LUCAS

Une semaine s'écoule, mais la rage qui me ronge ne diminue pas pour autant. Après avoir consulté le journal de cette sale garce, ma culpabilité a fui en même temps que ma compassion. Si cette salope est assez malade pour haïr sa propre sœur de quoi peut-elle être encore capable ? Je ne sais même pas pourquoi je formule cette question. Cette psychopathe de mes deux a bien réussi à mettre en scène sa propre mort.

Alors que la question est plutôt de quoi est-elle incapable ? Et moi comme un crétin, j'y ai cru. J'ai gobé tous les mensonges de cette pouffiasse les uns après les autres. Au point de me sentir responsable d'un suicide aussi faux que peut l'être cette saleté. De colère, je repousse le fauteuil, me lève, puis je me dirige vers les parois vitrées de mon bureau.

Cette semaine pourtant presque achevée, ne me permet toujours pas de digérer les événements. Personnes n'osent s'approcher. Ma famille, mes deux meilleurs amis, et même l'insubmersible Moira marchent sur des œufs avec moi. Et tout cela c'est sans compter la sœur d'Ely qui demeure introuvable. C'est comme si du jour au lendemain la terre s'était ouverte pour l'avaler.

Déterminé à la trouver, j'ai mis Gram sur le coup, mais il n'a rien déniché jusqu'à présent. C'est rare que Gram n'aboutisse à rien. Ce mec est un petit génie de l'informatique, peu importe le lieu, l'endroit, l'individu et les secrets, il réussit toujours à me trouver ce que je cherche. Normalement, en trois jours, l'affaire aurait dû être bouclée. Or, nous sommes dans une impasse sans le moindre indice de qui elle pourrait être, ni de l'endroit où elle se cache.

Une absence de résultat qui me rend complètement fou, car sans la sœur d'Ely pas une once d'explication sur ce qui l'a poussé à faire un truc pareil. Je n'étais pas du genre à fouiner dans la vie des gens qui m'entourent, mais les expériences m'ont prouvés que je n'avais pas le choix. Non par curiosité malsaine, mais parce qu'au fil du temps, j'ai bien compris qu'avoir de l'argent, c'est s'exposer aux vautours.

Et ce que j'ai découvert sur mon ex maîtresse prouve bien que j'aurais dû me fier à mon instinct concernant les recherches sur son passé. En tout cas, pour que Gram ne trouve rien sur Ambre, c'est qu'un individu de génie a accompli un véritable travail de pro en amont. Cette fille a comme disparu de la surface de la terre.

Alors que je suis dans mes pensées, quelqu'un toque à la porte de mon bureau. Je soupire d'exaspération et demande à la personne d'entrer. Contrarié, je me tourne vers la porte pour me retrouver face à Moira. Elle s'assoit en face de moi les bras croisés. Ne me laissant pas un instant, elle m'allume comme un vrai bâton de dynamite. Je me disais bien que c'était trop beau qu'elle me laisse tranquille.

- Nous t'avons tous laissé une semaine pour faire ta petite crise, mais là nous en avons marre. Si les autres, ont trop peur de ta sale petite gueule de prétentieux arrogant, moi non. Tu vas me dire immédiatement ce qui se passe Lucas.

Elle pointe un doigt accusateur dans ma direction et continue son monologue.

- Au bureau, j'incarne la collaboratrice parfaite d'habitude parce que ce sont les règles que nous avons établies lorsque j'ai acceptées le poste, mais là s'en est assez. Je suis avant tout ton amie depuis le lycée et je t'interdis monsieur Lambert d'agir comme un con avec moi. Par conséquent, tu vas ouvrir ta jolie bouche de merdeux et me mettre au parfum. Et fait vite, parce que ma femme dit que je suis vulgaire seulement quand je suis très énervé.

Ses yeux lancent des éclairs, on dirait que ma chère amie veut me couper en petits morceaux. Je connais Moira en effet depuis le lycée et je sais que cette emmerdeuse fine ne va pas lâcher l'affaire. Elle est même capable de me foutre une raclée, si je ne lui révèle pas tout dans la minute. Alors, je me lance.

- Ely n'est pas morte.

Elle sursaute, balance ses longs cheveux roux en arrière, s'avance sur ses stylos violets et fait semblant de se retirer quelque chose dans l'oreille.

- Pardon, j'ai dû mal entendre. Tu peux répéter s'il te plaît ?

Je tique de nervosité, mais résume l'information.

- Ely n'est pas morte, mais pire, c'est qu'elle s'est foutu de ma gueule sur toute la ligne.

Le visage de Moira se durcit de colère, ce qui en général n'est jamais très bon signe.

- Depuis quand tu le sais ?

Je lève les yeux au ciel de dépit.

- Peu importe depuis quand je le sais, cette fille est une véritable psychopathe. Il suffit de consulter son journal intime pour comprendre qu'elle est complètement dérangée.

Je m'agace légèrement face à l'attitude de Moira, mais je comprends bien vite que c'est une mauvaise idée. Moira crie comme une furie pour m'interrompre.

- Depuis quand le sais-tu L.u.c.a.s ?

Je m'approche de mon fauteuil et me laisse pratiquement tombé dessus. Acculé, je lui dis tout sans omettre un seul détail, puis me tais. Avant de finalement me raviser et de lui demander si les autres n'ont pas mouchardé.

- Mais je croyais qu'Andrès t'avait mis au courant.

- Tu penses réellement que je discute avec ce gorille excité ? La dernière fois, c'était un cas de force majeure alors j'ai été obligé d'appeler ce pervers arrogant pour qu'il rapplique. Mais ne compte pas sur moi pour me taper la discute avec tes deux meilleurs amis. Autant l'un que l'autre sont de véritables porcs.

Et avant que je n'ouvre la bouche pour les défendre, elle me stoppe de la main.

- Et avant que tu ne prennes leur défense, j'insiste sur le fait que tu ne me feras jamais changer d'avis. Ces démons sont toujours accompagnés d'une femme différente. De parfait, petits débauchés. Non sans rire, il suffit de regarder la manière dont le magazine Vogue vous à tous décrits.

Elle fait un geste de la main et répète le titre de l'article.

- Lucas, Andès, Casey... Le clan, sont-ils à ce point semblable qu'uni ?

Elle soupire de désapprobation et s'exclame.

- Ils n'ont pas encore découvert le pire. Et Dieu nous en préserve d'ailleurs.

Moira se met à rougir comme une jolie tomate bien mûre et secoue la tête. Avec sa peau de porcelaine difficile pour elle de cacher à quel point elle est gênée.

Je ricane et lui dit.

- Pourtant, tu me supportes ?

Elle éclate de rire.

- C'est parce que tu as Kelly pour sœur, que tu es mon boss et que Sacha t'aime bien. Quoique je fasse, je suis obligé de te supporter.

Je fais une moue désapprobatrice.

- Je croyais que c'était parce que tu m'aimais et que j'étais ton ami ?

Elle hausse les épaules moqueuse.

- Il faut croire que dans la vie tout est subjectif cher patron.

Cette fois, c'est moi qui éclate de rire à m'en décrocher la mâchoire.

- Tu es incroyable, quand je pense deviner ce que tu vas dire, je suis toujours surpris.

- C'est notre don à nous les femmes d'être imprévisible, avec nous il n'y a jamais de bonne formule ou de bonne façon de faire. Que veux-tu cher patron, c'est ainsi depuis la nuit des temps. Les femmes ont été créées pour séduire et obtenir ce qu'elle veulent par ce biais. Mais je pense que tu es plus au courant que moi de ce genre de chose le tombeur.

Je ricane. Alors que je m'apprête à lui répondre l'interphone de mon bureau, se mets à sonner. Très vite, je reprends mon sérieux et réponds.

- Monsieur Lambert, j'écoute.

- Monsieur excusez-moi de vous déranger, c'est Lucie.

- Je sais que c'est vous, puisque Moira se trouve dans mon bureau. Que se passe-t-il Lucie ?

- Monsieur Blanc et monsieur Mercier sont ici pour vous voir.

Décidément, ils se sont passé le mot ou quoi ? On dirait un coup monté. Or, Moira vient de me confirmer qu'ils ne se sont pas concertés alors j'accorde le bénéfice du doute à cette visite. Je me fais à peine cette réflexion que Moira se lève d'un bon décidée à mettre les voiles avant d'avoir affaire à eux. Je n'ai jamais compris leur détermination à s'ignorer mutuellement.

Je tique la dessus quelques secondes puis demande à Lucie de les faire entrer. Mes amis et Moira se croisent à la porte, mais ne s'adressent même pas les politesses d'usages. Leur hostilité réciproque est à mourir de rire, mais je me retiens. Moira serait bien trop énervé si je me moquais d'elle maintenant. Alors j'assiste à leur cinéma ridicule quelque peu moqueur jusqu'à ce qu'Andrès cherche des noises à ma secrétaire.

- Un simple bonjour ne serait pas du luxe, il me semble. La politesse ce n'est pas pour les chiens quand même.

Puis, il se retourne vers moi et balance un commentaire peu courtois.

- Si c'est comme ça qu'elle accueil tes clients et associés, je ne donne pas chère de ton affaire.

Avant que je dise quelque chose pour calmer les deux parties, mon amie répond acide.

- La politesse est réservée au personne de qualité monsieur Blanc et je suis sûre que votre ego de chien en chaleur s'en remettra.

Sur ces paroles Moira referme la porte de mon bureau, laissant Andrès à sa frustration. Celui-ci rugit d'exaspération avant de s'installer dans un des fauteuils scandinaves au côté de Casey. Avec fausse décontraction, ils se concentrent tous les deux sur moi, avant qu'Andrès ne commence pas les hostilités.

- Ce n'est pas une visite de courtoisie Lucas, nous sommes venu afin de comprendre ce qui se passe. Cela fait plusieurs jours que tu nous ignores tous. Alors nous sommes Casey et moi-même venu chercher l'explication que tu nous refuses depuis une semaine.

Le ton qu'il emploie est sans appel, et je comprends, que je peux plus esquiver les questions de mon entourage. Je n'ai cessé de broyer du noir seul durant ces quelques jours, alors que peut-être qu'il est plus que temps de leur raconter la vérité. Après tout, m'apitoyer sur mon sort jusqu'à présent ne m'a mené nulle part. Je souffle de résignation et leur raconte absolument tout, sans omettre la moindre information. Je leur expose avec minutie, ce que contient le journal d'Ely et la haine qui l'habite.

En les observant, je me rends compte, qu'aucun d'eux n'est surpris par ce que je viens de leur raconter. Et pour une fois, sans y mettre de forme, Casey est le premier à me faire part de son opinion.

- Cette situation était à prévoir Lucas. Combien de fois t'avons nous mis en garde contre cette nana ?

Il n'espère pas de réponse puisque sa question est rhétorique.

- Une multitude de fois, mais tu n'as jamais pris en considération notre méfiance vis-à-vis d'elle. Si à l'époque nous te disions tout cela, c'est tout simplement parce que nous étions soucieux. Mais bien sûr tu trouvais tellement qu'elle était la soumise parfaite, que tu ne voyais pas au-delà de ça.

Il secoue la tête, contrarié.

- Une fille avec un tel degré de tolérance est pratiquement impossible à trouver. Or, je me souviens très bien de cette session de groupe dans ton appartement de Cerisoles. Le seuil d'acceptation de cette meuf était tellement élevé que pendant un instant, j'ai eu peur que tu ne l'as tue. Sauf que je m'inquiétais pour rien, car elle avait juste l'air de planer l'esprit vide.

Il secoue la tête à nouveau cette fois parfaitement dégoûté et continue.

- Tu sais ce que je me suis dit en la voyant comme ça !? Que seule une personne complètement tarée et traînant un tas de merde derrière elle pouvait décemment être ainsi. Je me rappelle que cette nuit-là, Andrès a de nouveau essayé de t'avertir, mais comme d'habitude, tu n'as vu que ce qui t'arrangeait. Du reste, je me remémore clairement les paroles que tu as dites cette fois-là.

Furieux et déçu, il m'imite.

- Alors les gars, elle est parfaite, non ? Et moi d'avoir pensé, non, elle ne l'est certainement pas. Dérangée, disloquée et brisée c'est indéniable, mais parfaite pas du tout.

Casey termine de parler et un silence lourd presque pesant s'installe entre nous. Pendant une minute, le temps semble avoir suspendu son vol et aucun de nous ne dit rien. Puis Andrès sans doute fatigué de cette atmosphère pesante, formule la question à un million.

- Que comptes-tu faire Lucas ?