Chapitre 1 : En bombes.

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Par-dessus la couleur mauve qui maquillait ses lèvres, Laure étala du gloss. Elle les pressa, corrigeant un millimètre de trop à l’aide d'un doigt. Séduisant et osé, tel était l'effet qu’elle recherchait.

  • Tu devrais en mettre, déclara-t-elle, penchée vers le miroir, sa crinière ondulée tombant moins haut que d’habitude dans son dos.

Elle avait pineté et tournicoté les mèches du haut de sa tête pour qu’elles se transforment en torsades volumineuses, obligeant sa chevelure à s’arranger en cascades à différents étages.

  • Je t’en mets ?

Le stick guettant sa proie, Laure se retourna et exposa une robe corset. Celle-ci embellissait sa taille. Presque prête, ses talons ouverts attendaient d’être enfilés auprès d’une paire d’escarpins.

  • Pourquoi pas.

Kimi souleva son regard maquillé de son téléphone, un fard sombre ornant ses paupières. Excitée, sa copine sauta sur le lit et se rapprocha de son visage.

  • Tu es trop jolie, dit-elle en s'attelant à sa tâche.
  • Grâce à toi, seulement, répondit-elle, les orbites accrochées au plafond tandis que Laure encadrait son menton pour gagner en précision.
  • Oh, mais cette fois tu t'es maquillée toute seule. Comme une grande ! la taquina-t-elle. Voilà. C’est parfait.

Admirant son chef-d'œuvre, Laure apprécia la façon dont son amie se découvrit dans le miroir, ses cils hypnotisants s’envolant. Elle avait gardé sa bouche vierge d’extravagance, la teinte légère et rosée, reluisant.

  • Je dirais même qu’elles sont parfaitement Kissable !
  • Dis pas de bêtise, rit Kimi en retour.
  • C’est une règle d’or quand on sort ! Si tu es célibataire, tu dois donner l’impression qu’elles n’ont jamais été prises,... même si c’est totalement faux, lança-t-elle en jouant de ses sourcils.

Kimi plissa le regard, titillée.

  • … Je n’aurais jamais dû te dire…
  • Mouah ! Tiger ! Non, ne m’embrasse pas, beau et séduisant mâle !

Un coussin menaça de s’écraser contre sa tête.

  • Pas. Ma. Coiffure. la prévint Laure de son index.
  • T’as de la chance…
  • Je ne voudrais pas terminer comme toi, la charia-t-elle.

De justesse, Laure emprisonna l’oreiller, évitant le gâchis de sa méticuleuse mise en beauté. La chevelure de Kimi semblait s’en moquer, farouche et relâchée. Précédemment dégradée par nul autre qu’Alex Stein, elle tenait là un look qui lui seyait. Ce dernier savait tout faire de ses mains. Un peu de laque et l’affaire était jouée ! Une des robes de Laure embrassait sa silhouette : courte, bleu ciel, des manches longues et un décolleté.

Dix-sept ans ou l’âge durant lequel les adolescentes se transformaient en créatures audacieuses et éhontées.

Elles ne les auraient pas toute leur vie.

  • Tu caches sacrément bien ton jeu, continua Laure. Je me demande si tu n’as pas embrassé plus de garçons que moi !
  • Jamais de la vie, dit-elle en roulant des yeux.
  • Alors, il y a eu Mike, appuya-t-elle le compteur du bout de ses doigts. Ulys. Tiiiiiger…

Laure adorait particulièrement lui rappeler l’incident tandis que Kimi regrettait de lui avoir avoué ce secret bien gardé. Les amis s’étaient mis au clair : il n’y avait rien entre eux, mais la Richess trouvait tellement de charisme en Tiger, qu’elle s’amusait à ramener le sujet sur le tapis.

  • Et…

Kimi abaissa doucement son regard sur ses ongles, dont elle gratta les côtés. Aucunement besoin de préciser le dernier de la liste.

  • Laure Ibiss ! s’exclama cette dernière en lui volant un smack.

Prise par surprise, la blonde fut plaquée au matelas. Elle hurla de rire, le supplice des chatouilles l’obligeant à se replier telle une crevette. Une crevette en train de frire vu les bonds qu’elle effectua et les coups de pied lancés dans le vide. Laure perdit rapidement son sourire, quand dans un moment de faiblesse, elle reçut la monnaie de sa pièce.

Débraillées et essoufflées, les deux copines se retrouvèrent allongées sur le dos, le plafond pour ciel étoilé.

Avec une petite lueur, Laure plongea son regard dans celui de Kimi.

  • Peut-être que ce soir… tu embrasseras quelqu’un ?
  • Tu crois ? lança-t-elle, sans réellement l’imaginer.
  • Ce serait bien, je suppose, dit-elle, plus lourdement.

“Je suppose”, aurait-elle voulu répondre avant que Laure ne fût piquée par les coups portés à la porte.

  • Mince… Mes cheveux, ça va ? demanda-t-elle en enfilant vite ses chaussures. Je suis présentable ?

Kimi lui rendit un grand sourire. Comment pouvait-elle encore en douter ? Elle était tellement belle. Ce serait définitivement sa soirée. Loyd fut de même avis. Ce dernier portait un costume audacieux qui seyait à ses membres longs. Un ange vêtu de reflets mauves. Tout de suite, il attrapa les mains de Laure, bluffé. Aucun mot ne sortit de sa bouche. Il n’en avait pas besoin, son regard exprimant à quel point il la trouvait splendide. L’envie de connaître un tel amour se logea dans la tête de leur admiratrice secrète.

  • Tu es superbe, dit-il à l’égard de Kimi.
  • Tu vois ! s’exclama Laure, une main sur la taille. Tu es au top, mets toi ça dans le crâne.

D’une mine peu assurée, elle acquiesça, car Kimi se trouvait jolie. Cependant, à quoi bon ? Voilà qu’elle retournait dans ses travers. Sur le départ, elle se motiva et enfila son veston en cuir. Elle aussi pouvait être une bombe et elle aussi avait le droit de s’amuser. Les fêtes n'existaient pas pour rien.

Ravis de retrouver son aplomb, le couple dans son dos profita d’un moment d’intimité. Loyd glissa des mots suaves à l’oreille de sa petite amie. Cette dernière gloussa et déposa un baiser lourd de sens sur ses lèvres.

Il devait aussi la questionner :

  • Prête à faire la fête ?

Le petit nez fripon de Laure se tortilla. Au-dessus de celui-ci, son regard s’enflamma, coquin, sombre et excité.

  • Oh, depuis le temps…

Elle serra ses doigts aux siens, un énorme sourire plaqué aux lèvres.

  • Absolument !

***

Une grosse fête se préparait en ville. La boîte de nuit qui avait ouvert dans le courant du mois d’octobre accueillait du monde deux soirs par semaine. Des soirées en partenariat avec Saint-Clair y avaient déjà été organisées. Le président et la sous-déléguée des cinquièmes avaient réussi à mettre leurs différends de côté, profitant du lancement du bar pour organiser un gros événement de rentrée. Ils y avaient également fêté Halloween.

L’endroit gagna rapidement en popularité, y ameutant non seulement les jeunes de Saint-Clair, mais également quiconque en quête de fête. Il faut dire qu’ils savaient se vendre.

En plus d’apparaître comme par magie, la boîte se plaisait à poser régulièrement une énigme à ses invités : KY.E.SS ? Tel était son nom. La drôle d’appellation résonnait dans les bouches. Devaient-ils prononcer Kiss ? En s’y essayant, ils se rendaient compte du mystère planant derrière le nouvel endroit.

“Qui est-ce ?”

Ce fut avec cette phrase d’accroche et son logo saillant que la boîte faisait sa pub : une bouche pulpeuse, noire, aux couleurs néons, bercés de vert et de mauve.

Dans la plus sombre de ces couleurs, Nice se baladait dans les couloirs de Saint-Clair. Elle y esquiva l’agitation d’un jeu de jambes confiant, celles-ci recouvertes d’un bas transparent à pois. Une longue veste de tailleur cachait la petitesse de son corps qui était serré dans un joli ensemble.

Entre ses doigts tenait un appareil photo jetable. Assez petit pour qu’il passe dans sa poche. Sans le ranger, Nice s’invita dans la chambre à peine ouverte. Le dos de Selim lui apparut. Elle le contourna en passant une main dans son dos et se tint à ses côtés, ce dernier, visiblement en position de faiblesse.

  • Est-ce que tu viens ce soir ? demanda-t-elle à Faye, qui, recroquevillée au niveau de la tête du lit, semblait user de sa chevelure pour se protéger.

Elle l’entourait entièrement dans cette position. Selim soupira, les mains sur les côtes, quand la rousse resta muette. Ce dernier essayait de la convaincre depuis une demi-heure.

  • Tu es vraiment… têtue.
  • Faye. Ce soir, c’est important que tu viennes.
  • … J’aimerais bien savoir pourquoi, grommela-t-elle en esquivant ses billes persuasives.

Nice décida de ne pas y aller par quatre chemins.

  • Si tu ne viens pas, Laure sera très déçue. Ça fait des jours qu’elle s’impatiente de cette sortie pour qu’on en profite tous ensemble.
  • C’est bien le problème. Je n’ai aucune envie qu’on soit… “tous ensemble”.
  • Mais… ! s’agaça Selim, en attrapant sa tête entre ses mains.
  • Quoi ? C’est si bizarre que ça ! De ne pas avoir envie de les voir s’amuser ensemble, alors que…

Une montée de larmes l’inonda. Elle la retint férocement. Selim se mit au chevet de sa meilleure amie.

  • … Ils ne sortent pas ensemble.
  • Et alors ? Parce qu’ils ne sortent pas ensemble, tu trouves ça normal qu'ils soient si proches ? Pendant que nous… on ne s’adresse plus la parole.
  • C’est parce que tu crois qu’il y a quelque chose entre eux, mais ce n’est pas vrai. Alex t’aime.
  • C’est ça, oui. Bien sûr.

Elle ne voulait rien entendre.

Les amoureux se considérèrent un instant.

  • Si vraiment tu ne veux pas y aller, je peux rester avec toi, lui proposa le garçon.

Nice se mit à agiter le pied.

  • On se ferait une soirée tous les trois ? demanda-t-il à cette dernière.

La petite Richess passa une main dans son carré noir, frustrée de se sentir prise entre deux chaises. Incapable de faire semblant, cela se lut sur son visage.

  • Ne te sens pas obligée d’y aller, parce que tu avais dit…
  • Ce n’est pas que je me sens obligée. C’est que j’en ai envie. Ce soir, dit-elle en mettant son appareil photo en avant, je compte bien immortaliser des moments à poster sur le site, mais surtout, j’ai envie de m’amuser, moi aussi.
  • Moi je… balbutia Selim, qui ne savait pas quoi faire.

Il y eut un malaise. Nice leva les yeux au ciel et se planta devant son amoureux, tranchant l’air de ses deux mains parallèle :

  • Tu fais ce que tu veux, lui assura-t-elle, droite. Je ne t’en voudrais pas si tu ne viens pas, mais Faye, poursuivit-elle en se tournant vers la concernée. Je sais que c’est compliqué avec Alex en ce moment et je comprends ce que tu ressens. Ce n’est pas facile de voir son copain si proche d’une autre fille, mais tu dois comprendre que Kimi et Alex ne sont que des amis.

Lorsqu’elle voulut réagir, Nice lui ôta les mots de la bouche :

  • Selim est mon petit ami, fit-elle en le pointant du doigt. Et toi, tu es ma meilleure amie. J’ai confiance en vous, mais tu penses que je n’ai jamais, au grand jamais, eu des doutes ?
  • Ce n’est pas…
  • Pareil ? Pourtant, ce soir, au lieu de m’accompagner, mon petit ami préfère rester avec toi plutôt que de sortir danser avec moi.
  • Bébé, tu ne penses quand même pas… ?
  • Ça m'est déjà arrivé, confirma-t-elle. Je me suis déjà demandé s’il n’y avait pas un risque que vous deux, ça puisse être mieux que nous deux.
  • C’est différent… grogna Faye, embêtée d’entendre ces mots.
  • En quoi ?

Au pied du mur, elle ne trouva rien à répondre. Même en retournant le scénario mille fois dans sa tête.

  • La différence, c’est que moi, j’ai confiance en vous. J’ai confiance en nous tous, déclara-t-elle. Et ce n’est pas en te terrant dans ton coin que la situation va s’arranger. Ça ne fera que t’éloigner plus du groupe, et surtout d’Alex. À ta place, je viendrai ce soir. Oui, si j’étais à ta place, au lieu de me cacher et de repousser mon copain jusqu’à ce qu’il finisse par réellement faire une bêtise, je sortirai de mon trou, et j’irai le chercher par la peau du cul !

Le silence triompha.

  • Sur ce, il est temps que j’y aille, annonça-t-elle en ajustant sa veste.
  • Bébé, attends.

Selim s’empressa de la rattraper. À l’extérieur de la chambre, il plongea à la conquête de ses lèvres. Nice se laissa soulever par la force qu’il y mit. Détaché, le couple joua de leurs nez.

  • Je vais encore essayer de la persuader, mais dans le doute… Profite à fond ! lança-t-il, le regard émerveillé.
  • Merci, mon amour, lui répondit-elle tendrement.

Ils partagèrent un autre baiser, doux et emprunt de difficulté. Se quitter relevait de l’épreuve. Quand Nice quitta sa joue du bout des doigts, elle lui sourit tendrement, et lui lança un clin d'œil. Il l’aimait à mourir.

Le plein d’énergie à son maximum, Selim se glissa à nouveau dans la chambre. Quelque chose attaqua son visage. Il recula en l’attrapant et se battit avec, ne voyant plus rien.

  • Aaagh, mais c’est quoi ce truc !
  • Ne regarde pas ! s’exclama Faye.

En comprenant qu’il s’agissait d’un t-shirt, Selim décida de le garder sur sa tête. Il resta planté au milieu de la pièce, les bras ballants, jusqu’à ce que son amie lui accorde le droit de le retirer.

  • Voilà.

Avec appréhension, il le souleva, puis le laissa tomber à terre. Habillée pour sortir, Faye se tourna vers lui, l’air d’abord renfrogné. Elle glissa une main le long de son avant-bras, timide.

  • Je dois encore me maquiller, mais tu crois… que ça fera l’affaire ?

Selim rit, la bouche grande ouverte.

Il frétilla d’impatience :

  • Oh, ma bomba… Tu vas faire exploser des têtes !

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