BOUDOIR
LUCAS
Restaurant Le Baudelaire
Le temps ne suffit pas à effacer la culpabilité que je ressens. Je dois sortir d'ici, j'étouffe. J'entends Andres m'interpeller, sauf que je ne réponds pas, j'ai besoin d'être seul.
Au début, je décide de retourner à mon bureau, rue Saint Honoré, mais inconsciemment, je prends la direction d'un endroit que j'évite volontairement depuis le drame. Depuis ce fameux jour où tout a basculé. Je me fous de savoir si c'est une bonne idée où pas. Tout ce que je sais c'est que j'ai besoin d'y être.
Cet immense appartement de deux cent dix mètres carré et des centaines de flash me submergent alors :
- S'il vous plaît, frappez moi plus fort !
- Suce-moi !
- Je l'ai préparé spécialement pour vous monsieur.
- Encore ! dit-elle. - À genoux !
- Puis-je? S'il vous plaît, laissez-moi jouir. Je ferme les yeux et au lieu de la voir elle, c'est le visage de Ley Carré qui m'apparaît.
LEY
Appartement de l'Aurora
Deux semaine plus tôt
Lucas Lambert sort de mes appartements. Or, la seule chose à laquelle je pense, c'est à quel point je déteste ce genre de situation. Je le revois m'inviter à dîner, avec cet air suffisant sur le visage, certain de pouvoir me faire accepter. Sauf qu'il est hors de question pour moi de laisser s'approcher quiconque. La femme qu'il voit n'appartiendra plus jamais à personne !
Elle ne veut pas d'amant, surtout pas d'amour, et ne souhaite certainement pas être le jouet d'un lien qui se brise, d'une flamme qui finit toujours par s'éteindre. Elle ne sera jamais plus le défi éphémère d'un fantasme passager. Et encore moins la marionnette d'un puissant, elle a déjà été l'esclave du désir d'un homme vil et elle ne laissera rien de tel se reproduire à nouveau.
Vénus telle une souveraine apparaît discrètement comme toujours, et me fait sursauter.
- Et bien, Ley ! Toujours autant de succès à ce je vois ! Combien d'entre eux, vas-tu encore repousser ? Pourquoi te punir de quelque chose dont tu n'es pas coupable ?
- Je ne veux pas discourir.
- Tu ne souhaites jamais en parler de toute façon !
- Que veux-tu entendre de plus ?
- Tu n'as qu'à être honnête !
- Et depuis quand on donne dans l'honnêteté toutes les deux ? Ne parlons pas d'intégrité quand toi et moi savons..... je n'ose pas continuer.
En levant la tête, je me rends compte qu'elle est proche de moi.
- Quand toi et moi savons quoi, Ley ? Tu n'oses nullement le dire ou tu ne veux pas ? Parle !
- Rien !
- Pourquoi ne veux-tu pas aller jusqu'au bout de tes pensées ?
Elle s'approche, frôle mon corps, touche mon visage, m'embrasse, puis me caresse les hanches.Mon premier réflexe est de fermer les yeux avant de finir par la repousser.
- Pourquoi me faire ça ? Triss ne te suffit donc plus pour jouer ta mascarade ?
- Ce n'est pas de ça dont il s'agit et tu le sais très bien. Depuis quand tu n'as pas baisé, Ley ?Quand as-tu laissé un homme te toucher pour la dernière fois ?
- Je n'en ai aucune envie !
- Mais bien sûr, tu te voiles la face, c'est tellement plus facile ! Cette merde que tu as traverséene doit pas définir le reste ! Tu n'es pas ta sœur et encore moins celle que tu étais avant d'entrerici.
- Tu n'as pas le droit de parler d'elle, je refuse de discuter d'elle ! Cette histoire doit rester où elleest !
- Et tu penses sérieusement l'avoir enterrée ? Bordel, Ley, ouvre les yeux, elle est toute ta putaind'existence! Entrer ici, la venger est ta seule et unique motivation ! Tu veux me faire croire queles choses ont changé ? Ils ne l'ont pas tous poussée au suicide !
- Je refuse d'écouter ça ! Certes, tous non, mais un l'a fait et il doit payer !
- Et que comptes-tu faire ? Quel prix te semble suffisant ? Cinq ans sont passés, merde !
Mon cœur est en miette. La rage, la colère, l'amertume me submerge, je me mets à trembler avec une intensité telle que mes jambes ne semblent plus vouloir me porter.
Elle s'approche et me prend dans ses bras pour me calmer.
- Pardonne-moi, L, je ne veux aucunement te pousser à bout, mais tu ne peux pas vivre indéfiniment avec cette rancune.
Impossible de répondre à ses excuses, car la mélancolie m'anéantit tellement que je me mets à pleurer. Il y a si longtemps que je n'ai pas versé une larme, que mes sanglots redoublent d'intensité. Je n'arrive pas à reprendre mon souffle et les souvenirs m'ensevelissent dans un océan de culpabilité. Je revis une scène avec Ely avec une parfaite netteté :
- Arrête Ely, bordel ! Ta dépendance envers cet homme n'est pas saine ! Cette relation est toxique!
- Tu n'as pas le droit de me le reprocher ! Tu entends ! Tu as dû fuir Damian ! Elle était saine votre relation, peut-être?!
Dans sa colère ses yeux noir comme la nuit me toisent avec méchanceté.
- Merde, Ely !
Avec exaspération je lève les bras au ciel.
- Quoi ? Tu vas me dire que ce n'est pas la même chose ? Il prend soin de moi, m'offre tout ce que je peux désirer ! Il ne me demande rien de plus que de me soumettre à lui !
- Tu t'entends parler ?
La fureur me noie tellement, mes longs cheveux bruns se balancent au rythme de mes mouvements.
- Je m'entends très bien, Ley ! Contrairement à toi, je n'ai pas besoin de fuir sa violence.
- Tu es injuste, Ely !
Mais elle était partie en claquant la porte.
Quelques mois plus tard, je trouvais ma sœur Ely dans notre salon. Je l'avais perdue, Ely le seul être qui comptait.
- Calme-toi, ma puce. Je ne pensais pas te mettre dans un état pareil.
- Ce n'est pas ta faute , V, c'est la mienne. J'ai merdé, j'aurais dû être là pour elle, mais je n'ai pas su.
- Tu dis n'importe quoi, tu n'es pas coupable, Ley !
Je regarde V essayer de me convaincre, mais je ne sais pas si je peux réellement la croire. Ma sœur Ely était le dernier bonheur qu'il me restait. Notre vie n'a jamais été facile, mais tant que je l'avais à mes côtés, je faisais l'impossible pour que nous ayons un environnement stable. Je pensais l'avoir trouvé auprès de Damian, mais je suis trompée et j'ai inutilement mis nos vies en danger.
Aujourd'hui, il ne me reste rien,et l'affreux sentiment que tout est de ma faute me ronge au plus profond.
Je reste prostrée quelques minutes dans les bras de V. J'ai encore beaucoup de mal à me reprendre, quand nous sommes interrompues par quelqu'un qui frappe à la porte.
Aussitôt, j'adopte une attitude détachée.
- Mademoiselle Carré, la vente aux enchères a été un véritable succès. Plusieurs formulaires vous attendent dans le bureau du premier étage. Souhaitez-vous que je vous les monte ici ?
- Non, Helena, je descends. Pourriez-vous, s'il vous plaît, demander à Stan d'apporter du champagne avant vingt-trois heures à l'étoile.
- Je m'en occupe immédiatement, Mademoiselle Carré. Dame Vénus...
Alors qu'elle se retire, je me rends compte que j'ai beaucoup de besognes qui m'attendent. Je dois arrêter de me lamenter et me bouger.
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