Chapitre 38 : Brûlant et glacial.
Faye ouvrit les yeux directement sur son plafond blanc. Elle ne se souvenait pas s’être endormie. Allongée sur le dos, un doux bruit parvint à ses oreilles. Rien, simplement le silence. Le calme planait. Comme si le monde s’était arrêté de tourner. Comme s'il n’y avait plus qu’elle dans cet univers. L’air rafraîchit de la pièce emprunta le chemin de ses narines, tandis qu’elle se tortillait doucement, s’étirant. Les draps étaient chauds, ses membres refroidis. Sa respiration s’approfondit. Ses lourdes paupières se refermèrent. C’était bon, cet instant de bonheur, où aucun autre état que la plénitude ne l’envahit. En se tournant sur le flanc, elle enfouit son nez dans son oreiller dont elle huma l’odeur. Il y avait longtemps qu’elle ne s’était plus sentie aussi apaisée. Ainsi recroquevillée sur elle-même, et caressée par son envahissante chevelure, elle goûta à la quiétude pour une courte durée.
Puis, doucement rattrapée par la brûlure qui persistait au niveau de sa vessie, elle glissa l’une de ses mains sur son bas-ventre. L’autre entoura sa poitrine qui la tiraillait de plus en plus. Faye rouvrit les yeux. Depuis qu’elle était enceinte, les nouvelles sensations se multipliaient, sans compter la fatigue, assommante. Mais, étrangement, ce matin, elle se sentait en forme.
Habituellement, ce n’était pas le cas. Le réveil pour aller à l’école était toujours difficile. L’école… Elle se redressa d’un coup.
La chevelure chassée en arrière, elle chercha un indice dans les moindres recoins de sa chambre : quelle heure était-il ? Ses yeux alors rivés sur le ciel dehors s’agrandirent. Elle sauta aussitôt hors du lit, en récoltant à la fois ses souvenirs et les premiers vêtements chauds qu’elle trouva. Depuis le haut du trône, où elle s’était glissée en vitesse, cela lui revint : elle avait pleuré toute la nuit. Elle avait dû s’endormir ensuite en oubliant de mettre son réveil. En enfilant son haut, elle songea au fait qu’elle n’aurait pas le temps de manger. Et en mettant le bas, après avoir fini son affaire, elle pensa que ça n’avait pas d’importance, car elle n’avait aucun appétit.
Ce qui en avait plus à ses yeux était ce visage fatigué qu’elle présentait depuis trop longtemps sans maquillage. Dans le miroir, elle n’avait pas fière allure. Dès l’instant où elle pensa à Alex, son ventre se tordit. Elle n’avait pas osé lui dire. Elle devait le faire, mais… Ils venaient de se réconcilier, cela gâcherait peut-être tout ?
Comme pour laver ces remords naissants, Faye se jeta de l’eau sur le visage. Elle se réconforta du souvenir encore frais de leurs baisers. Ils s’aimaient. À ce moment-là, c’était tout ce qui comptait, si on oubliait le fait d’arriver à l’heure à l’école.
***
Fort heureusement, peu de temps séparait l’internat de Saint-Clair. Ainsi, Faye déboula à toute vitesse sur la rue principale. Elle traversa l’allée d’honneur que ses camarades avaient précédemment tracée dans la neige avec peu d’allure, et non pas fièrement. Ça aussi, ça avait changé.
Sa respiration lui faisait défaut.
Elle qui avait toujours été sportive… Il avait suffi d’un mois de grossesse pour lui arracher toute son endurance, si bien qu’à la vision du portail, elle poussa un soupir de soulagement. Aussi glacé que ses doigts qui se baladèrent dans sa chevelure hirsute. Maintenant, elle n’avait plus qu’à la rejoindre. C’était tout ce qui la préoccupait. Arriver en retard n’avait jamais été un problème. Faye était une Richess. Elle faisait bien ce qu’elle voulait, tandis qu’à ce stade de leur relation, passer un moment en tête-à-tête avec Alex relevait du privilège.
C’était vrai, car la sonnerie retentit. À cet instant, le cœur de Faye s’emballa.
- Merde…
Non seulement son plan venait de tomber à l’eau, mais en plus, pour la première fois en cinq années à Saint-Clair, elle eut peur de ne pas pouvoir rentrer dans l’enceinte de l’école. En effet, face aux barrières qui étaient en train de se refermer, elle piqua un sprint pour se glisser de justesse entre celles-ci. L’éducatrice qui venait de terminer sa tâche la dévisagea sévèrement, et elle fit de même.
- Qu’est-ce que vous faites ? lui lança Faye, à bout de souffle.
C’était inattendu. Saint-Clair ne fermait jamais ses portes que le soir, ou durant les périodes de vacances scolaires.
- Ce que je fais ? s’en alla la dame. Si j’étais toi, je ne prendrais pas ce ton. Tu es en retard.
- Quoi… ? Non, je suis arrivée juste à temps, et regardez, il y a encore…
Elle voulut s’appuyer sur les rangs d’élèves qu’il y aurait dû avoir éparpillés dans la cour, mais à la place elle vit un troupeau s’engouffrer dans l’auditorium. Qu’est-ce qu’ils faisaient ? Et puis, pourquoi essayait-elle de se justifier ? Elle se retourna d’un coup vers l’éducatrice. Elle n’avait qu’à l’ignorer. Cette dernière, cependant, n’était pas du même avis.
- Tu veux me donner ton journal de classe ?
- Je vous demande pardon ?
- Tu as bien compris, dit-elle, en brandissant son stylo, prêt à l’emploi.
- Vous allez me mettre une note ?
- Si tu continues de protester, c’est ce qui risque d’arriver. Ce sera un avertissement pour aujourd’hui.
Faye n’en revenait pas. Elle lui cala son journal entre les mains à contre-cœur.
- À signer pour lundi prochain.
- Mon père va bien rire en voyant ça.
- Comme tous les Richess, déclara-t-elle.
- Qu’est-ce que ça veut dire… ?
Pour seule réponse, elle obtint un mouvement de tête qui lui indiqua de déguerpir. Faye sourcilla, récupéra son journal, et lui tourna le dos.
L’auditorium. Ils n’y allaient que pour les grandes occasions. Pourquoi était-ce cette fois ? Pressée par la mauvaise humeur du professeur à l’entrée, elle s’y dirigea.
- Ton rang est là-bas, lui indiqua sèchement ce dernier.
Qu’avaient-ils tous ? En suivant son doigt du regard, elle tomba sur Madame Paul en train de s’ajuster sur le haut de la scène. Elle distingua ensuite les silhouettes de ses amis dans la foule. Guidée par la plus grande d’entre elles, Faye s’efforça de se faufiler entre les élèves et le brouhaha. Comme à chaque fois qu’il faisait froid dehors, l’air dans l’auditorium était devenu irrespirable, et sous son gros manteau, elle mourait de chaud.
En comparaison, la main qu’elle trouva fut un havre de paix.
Celle d’Alex, qui d’un coup, tourna la tête. Faye se figea alors, capturée par son regard impénétrable. Celui-ci était à la fois brûlant et glacial. Le baiser qu’il lui glissa ensuite, fin et rapide, la laissa sans voix. Du moins, jusqu’à ce qu’elle découvre les blessures à son visage.
- Qu’est-ce que tu as fait… ! s'exclama-t-elle, en l'attrapant entre ses mains.
Alex s'en dégageant facilement, et lui fit signe de se taire.
- Chut. Écoute, fit-il, en pointant son oreille, puis la scène.
Mais Faye s’en fichait bien du discours de Madame Paul ! Pourtant, elle fut freinée par ses premiers mots.
- Bonjour à tous.
Toute l’attention du groupe se dirigea vers la femme, qui depuis son poste, paraissait géante. “Je serai brève ce matin afin que vous puissiez rejoindre rapidement vos classes.”
- J’ai pu constater ces derniers jours, par ma fonction, la grandeur des manquements à Saint-Clair. C’est dire, l’irrespect des règles et la transgression du règlement d’ordre intérieur.
Des murmures s'élevaient déjà dans la salle.
- Cela va changer, annonça-t-elle.
Sans réclamation, Madame Paul obtint le silence. Un bref instant, elle parcourut les élèves dans la salle, comme si elle était capable de voir chacun d’entre eux. Elle reprit avec une voix plus forte encore :
- Contrairement à ce qu’il peut vous sembler, ce manuscrit n’a pas été écrit pour le simple plaisir de vous ennuyer ! C’est une charte de vie et de bonne mœurs, qui a pour projet de faire régner la paix au sein de nos établissements. Par établissements, j’entends évidemment, l’école et l’internat, dans lesquels vos professeurs s’appliqueront, dès aujourd’hui, à maintenir le respect. Quiconque tentera d’y couper devra en endosser la responsabilité…
La courte pause qu’elle effectua tint l’ensemble de Saint-Clair en haleine.
- … et cela vaut pour chacun d’entre vous.
La nouvelle tomba comme une bombe, et elle fit jaser. Le message était clair. De bouche en bouche l'appellation Richess remonta jusqu’aux concernés, qui entre eux, n’arrivaient même pas à se regarder. Il n’y avait que Faye, qui tournait en bourrique, en cherchant des explications dans les yeux de ses amis.
***
Elle avait été mise à l’écart de tout. Faye s’en rendit compte durant les premières heures de cours, qui lui parurent plus pénibles les unes que les autres. La nouvelle avait plongé Saint-Clair dans le silence. Mais malgré leur mécontentement, elle constata qu’aucun des Richess ne fut surpris par la tournure des événements.
Même pas Alex, qui avait pourtant été absent au moment où Madame Paul était passée directrice. Elle ne pouvait pas savoir que ce dernier avait eu droit à un avant-goût la veille.
Il ne disait rien, d’ailleurs.
Non, Alex n’avait pas dit un mot depuis qu’ils étaient sortis de l’auditorium. Sauf pour échanger quelques commodités, ou pour répondre à leur professeure de maths, qui dès son entrée en classe, l’avait questionné sur ses blessures :
- Qu’est-ce que tu as fait ? Tu t’es battu ?
Comme Faye précédemment. Ce dernier lui avait répondu en lui passant sous le nez : “Nan, je me suis pris une porte.”
Réponse qui fut suivie d’un :
- Moi aussi, je me suis pris une porte.
Accoudée à son banc, Faye pivota doucement vers Steve. Lui aussi était amoché. Elle n’était pas idiote. Ils s’étaient définitivement battus. Alex ne voulait juste pas lui dire. Elle se demanda bien pourquoi, et alors qu’elle espérait lui tirer les vers hors du nez à la première pause, tout ce qu’elle tira fut la chasse des WC.
Voilà à quoi elle avait passé sa récréation, à faire la queue derrière les autres filles. Tout ça à cause du règlement et de l'interdiction d’aller aux toilettes pendant les cours. Règlement, qui comme Madame Paul l’avait précisé, ne quitta plus la bouche de leurs professeurs.
- … et vous êtes toutes tenues de porter le t-shirt et le pull de l’école !
En laçant ses chaussures, Faye haussa les sourcils. Les deux heures de sport qu’elle avait redoutées lui pendaient au nez, à elle, comme à Nice qui ne lui avait toujours pas adressé un mot de la journée. Quant à Kimi…
- Sinon quoi ? marmonna cette dernière, depuis le banc.
- Sinon je prélève des points de votre note finale à ce semestre, Mademoiselle Dan’s ! s’écria la prof en claquant son dossier de présence sur la table.
Elle voulut répliquer, mais Nice l’en empêcha en la retenant par le bras, quoi qu’elle eut prévu de faire avec. Cela lui valut un avertissement.
Survoltée, la blonde pestiféra dans ses dents sur le chemin vers le hall de sport. Derrière elles, Faye les observa. Nice lui conseillait de rester calme. Elles étaient proches, et Laure n’était même pas là. Elle se sentait seule.
Oh, et il y avait Jena aussi. Cette dernière venait de lui caler une tape dans le dos.
- Ça va, Faye ?
Mais ce n’était pas pareil.
Malgré tout, elle lui répondit avec le sourire :
- Oui, ça va !
***
Ce n’était pas grave si elle était mise à l’écart. Au fond, il n’y avait qu’une seule chose que Faye voulait réellement, et son souhait se réalisa lorsque la sonnerie du temps de midi retentit. Celle-là, elle l’avait attendu avec impatience, et elle s’était dépêchée de rejoindre les garçons dans la cour après le cours. Avec les filles, jointes à la partie, le groupe s’avança comme d’habitude, direction le réfectoire. Mais Faye avait décidé de changer ses plans, et ceux d’Alex par la même occasion. Lorsqu’elle attrapa sa main, ce dernier enfonça son regard dans le sien.
Même si c’était plutôt curieusement, cela la fit vibrer.
- Tu viens… ? demanda-t-elle, à demi-voix.
Il pencha doucement la tête, surpris, puis envoya subtilement un regard vers le reste du groupe. Ils ne les attendaient pas forcément.
Alex esquissa un tout léger sourire, et resserra sa main autour de la sienne.
- Ouais, viens. Je connais un endroit tranquille, dit-il en lui emboîta le pas.
Faye se sentit enveloppée, attirée de cette manière dans les couloirs de Saint-Clair. Il y avait encore des recoins qu’elle ne connaissait pas. Alex quant à lui avait beaucoup séché les cours. Il avait décidé de l’emmener là où il savait que personne ne les trouverait. Bien qu'elle n'en attendait pas autant, elle fut heureuse de se retrouver enfin seule avec lui, en toute intimité.
C’était d’ailleurs encore un peu étrange entre eux. Ils venaient tout juste de se retrouver. C'était aussi excitant.
Intimidée, Faye s’appuya dos au mur qui les dissimulait complètement, en se tortillant.
- Hum, fit-elle, gênée et en souriant de manière incontrôlée. Je suis contente qu’on se retrouve juste tous les deux…
Elle était nerveuse, et Alex, bien qu’il en donnait aussi l’impression, se montra plus avenant.
- Ah oui ?
Avec le pas qu’il effectua en sa direction, elle ressentit toute la chaleur qui émanait de lui. Maintenant, son corps était proche du sien. Son ton lui avait semblé lourd de sens, et quand elle releva le menton vers lui, elle ne résista pas. En l’encadrant, Alex glissa son pouce sur ses lèvres. Il lui fit ouvrir sa bouche, avant de l’embrasser. Sa langue était brûlante. C’était palpitant. Où étaient passées toutes ses bonnes résolutions ? Qu’importe, Faye enroula ses bras autour de son cou pour en profiter pleinement. Elle avait entendu ça toute la matinée. Elle le voulait. Rien que pour lui. En toute situation. Alex partageait cette ferveur, en y mettant du cœur et de la chaleur. Quitter ses lèvres ressemblait à un supplice. Elle le lut dans ses yeux. En effet, en rangeant sa chevelure, il se mit à fouiller son regard :
- Tu m’as attiré ici, dit-il, en chuchotant. Parce que tu voulais me dire quelque chose en particulier ?
En particulier ? Ils n’avaient pas encore clarifié leur situation, mais Faye pensa immédiatement à autre chose. Elle pensa à leur bébé. Tandis qu’elle hésitait, les pouces qu’il glissa brièvement sur son ventre la firent frissonner. Cette fois, cependant, elle n’avait pas d’endroit où s’enfuir. Alex était comme un mur, dont les mains, accrochées à ses hanches, étaient le ciment.
- Je voulais qu’on soit ensemble, répondit-elle, troublée. Qu’on puisse profiter à deux, ça m’avait manqué. C'est tout, ajouta-t-elle, en camouflant sa gêne par un rire.
Il pinça les lèvres.
- ... Je vois.
La distance qu’il prit soudainement lui fit drôle. Elle l’observa ramener ses mains sur ses propres hanches, en reculant, la tête baissée. Elle ne se sentit pas très bien. La façon dont il se recoiffa et haussa les sourcils… Il était bizarre, à acquiescer de cette manière, à tourner comme une toupie au ralenti.
- Tu… es fâché ?
Il eut un sourire en coin, qui s’étira longuement, avant de planter son regard froid dans le sien.
- Nan.
Non, il n’était pas fâché, mais il sortit machinalement un paquet de cigarette de sa veste.
- Mais qu’est-ce que tu fais ? Arrête… ! Si on te surprend…
- Je m’en fous, lui claqua-t-il au visage.
Il n’en avait pas l’air, pourtant. Elle le regarda allumer sa clope, désabusée. Si on le surprenait, ce serait vraiment fini pour lui.
- Tu devrais pas faire ça ici.
Encore. Ses yeux. S’accrochèrent aux siens. Comme s’ils la défiaient, en se baladant de haut en bas, tandis qu’il prenait une autre bouffée.
- Quoi ? Tu veux tirer dessus ? dit-il, alors que la fumée se répandait au-dessus de leurs têtes.
- … Tu sais bien que non.
Il connaissait tout ses travers. C’était sans doute la raison pour laquelle il n’avait jamais fumé devant elle. Car elle pouvait se montrer si limite des fois.
En tapotant ses cendres, l’expression d’Alex se durcit. Il déplaça son regard sur son ventre. Son nez se retroussa. Celui de Faye aussi.
- Qu’est-ce que tu as tout d'un coup ? Pourquoi tu fais ça ? Tout allait bien...
- Pourquoi je fais ça ! s’exclama-t-il, ébahi.
Lorsqu’il pointa sa cigarette en direction de son ventre, elle pâlit.
- Je me demandais, tu comptes me le dire un jour ?
- …
Faye resta accrochée à ses yeux.
- Pourquoi tu me dis pas que t’es enceinte ?
Elle se sentit trembler de l’intérieur, ses organes tapissant le fond de son ventre. C’était pour ça, qu'il la regardait de cette manière. Il savait. Tirée vers le sol, elle chercha de suite quelque chose à lui dire, une excuse à lui fournir, mais... C'était le vide, et le chaos en même temps.
Alex semblait avoir beaucoup à dire en comparaison :
- Donc, t’es enceinte ? Depuis combien de temps ?
Il était en colère. Tout doucement, Faye entoura son ventre. Elle n’avait pas très envie de répondre à cette question.
- Un mois...
Elle plissa les yeux face au bruyant silence qu’il émit. Alex bouillonnait.
- Et en un mois tu n'as pas pensé à me le dire ? T’as préféré le dire à Selim ?
- Il... !
- Ouais, c’est lui qui a bourdé, dit-il, avec mépris. J’étais tellement heureux hier, qu’il a cru que… que je savais ! Mais non. Au lieu de me le dire, à moi ! Tu lui as dit à lui ! En un mois…
Alex plaça ses mains autour de son visage. Il rumina entre celles-ci, en secouant la tête. Il n’en revenait pas. Il était sidéré.
Par dessous ses doigts, son regard avait changé. Il était devenu tranchant.
- Pourquoi tu me l’as pas dit ?
- Je… je voulais le faire, mais…
- Mais quoi ? Qu’est-ce qui t’en as empêché ? T’avais encore l’occasion de me le dire il y a quelques minutes ! Mais non… tu… veux garder ça pour toi… Je te comprends pas. Comment veux-tu que je te fasse confiance, si…
- C’est toi qui me parles de confiance !
Sa voix venait de craquer.
- Alors que quand je l’ai appris, toi… - sa poitrine se souleva -... tu venais d’embrasser Kimi !
- Mais pourquoi à ton avis ?
Il se défit de son doigt accusateur :
- C’est toi qui m’a poussé à bout ! Avec ta jalousie ! À toujours me rabâcher que j’allais te tromper …
- Et je n’avais pas tort !
- Si tu avais tort, parce que je t’aurais jamais fait ça !
- Tu l’as fait !!
- Parce que je n’en pouvais plus !!! Parce que…
- C’est pas le sujet ! J’avais décidé de ne plus y penser, alors tais-toi !
- Oh, mais si on va en parler !!
Il était à bout de souffle. Tous les deux se dévisagèrent. Faye n’essaya même plus de retenir ses larmes. Ce qui le fit se mettre en garde :
- J’ai réfléchi, tu sais… Hier, j’étais tellement sur mon petit nuage, que ça ne m'a pas sauté aux yeux. Je me suis dit que si t’avais décidé de passer à l’éponge aussi vite… C’était peut-être parce que tu voulais vraiment que ça s’arrange entre nous. Sauf que c’est pas anodin de ta part, je te connais... t'aurais jamais laissé passer ça !
- T’es dingue, Alex…
- Non, je suis pas dingue ! C’est toi qui n'es pas honnête ! Pendant des mois, et des mois, tu m’as répété en boucle que j’allais finir par te tromper, et tu me pardonnes ?? Comme ça, en claquant des doigts ??
C’était trop.
- Oui !!! Comme ça ! Parce que j’ai d’autres priorités maintenant !
- Et de quels types ?!
- Du type, je suis enceinte de toi, connard !!
Elle plaqua sa main contre sa bouche.
- Désolée, je…
- Et qu'est-ce qui me dit qu’il est de moi ?
Faye se prit une flèche en plein cœur. Elle le regarda avec horreur. Face à quoi, il retrouva soudainement le calme.
- … C’est vrai, non ? J’ai le droit de me poser la question, dit-il, sans crier.
Il eut l’air tout aussi chamboulé.
- Tu me l’as caché autant de temps, tu l’as dit à tout le monde sauf moi…
- Non, pas à tout le monde, répondit-elle, loin dans sa tête.
- Je t’ai fait du mal, dit-il, difficilement. Peut-être que... toi aussi, tu m'as trompé ?
- Comment tu peux dire ça ?
Elle chercha à reculer, mais le mur derrière elle ne lui offrit aucune échappatoire. Les larmes qui avaient coulé jusqu'à présent se stoppèrent. Alex venait de faire une erreur.
- Faye.
- Non, ne me touche pas ! Comment tu…
Il l'attrapa par le poignet, qu'elle gigota pour s'en défaire, mais il ne broncha pas.
- Comment tu peux penser ça ?! lui hurla-t-elle à la figure, déconfite.
- Et toi alors ??
Elle émit un long râle, rauque.
- Lâche-moi !!
- Essaye de me comprendre, tu ne m’as rien dit… Faye !
- Non ! Il n'y a pas de Faye qui tienne ! J’étais prête à te pardonner ! À nous donner une chance ! Parce que je t'aime !! Comme une idiote ! Et toi, tu oses dire que je t’ai trompé… Mais c’est toi ! C'est toi qui m'a trompé ! Tu as embrassé mon amie ! Tu m’as ri au nez ! Parce que t’en pouvais plus ??? Mais laisse moi rire ! Comment tu voulais que je te le dise… je… je savais même pas si toi et moi...
Elle éclata en sanglots. Elle avait tellement peur, et elle se sentait tellement seule. En face, Alex était dévasté. Il s’appuya sur le mur en face d’elle. Faye était inondée de larmes. Elle avait tellement mal. Il la regarda, désolé. Il ne savait pas quoi faire. Il était perdu.
- … je suis pas sûr que…
- Quoi ! fit-t-elle, en l’assassinant du regard.
Il hésita.
- Toi et moi, dit-il, en fixant le sol. Je ne pense pas qu’on devrait avoir un bébé ensemble. On est trop…
Il releva la tête en entendant un geignement. Ses yeux s'arrondirent. De grosses larmes dévalaient ses joues, meurtrie. Tout ses traits serrés, et pliés douloureusement, le maudissait. De son regard noir et noyé, à ses lèvres mordues. Faye l'aimait tellement, c'était trop dur. Trop dur de le quitter. Mais en partant, elle gronda :
- Tu as raison.
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