pas vos têtes, arrêtez, c’est trop ! J’en peux plus ! Ah ah ! Vos voix… sont à mourir… de rires !

Les habitants du lagon ayant évolué dans les Contrées de Cadavres, ils avaient reçu les effets indésirables des champignons auxquels ils n’étaient pas encore habitués. Cependant, Soul, lui ne semblait ne pas en ressentir les effets, et en profitait bien. Cependant, avec quelques difficultés, il arriva à se calmer :

-On arrive bientôt aux Bois. Je vous demande de ne pas faire les pitres, certains chemins sont assez fin. N’essayez pas d’aller au plus rapide, mais bien au plus sûr. Bien que je sois habitué, je ne vais pas emprunter les chemins les plus rapides, afin que vous ne suiviez pas mon exemple. Ah ! Au fait, les religions sont plus présentes ici que parmi les humains, donc soignez vos paroles, bien que les Mantris feront semblant de ne pas comprendre, elles parlent aussi bien que nous. Parfois même mieux. Donc autant éviter les conflits. Enfin, deux dernières règles : Si vous entendez un son d’une corne, vous entrez dans le bâtiment le plus proche, et surtout, ne suivez pas les Argofritzen, des petites bulles d’énergie, ça porte malheur. Voilà, c’est tout ! Ah non ! Euh, si jamais on se perd, on se retrouve sur la place centrale de la ville. Et, si on a plus de nouvelles des autres, on rentre au bout d’une semaine. Mais le Capitaine préfère que l’on reste groupé, dans la mesure du possible.

-Houla, ça fait beaucoup de choses à retenir, t’est sûr que Shein va tout retenir ?

Shein fit la moue, avant de répliquer :

-Au moins, moi, je ne perds pas contre Zoya au un contre un.

-Mais…. C’était pas ma faute, elle est trop forte, d’abord, et puis toi, t’as jamais réussi à mettre un coup au Capitaine, moi si !

-Dites, vous m’avez écouté ?

Le jeune garçon se tourna alors vers l’ombre :

-Euh, pas trop, t’a dit quoi ?

Soul leva les yeux, l’air exaspéré.

-Ouah, c’est énorme !

Élise avait explosé d’excitation, bien que sa posture semblait dire le contraire. Elle marchait pliée en deux, de grosses larmes coulant de ses yeux, mais était époustouflée par le paysage qu’elle voyait. Devant elle, une rivière, derrière la rivière, un changement choquant. Tel que la frontière qui séparait les Terres Basses des Contrées de Cadavre était visible, celle ci l’était encore plus. D’un côté, une étendue de champignon, mais qui ne dépassait pas la taille de cinq hommes, avec, de l’autre côté, une forêt imposante.

Les Bois d’Argofrid, qui représentaient presque un état différent de celui des hommes, mais qui restait sous la gouverne de Pas-Pontcharra. Toute la zone était composée d’arbres gigantesques, dont les branches nues déchiraient le ciel, tels des griffes. Chaque arbre semblait pouvoir porter plusieurs maisons de Westia de bonnes tailles. Mais, comme si ce n’était pas suffisant, un chemin qui montait en hauteur s’enroulait autour de l’arbre, et elle était assez large pour laisser passer les chariots qui empruntaient la route venant des Terres Basses. Quant à l’usage de cette route, c’était tout trouvé. La base des arbres était recouverte d’énormes ronces, du même bruns sombre que les géants de la forêt. Mais le pire était qu’elles semblaient être vivantes. Voilà donc pourquoi Soul avait insisté sur le fait de faire attention sur les chemins. Une chute aurait été fatale, et si, par chance, l’être tombé avait survécu, les piques des ronces se seraient chargés de finir le travail.

Et, dominant les géants, des milliers de points de lumière dans le ciel. Ils avaient des couleurs allant du jaune au bleu, passant par le vert, et semblaient bouger lentement, tels des êtres vivants. Élise avait supposé que d’ici, l’on verrait mieux les montagnes, mais, avec la hauteur des branches, on ne voyait toujours pas le sommet. De la hutte, on ne les voyait que de loin, mais pas ici.

-On monte ? J’ai trop envie de voir le toit du monde !

Élise, ayant fini sa contemplation, avait repris ses esprits.

-Ouais. C’était prévu. J’espère que les gardes forestiers vont pas trop nous casser les pieds. Shein ! On y va ! Ah, d’ailleurs, ici, tu pourras peut-être consommer de l’alcool ! Les juridictions sont différentes !

-Hein ? Trop bien ! Soul ! Je te parie que je vais pouvoir avaler du fort, cette fois !

-Dites, je pourrais en avoir, moi aussi ?

-Tiens tient, une fois que Zoya est plus là, tu te mets aussi à boire ?

-Bah, après tout, je suis curieuse, moi aussi !

La route qui permettait d’atteindre la cime fut assez rapide, et, le groupe atteint finalement le haut, et de là, le panorama était superbe.

Certains des arbres bruns étaient reliés entre eux par des ponts suspendus, et parfois, par de long câbles blanchâtres qui semblaient servir de tyrolienne. De nombreux bocaux transparents renfermaient une substance verdâtre qui émettait une légère lumière de la même couleur. De nombreuses grosses chenilles de la même couleur que le fil qui reliait les géants entre eux rampaient de partout, défiant les lois de la gravité. Il était possible d’apercevoir vaguement des bâtiments, plus loin, avec en arrière-plan la chaîne de montagnes, imposant leur règne sur tout le monde, avec le sommet enneigé, en contraste avec le ciel d’un violet sombre. Cependant, de la lumière rougeâtre semblait émerger légèrement des montagnes, comme si un phare se trouvait juste derrière, éclairant le firmament vide.

-Nous allons prendre ce chemin-là, il y a une autre ville un peu plus loin, nommée Seidenruh. C’est notre destination, elle est spécialisée dans le commerce de la soie et du tissu. Si on marche rapidement, on devrait y être pour dormir, mais sinon, tant pis, on s’installera dans un arbre.

-D’acc’ Soul !

-Wouah ! Trop classe ! Les maisons sont super bizarres !

Élise était rentrée en plein mode d’admiration devant la ville dans laquelle ils venaient d’entrer. Les bâtiments semblaient faire partie intégrante de l’arbre, quand les murs extérieurs étaient faits de nacre blanchâtre soutenus par des colombages. Mais, le plus étrange était sans aucun doute que la ville n’avait pas été conçue pour des êtres humains, mais bien pour les Mantris. Et, étant de forme différente, elles n’avaient pas les mêmes besoins, par exemple, les marches d’escaliers étaient plus fines, et la pente plus raide, menant à des maisons parfois à moitiés suspendues, de manière irréaliste. Et presque toute la population semblait composée des insectes, ce qui donnait l’impression aux deux jeunes humaines et à l’ombre d’être de petite taille. La place centrale était construite autour du tronc d’un arbre, dans lequel était taillé une statue d’un être à la forme humanoïde qui tenait un instrument de musique à la forme étrange, bien que s’approchant de celle de la guitare. Et, au pied de la représentation se présentaient de nombreux présents, tel des offrandes.

-Dit, Soul, on peut aller à l’auberge ? J’ai sommeil…

-Mmmm, vous ne voulez pas faire la visite d’abord ?

-Shein à raison, ce serait mieux de dormir d’abord, comme ça, ensuite, on peut mieux en profiter.

-Bon, d’accord, mais demain, je me lèverais tôt pour aller commencer les négociations pour la soie. Donc essayez de ne pas faire n’importe quoi, et de rester dans les parages, et surtout, ne parlez pas aux habitants quand vous en avez la possibilité.

-Ça fait un peu beaucoup de règles, non ?

-Ouais, mais, si le Capitaine ou Zoya apprennent que je ne vos ai rien dit, je suis mal...

-Intéressant à savoir ça, pas vrai, Élise ?

-J'avoue, ça pourrait être marrant...

Soul fit une mine affolée et outrée en même temps :

-EH ! Vous allez quand même pas faire ça à un pote ?

Sa mine devint déconfite devant l'air horrible de ses deux amis.

-Oh non...

Pendant que les deux adolescents rigolaient de bons cœurs, le groupe continua à se diriger en direction d'un vaste bâtiment dont les trois quarts semblaient dépassaient de l'arbre. Les vitres des lanternes de ce bâtiment étaient oranges, chaleureuses. Soul s'avança puis poussa les portes battantes du bâtiment, s'avançant à l'intérieur. Une voix s'éleva aussitôt :

-Bienvenue au Cabanon d'en haut, la meilleure chambre d’hôte de tout Seidenruh ! En quoi puis-je vous être utiles ? Souhaitez-vous une chambre, un repas, un bain, ou autre chose ?

La Mantris qui avait parlé arborait des couleurs chaudes, telles que le rouge et le orange, et contrairement à Ludmorf, possédait des ailes au-dessus de son abdomen. La créature déambulait dans une vaste salle dans laquelle se trouvaient des blocs de bois quasi au niveau du sol et qui faisaient office de table devant lesquels mangeaient de nombreux convives. Soul répondit à la question :

-Oui, nous souhaiterions une chambre pour trois, types humains, avec des tickets pour les bains, s’il vous plaît.

-Bien, attendez une minute, je m’occupe de ça.

Elle déposa délicatement un plat avec de longues extrémités qui servaient de poignées pour les pattes faucheuses des Mantris, leur permettant ainsi de servir facilement, une fois fait, elle se dirigea vers le groupe, avant de leur faire signe de la suivre. Ils descendirent ainsi des escaliers, ce qui étonna Élise.

-Tiens ? On ne monte pas ? Étonnant.

La créature répondit, de sa voie métallique :

-Effectivement, les chambres sont taillées directement dans le tronc, afin d’éviter à créer de grandes structures qui risquent de s’effondrer quand l’arbre poussera.

-C’est très intelligent ! Dommage que cela ne soit que dans les bois d’argofrid.

-Vous venez de Westia ?

L’insecte avait posé la question directement, ne réalisant pas que cela pouvait être mal pris.

-Comment le savez-vous ?

Demanda la jeune fille, sur la défensive.

-À l’accent, ma foi. Ici, notre accent est plus raque, par exemple, et les habitants de Pas-Pontcharra, je n’arrive pas à décrire. Quant à Terminus ou ceux qui viennent des villes comme Kal-el-Maïr ou encore de Phobès sont...moins habituels…

-Soul, Élise, on est d’accord que Phobès est dans les Terres Brisées ?

-Oui, tout à fait. Mais, ce sont des agglomérations quasi indépendantes. Elles fonctionnent plus ou moins comme des villes-états, bien que restant sous la tutelle de la capitale. La diversité ethnique de cette région est principalement composée de Kliffhanger, et d’humains, contrairement à ici où il est très rare de rencontrer d’autres espèces que les Mantris, je me trompe, Madame ?

-Pas du tout ! Nous sommes assez coupés du monde, il n’y a quasi que des visiteurs qui appartiennent aux autres espèces. Sinon, nous sommes fiers d’être assez indépendants. Et les visiteurs sont principalement des personnes qui se renseignent sur le Seigneur Guide.

-Le Seigneur Guide ? Qui est-ce ?

Soul intervint, avant que leur hôte ne réponde à la question d’Élise.

-Je t’expliquerais demain ! Merci pour les renseignements, madame.

-Avec plaisir, je ne fais que mon travail, voici votre chambre.

Elle poussa une porte qui ne possédait pas de poignées, seulement un loquet pour fermer de l’intérieur. Les matelas étaient encastrés dans des cavités dans les murs en bois, qui formaient un cercle qui composait la porte. Shein fit un grand sourire en voyant la pièce, pendant que Soul se tourna vers leur hôte une fois de plus.

-Excusez-moi, pour le paiement, procédons-nous par Motes, ou par troc ?

La Mantris sembla satisfaite :

-Contente que vous connaissiez nos coutumes ! Je préférerais le troc, si vous avez des objets qui pourraient m’intéresser.

Soul déposa son sac, avant de l’ouvrir, et d’en faire émerger des paquets qu’il montra à son interlocutrice. Elle les attrapa habilement à l’aide de ses pattes faucheuses, avant de les ouvrir délicatement.

-Oh oh ! Des champiPOP, vous saviez comment négocier !

-Eh oui ! Le premier paquet, le plus gros, contient l’espèce que vous appelez « bouchée du tasteur », et le deuxième quant à lui, en contient des, qui réduit en baume, facilitent la régénération naturelle de vos ailes.

-Vous avez de la qualité, je vois, combien de jours prévoyez vous rester ?

-Nous resterons ici deux jours, si cela convient.

-Mais bien sûr. Venez prendre vos tickets de bains quand vous le souhaitez.

-Merci bien !

L’empressement de la Mantris avait une signification très simple : Soul avait donné une quantité plus que suffisante à la tenancière, et, cette dernière, voyant qu’il ne demandait pas de retour, avait sauté sur l’occasion, avant de s’en aller.

Une fois qu’elle s’en fut allé, l’ombre se tourna vers ses camarades.

-De préférence, ne parlons pas du Seigneur Guide. Les croyances locales disent que c’est une divinité qui aide toute personne qui se serait perdue dans les bois. Et, vu comme les avis de Mantris diffèrent, mieux vaut ne pas en parler, afin de ne pas créer de problème. La Statue que vous avez vus sur la place le représentait.

Élise acquiesça de la tête, elle se souvenait vaguement d’avoir entendu Zoya en parler.

-Mais pourquoi est-ce si compliqué ? Ce n’est pas parce que les personnes ont des avis différents qu’elles vont se battre…

Soul fit une mine sombre :

-Parfois, si. La religion peut pousser les croyants à se battre, et parfois même, à mourir, afin de protéger leurs croyances. Et je ne suis pas contre, bien au contraire, je trouve cela admirable d’être prêt a mourir pour protéger nos idéaux. Cependant, les avis différents peuvent mener à un bain de sang, et il sera aussi difficile de faire changer d’avis aux croyants que de prouver si ce en quoi ils croient est vrai ou faux. Donc, évitons les problèmes : N’en parlons pas. Sur ce, qui veut manger un morceau ?

-Moi !

Shein et Élise avaient répondus en coeurs.

Un grand bruit résonna, comme si une dizaine de personnes marchaient en rythme, en fait non, ce n’était pas une impression, mais bien le cas. Les Marcheurs patrouillaient dans la ville des vampires, tranquillement, dans l’obscurité omniprésente. Seules quelques lumières apparaissaient aux vitraux des bâtiments, ou émergeaient des lanternes. Là, trois silhouette étaient pressées contre un mur, essayant de ne pas rentrer dans le champ de vue de la patrouille, attendant patiemment le bon moment pour bouger. Le groupe, composé de deux personnes de tailles moyennes, et une d’une taille étonnement petite, comme celle d’une enfant, même s’il semblait que c’était elle qui dirigeait le groupe. Une belle voie d’homme émergea de la silhouette la plus à l’arrière :

-Ils sont vraiment partout, c’est la cinquième patrouille sur laquelle on tombe depuis tout à l’heure.

La personne à côté, manifestement une femme, laissa échapper un léger rire moqueur.

-Si c’était simple, elle n’aurait pas demandé à nous de l’accompagner.

-Je n’en sais rien, moi. Je te rappelle que, contrairement à toi, je n’ai pas une place privilégiée dans son cœur !

Il ponctua sa phrase d’un geste théâtrale, comme si ce qu’il avait dit était réel.

-Bouge moins, tu vas nous faire remarquer ! Mais, pour revenir au sujet, tu es son metteur en scène favori, après tout !

-Mmmm… Ce que tu dis porte à réflexion !

-Au fait… cela n’a pas été trop dur ? La perte d’Ichiro fut un choc pour nous, mais pour toi…

-Il est vrai, je dois le reconnaître, que sa mort me fait de la peine. Mais, au moins, grâce à Ai, j’aurais peut-être une chance de le venger !

Il arrêta de parler, laissant le champ libre à la femme :

-Ne t’en fais pas, je te laisserais son meurtrier. Même si j’ai bien envie de m’amuser, moi aussi.

-Hi hi, ne t’en fait pas… Avec Ai, ça promet d’être amusant… Quant au meurtrier de mon frère… Je prie pour le salut de son âme… Quoique… Non… Après ce que je vais lui faire, son âme sera en morceaux !

La petite silhouette parla enfin.

-Jiro ! Rosaria ! Maintenant !

L’ambiance du groupe changea d’un coup, passant de détendue à stressé et sérieuse. Les trois silhouettes se déplacèrent d’un coup très rapidement, mais discrètement, avançant de plusieurs rues, avant de se plaquer à nouveau contre un mur, dans un coin peu visible, juste au moment où un groupe de Marcheurs arriva. Ces derniers semblaient parler, et, en approchant, la discussion se révéla être une chansonnette, répétée par chaque membre du groupe, au rythme de leurs pas.

-Chut plus de bruit, c’est la ronde de nuit !

-Chut plus de bruit, c’est la ronde de nuit !

-Douce cadence, sombre en silence…

-Marchons sans bruits, c’est la ronde de nuit.

-Pom pom pom !

Terrifiants, dans leurs grandes capes, ils semblaient glisser sur le sol, malgré le bruit de leur pas qui résonnait sur le sol en ardoise. Sous leurs chapeaux, un masque avec un long bec, qui n’était pas sans faire rappeler ceux utilisés par les docteurs lors des épidémies. Et des yeux de leurs masques, couverts par une lentille de verre, émergeait une puissante lumière blanche.

-On risque de se faire avoir… L’une de vous deux à un plan ?

L’homme semblait inquiet par la présence d’un aussi grand groupe. Sa réponse ne tarda pas à venir, de la petite fille qui dirigeait le groupe, qui après s’être mordue légèrement la lèvre inférieure, avait répondue :

-On est mal… Mon frère m’avait bien prévenu que les Sénateurs voulaient renforcer leur pouvoir, mais je n’imaginais pas qu’il y aurait autant de patrouilles. On va devoir jouer finement. Rosaria, tu pourrais me donner une suggestion ?

-Quant j’appartenais encore à nos gardiens, je me rappelle que c’était assez simple de distraire mes hommes. Normal, remarque, vu toutes les informations qu’ils reçoivent quand ils portent ces masques… À mon avis, on devrait tenter la meilleure stratégie.

Elle se tourna vers l’homme, qui d’un coup, semblait heureux, et qui déclara en même temps qu’elle :

-Plus c’est gros, plus ça passe !

Rosaria pris donc une inspiration et expliqua son plan à Ai et Jiro.

-Douce cadence, sombre en silence…

-Marchons sans… Hein ?

Les Marcheurs se retournèrent pour voir arriver Rosaria, titubante mais menaçante, le pied gauche sur le marcheur en queue de file, écrasé par terre, le masque à moitié brisé. Un bruit d’os qui se brise avait averti la troupe qu’un danger était en approche, pour voir qu’un des leurs était en mauvais état. D’un coup, dans les masques de presque tous les marcheurs de la ville retentit une alerte. Rosaria était connue pour être extrêmement forte, et, à la voir tituber comme ça, cela ne faisait aucun doute : Elle était morte ivre. Les Marcheurs se mirent en position défensive. Dix d’entre eux n’auraient pas pu la maîtriser, il était fait de notoriété publique qu’elle était très forte, même sans arme. Mais pour les masqués, qui possédaient les informations de la Lumière de Grace, cela faisait peur. Ainsi, directement, plusieurs patrouilles rejoignaient le lieu de l’attaque, afin de pouvoir la calmer le temps qu’elle cuve son vin. Dans tous les cas, la ville était calme, les patrouilles étaient quasi inutiles, qu’aurait-il pu se passer le temps que les Marcheurs abandonnent leurs postes ?

Pendant que les sentinelles de la ville courraient en tout sens à cause de Rosaria, Jiro et Ai, eux, en avaient profité pour s’éclipser discrètement de la ville, prenant une embarcation aussi légère que rapide. Pendants que Jiro levait les amarres, la petite fille se dirigeait vers le gouvernail.

-Dit, Ai, cela ne te fait pas trop bizarre de partir loin de ta garde du corps ?

Elle ferma les yeux, poussa un soupir, et répondit au vampire :

-Certes, je vais mettre du temps à m’y habituer, mais je suis d’accord avec elle sur un fait : Il est préférable que tu viennes, tu es prioritaire, car, lié à l’affaire avec la disparition d’Ichiro.

-Disparition, hein ? Tu ne veux pas accepter sa mort ? Tu sais, ça arrive… Il voulait s’en occuper, il savait les risques qu’il courait.

Une larme discrète coula le long de la joue de la vampire, mais Jiro fit mine de ne rien avoir vu, pendant qu’elle répondait :

-Non, justement. C’est entièrement de ma faute. Cela fait plus de quatre millénaires qu’il ne s’était plus rien passé à la cage… Il pensait que c’était une mission de routine… Tout est de notre faute… À moi et mon frère… Enfin… Plus à moi…

Jiro posa sa main sur l’épaule de Ai, comme pour la réconforter.

-Tu es émotive, tu sais, pour une vampire millénaire… Moi qui pensais qu’aucun de nous n’exprimait autant ses émotions !

-Tais-toi, Jiro…

Et pourtant, malgré ce qu’elle disait, ça se voyait que les mots de son ami avaient réussis à la convaincre.

-Bon, comme dirait ton frère :

Les deux parlèrent en même temps :

-J’irais plus loin qu’aucun n’a jamais été !*

Citation de Cyrano de Bergerac, Acte 1, Scène 4

Avis d’Ichiro : Toujours dire ça avant de partir en voyage, ça porte bonheur !

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