Introduction
Extrait des notes de Falgor Grisetoison, Érudit de l'Ordre du Dragon impérial.
Rédigées à Saintefontaine, datées du 7 Brumaire de l'An 136.
La Confrontation a laissé la civilisation humaine exsangue. Les Hommes ne sont prompts à s'unir et à s'inquiéter du bien d'autrui que lorsque leur confort et leur sécurité sont menacés. Hélas, tous les pactes et tous les traités n'ont pas suffi pour mettre un terme à la destruction apportée par l'éveil de cette terrifiante entité. Aujourd'hui encore, nul ne connaît son nom. Au sein de l'Ordre, nous l'appelons le Dévoreur de mondes. Jamais armée plus grande et plus majestueuse ne fut dressée avant ce jour, et elle fut balayée en quelques heures. S'ensuivit une longue débâcle vers l'ouest, aux confins des terres connues. La fatigue, la famine, la maladie et le désespoir furent autant de fléaux qui amenuisèrent encore les rangs de l'espèce humaine.
Lorsque les survivants parvinrent aux portes de ce qui allait plus tard devenir le continent de Fendragon, ils découvrirent l'existence des Al-kimias, une étrange société constituée d'automates longilignes infiniment plus évolués d'un point de vue technologique. À choisir entre revenir sur leurs pas pour affronter un monstre gigantesque ou chasser les occupants d'une contrée capable de recueillir leurs réfugiés, nos ancêtres optèrent pour la seconde solution. La voie diplomatique ne fut envisagée à aucun moment : une nouvelle preuve de notre concupiscence et de notre propension à détruire tout ce que nous ne comprenons pas. Cette guerre, plus épuisante pour nous que pour nos adversaires, finit miraculeusement par aboutir à un accord. Les Al-kimias, par pitié sans doute, nous cédèrent les territoires de l'est, puis s'en retournèrent pour la plupart dans les Tréfonds, loin sous la surface de la terre. Les autres occupèrent les régions occidentales, qui donnaient directement sur la mer, limitant leurs contacts avec les Hommes au strict nécessaire.
Quant à ce qu'il restait de nos prédécesseurs, ils s'établirent sur ce nouveau continent, demeurant unis suffisamment longtemps pour ériger un gigantesque mur entre eux et la contrée ravagée qu'ils laissaient derrière eux, priant pour que cela suffise à maintenir le Dévoreur loin de leurs existences éphémères. Les années passèrent, puis les décennies, et tandis que la muraille se renforçait, les divisions refirent peu à peu surface. Les Hommes formèrent de nouveaux clans et castes, avides d'accaparer terres et ressources, souvent dans la violence et au détriment de leurs semblables. Le commerce reprit le pas sur l'entraide et le troc, les nantis se distinguèrent à nouveau des petits, et nous eûmes tôt fait de retomber dans les mêmes travers qui avaient déjà provoqué souffrances et clivages avant le cataclysme. Las, la puissante famille des Fendragon osa se dresser au-dessus de la mêlée pour proposer de tirer un enseignement de nos erreurs et d'œuvrer à la création d'un monde meilleur. Ainsi naquit l'Empire.
J'estime que le Temple et l'Ordre du Dragon impérial sont ce qui est arrivé de mieux à l'humanité depuis longtemps, offrant une prospérité sans précédent à nos sujets. Malheureusement, le semblant de cohésion et de sécurité que nous parvenons à faire régner me paraît si ténu ! Je ne peux m'empêcher de porter mon regard vers l'est et me demander combien de temps nous serons encore épargnés par ce qui se dresse de l'autre côté du mur. Régulièrement, des héros émérites et des coteries de mercenaires osent s'aventurer par-delà cette imposante structure qui ressemble davantage à des œillères qu'à une protection tangible. Mais aucun d'entre eux n'en est jamais reveu. Et je ne peux pas non plus m'empêcher de craindre que le danger puisse venir de nos propres rangs. Car si j'ai bien appris une chose au cours de ma courte existence, c'est que l'Homme est un loup pour l'Homme...
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