Lucas 

Apaisée, Ley s'est endormi sur moi depuis vingt minutes et je ne me lasse pas de la regarder. Elle est si majestueuse, que je suis fasciné par le moindre de ses mouvements. Je voudrais pouvoir la garder à l'infini. Or, au vu de ses réactions, j'ai comme l'impression qu'elle ne va pas me le permettre. Je ne comprends pas l'acharnement qu'elle met à combattre notre attirance mutuelle. J'ai bien saisie que son psychopathe de mari est responsable de son hésitation, mais putain cette histoire est tellement plus forte que nous. Il suffit que nous soyons dans la même pièce pour que tous s'embrasent d'une simple étincelle.

Entre nous, c'est si volcanique et quoique l'on fasse, il est impensable de lutter contre ça. Sauf que malgré cette évidence le comportement de Ley reste très confus. Elle se refuse à moi, se donne pour par la suite essayer de s'éloigner. Je m'y perds à tenter de comprendre quelle attitude adopter. La faire mienne était meilleur que dans mes rêves les plus fou. Je n'ai jamais connu une jouissance pareille et pourtant, je panique à l'idée qu'elle nie tout ce que l'on vient de vivre. Parce qu'il est plus que possible qu'elle n'ai pas ressenti les mêmes choses que moi. 

Cette idée une fait mal et me rend dingue, mais il faut bien se rendre à l'évidence. Je lui ai avoué que je l'aime et elle n'a rien dit. En exprimant ces trois petits mots, je me suis rendu vulnérable et elle n'a même pas été capable de me rassurer sur un devenir même temporaire. Il est avéré qu'à ce stade, je n'ai pas pu refréner mes sentiments. Mais merde, qu'aurais-je du faire d'autre ? Avec elle, je vis un truc au-delà de tout ce que j'ai pu imaginer entre homme et une femme. Plus que ma queue, c'est mon cœur qui palpite et réaliser cela est comme un baume apaisant déposé sur mon âme. Elle peut mettre entre nous des millions d'obstacles, son mari, son passé, ses peurs, et même sa crainte d'être blessé ; je ne vais jamais permettre qu'elle fuie loin de moi.

Je n'ai jamais aimé comme je l'aime. Je suis clairement une autre personne auprès d'elle. Un homme qui aime, une meilleure version de moi-même. Il est impossible que je renonce à une chose comme celle-là. Mes yeux dérivent à nouveau sur Ley et j'ai l'impression d'être comblé enfin. Une femme qui me fait cet effet avec un seul regard ne peut pas être n'importe qui dans ma vie. Alors que je mets en lumière cette nouvelle certitude, j'entends mon portable vibrer sur un des guéridons de la chambre. 

Avec beaucoup de précaution, je me détache de Ley qu'elle ne se réveille pas et récupère l'appareil. Bien sûr, ayant disparu des radars, c'est le nom de Moira qui s'affiche sur mon écran. Je ne suis pas très motivé pour lui répondre, mais je connais très bien ma chère assistante et amie. Si je ne réponds pas, je risque sans aucun doute d'être démembré plus tard. De fait, il vaut mieux pour moi de l'affronter maintenant que plus tard. Je décroche à peine le téléphone qu'elle me remonte les bretelles comme un gosse qui a fait une bêtise.

- Bonsoir Lucas. Suis-je à ce point inutile que tu n'as pas la décence de m'appeler ? Où es-tu passé bordel ? me crie-t-elle énervée.

Déjà qu'elle était furieuse contre moi pour l'histoire d'Ely, alors ma disparition de cette après-midi ne risque pas d'arranger les choses. Je respire, et tente de calmer le jeu.

- Moira, ça va ? dis-je en essayant un ton enjoué.

- Tu es sérieux là ? rétorque t'elle d'une voix calme et cynique qui n'annonce rien de bon.

- Calme-toi, ok !?

- Tu veux que je me calme ? Mais tu te fous complètement de ma gueule, ce n'est pas envisageable autrement. affirme t'elle, visiblement très en rogne.

- Je ne me moque pas de toi ok. Quelque chose s'est passé et ...

Je bloque. Comment expliquer à Moira tout ce qui m'arrive ? Elle va certainement me prendre pour un fou.

- Je ne peux pas t'expliquer maintenant, mais j'ai de bonnes raisons pour t'avoir planté au bureau sans nouvelles.

Elle s'adoucit un peu, sauf que Moira reste Moira. 

- J'espère pour toi, parce que ta mère, Gram le génie fou, ton avocat et le designer pour le projet SyBell n'ont de cesse d'appeler au bureau. Tu penses que ça m'amuse ? D'ailleurs, j'avais promis à ma femme de rentrer tôt, aujourd'hui. Bientôt si ça continue, Sacha va croire que je t'aime plus qu'elle.

Je ricane.

- Arrête. On sait tous les deux que Sacha ne te tiendra pas rigueur pour ça. Ta femme m'adore.

Moira soupire d'exaspération et objecte sèchement.

- Je me fiche que Sacha t'apprécie pour l'instant Lucas, parce que je veux te faire la peau pour m'avoir planté. Que dois-je faire de tout ce beau monde qui cherche à te joindre ?

Elle souffle résignée.

- Les plans du projet SyBell et les contrats sont sur ma table de travail, tu peux les transmettre au designer Gaël Delfosse. Tu peux dire à maître Maisonneuve de m'appeler sur ma ligne personnelle. J'ai eu Gram, il n'y a pas longtemps donc ne t'inquiète pas pour lui. Quant à ma mère tu veux bien t'en charger et lui dire que je ne serais pas des leurs. Je ne peux vraiment pas me libérer pour vingt heures ce soir.

- Très bien, mais que dois-je faire de ton brunch de demain avec le responsable de France'Line ? me demande-t-elle.

Je réfléchie quelques instants parce qu'avec Ley dans mon lit, je vois ne pas comment va se profiler ma journée de demain. En conséquence, je décide de repousser toutes mes obligations. 

- Reporte tous mes rendez-vous pour le début de l'après-midi s'il te plaît Moira. Demande à Lionel le gestionnaire un devis des travaux pour les deux projets SyBell et France'Line. Si le fils Morel nous contacte dit lui que je refuse tout entretien avec lui. Son père lui a peut-être évité la prison, mais il n'est pas question de faire affaire avec quelqu'un qui trempe dans la malversation de fond public. Puis contact l'assistante de Rise Nicholson et l'antenne de New-York, car les chantiers du front de mer sont à nous.

Informé de mes intentions, Moira finit par se calmer et raccroche sans demander son reste. De mon côté, je passe différents appels urgents avant de revenir vers mon lit. Ley dort paisiblement. Les draps se sont emmêlés autour de son corps et redessinent ses courbes. Mon désir pour elle remonte en flèche, mais je refuse de la réveiller. Elle a l'air tranquille et confiante, très loin de la femme hystérique de la boîte à musique. Sa réaction m'a vraiment laissé démunie sur le moment. Du reste, je me demande ce que cette boîte à musique représente pour elle.

Je n'ai pas osé l'interroger, mais on ne peut pas être terrifié à ce point par un objet banal. Intrigué, j'utilise mon portable à nouveau et rappel Gram. Après trois sonneries, celui-ci me répond. 

- Gram ?

- Un problème monsieur Lambert ?

- Oui Gram. En plus des recherches sur Ely et cette boîte à musique que l'on a déposée chez moi, j'aimerais que vous effectuiez des recherches sur une certaine Ley Carré. Elle a approximativement mon âge et travail comme coordinatrice à l'Aurora Club.

- Une coordinatrice de l'Aurora ! Monsieur Lambert est ce bien prudent ? Sans vouloir vous offenser cette institution est puissante et ne marche que sur le seau du secret. Fouiner sur cet endroit est en général synonyme de suicide professionnel. Êtes-vous sûre de vouloir faire ça ?

Je réfléchis quelques minutes avant d'affirmer sans hésitation.

- Faite ses investigations Gram. Quelqu'un la terrorise et s'est même introduit dans ma maison pour y parvenir. Je veux savoir où je mets les pieds.

- Très bien, mais je ne pourrais vous donner de résultats que dans quarante-huit heures. Je vais faire en sorte que personne ne sache que vous êtes sous le couvert de ses recherches. Infiltrer leur réseau va demander du temps, mais les réponses obtenues, je viendrais toute suite vous voir.  

- Je vous remercie Gram.

Je raccroche. C'est l'esprit troublé que je finis par me glisser à nouveau dans les draps. Je succombe au bras de Morphée à peine, ma tête se pose sur l'oreiller.