Chapitre 7 : La quête du donneur

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Les jours suivant l'hospitalisation de Mei plongèrent Wei et Hua dans une torpeur anxieuse, comme suspendus dans une réalité qu'ils ne maîtrisaient plus. Eux, qui avaient toujours puisé leur force dans les rythmes immuables de la terre, se retrouvaient soudain désemparés face à un univers aussi glacé qu'impitoyable. Les cycles rassurants des saisons et du travail des champs avaient été remplacés par le cliquetis des machines, les tubes qui s'enroulaient comme des serpents autour du corps affaibli de Mei, et des diagnostics chuchotés en termes cliniques, aussi opaques qu'effrayants. Ce monde, dénué de la chaleur familière de la terre, les isolait dans une angoisse nouvelle, où l'inconnu régnait en maître.

Mei restait alitée, son corps s'enfonçant chaque jour un peu plus dans une fatigue insidieuse, comme si la vie elle-même se retirait lentement. Wei et Hua veillaient à tour de rôle à son chevet, leurs regards silencieux se croisant parfois, leurs mains se frôlant dans une tentative muette de se rassurer. Leurs paroles, rares et murmurées, semblait désormais impuissantes à apaiser la peur qui grandissait en eux, une peur qui s'installait avec une persistance que rien ne semblait pouvoir chasser.

Les médecins avaient parlé sans détour : Mei était atteinte de leucémie, une maladie insidieuse qui s'infiltrait dans chaque recoin de son corps. Ils expliquèrent que cette pathologie se caractérisait par une prolifération incontrôlée de globules blancs anormaux au sein de la moelle osseuse. Ces cellules, défaillantes et en surnombre, envahissaient l’espace vital des cellules saines, perturbant ainsi les fonctions essentielles à la survie. La production de globules rouges, chargés d'oxygéner le sang, de plaquettes, garantes de la coagulation, et de globules blancs sains, protecteurs du système immunitaire, s'effondrait peu à peu sous cette invasion silencieuse.

Cette prolifération anarchique engendrait des ravages visibles sur le corps de Mei. La fatigue écrasante l'alourdissait comme un fardeau invisible, l'empêchant parfois de respirer sans effort. Les douleurs osseuses, lancinantes, la réveillaient la nuit, tandis que des ecchymoses, apparues sans raison apparente, maculaient sa peau. Les médecins avaient été clairs : à ce stade avancé de la maladie, chaque jour qui passait l’amenait un peu plus près du point de non-retour. Son système immunitaire, déjà trop affaiblie, peinait à repousser les infections les plus simples, et la menace d'hémorragies incontrôlables planait constamment au-dessus d’elle.

L’unique espoir résidait désormais dans une greffe de moelle osseuse. Cette intervention, lourde de sens et de risque, consistait à remplacer la moelle défaillante de Mei par celle d’un donneur sain, dans l'espoir de rétablir la production normale des cellules sanguines. Mais le temps pressait, et la recherche d’un donneur compatible devenait une course contre la montre, une bataille silencieuse entre la vie et la mort, où chaque seconde comptait.

La quête désespérée d'un donneur compatible débuta immédiatement, une course engagée contre le temps. Les médecins prélevèrent des échantillons de la moelle de Mei et les envoyèrent dans d’innombrables bases de données, nationales d'abord, puis internationales. Chaque jour apportait une lueur d’espoir, rapidement éteinte par des résultats négatifs. Aucun des donneurs enregistrés ne correspondait aux critères stricts exigés pour une greffe réussie. Les médecins, leurs voix toujours teintées d’une froideur professionnelle, répétèrent que la compatibilité entre le donneur et le receveur devait être presque parfaite, une condition sine qua non pour maximiser les chances de succès. Mais pour Mei, cette concordance restait désespérément hors de portée, glissant à chaque tentative comme une ombre insaisissable.

« Il faut continuer à chercher, » répétaient les médecins, bien que l'érosion subtile de leur conviction se devine dans leurs voix. L’atmosphère, d'abord empreinte d'une assurance mesurée, s’alourdissait de jour en jour, glissant insensiblement vers une incertitude angoissante. Les chances de trouver un donneur compatible s'effilochaient à chaque nouvelle tentative infructueuse, creusant un abîme toujours plus profond entre l’espoir vacillant et l’ombre croissante de la résignation.

Wei, assis dans les couloirs austères de l’hôpital, suivait du regard le ballet incessant des infirmières et des patients. Le bruissement des chariots chargés de matériel médical, les murmures étouffés des conversations professionnelles, tout cela formait une symphonie monotone qui ne faisait qu’amplifier son tourment intérieur. Lui, habitué à combattre l’adversité par la force de ses bras et la ténacité de son esprit, se retrouvait désarmé face à cet ennemi sournois qu'aucun effort physique ne pouvait vaincre. Dans les champs, il savait comment lutter, comment plier la terre à sa volonté. Ici, cependant, dans cet univers froid et impénétrable, sa puissance se dissolvait, laissant place à une impuissance dévorante, aussi étrangère que douloureuse.

Hua, quant à elle, trouvait refuge dans des prières muettes, ses lèvres effleurant à peine les mots tandis que son esprit, lui, demeurait tendu dans l’attente d’un miracle qui, à chaque jour, semblait s’éloigner un peu plus. Ses mains, autrefois si habiles à modeler la terre, à faire germer la vie et à nourrir sa famille, restaient désormais inactives, privées de leur utilité. L’impuissance s’était insinuée en elle, et avec elle, l’angoisse avait tracé de profondes lignes sur son visage. Son calme d’antan, jadis aussi constant que la terre qu’elle cultivait, s’était effrité sous le poids d’un fardeau invisible, mais lourd de conséquences.

Un matin, après des jours d'attente devenus insoutenables, le médecin-chef convoqua les parents dans son bureau exigu. En entrant, Wei et Hua ressentirent immédiatement le poids oppressant de l’atmosphère, aggravé par l'encombrement des dossiers qui envahissaient chaque coin de la pièce. Les murs, autrefois rassurants avec leurs diplômes encadrés témoignant de l'expertise du médecin, ne suffisaient plus à apaiser leurs craintes. Assis derrière son bureau, le médecin leur fit face, son regard empreint d'une gravité lourde de sous-entendus.

« Nous avons exploré toutes les possibilités dans la base de données des donneurs, » commença-t-il, sa voix résonnant dans le silence épais. « Malheureusement, aucun des donneurs testés jusqu'à présent ne présente une compatibilité suffisante. »

Wei sentit une douleur sourde lui serrer la poitrine, chaque mot du médecin alourdissant encore davantage son désespoir. « Que devons-nous faire maintenant ? » demanda-t-il, essayant de garder sa voix ferme, bien qu’un léger tremblement la trahisse.

Le médecin les scruta un instant, ses yeux remplis de compassion et de réflexion avant de reprendre, pesant chaque mot. « Il reste une possibilité. Lorsque les donneurs externes ne présentent aucune compatibilité, nous nous tournons généralement vers la famille immédiate. Les parents, les frères et sœurs... Ce sont souvent eux qui offrent les meilleures chances de correspondance. »

Wei et Hua échangèrent un regard lourd de sous-entendus, leur silence plus éloquent que des mots. Le médecin, ignorant les tempêtes intérieures qui agitaient ses patients, poursuivit avec la même sérénité clinique : « Nous vous recommandons vivement de passer des tests tous les deux. La compatibilité n’est jamais assurée, mais elle représente notre meilleur espoir pour Mei. »

Pour Wei, le monde sembla soudain se figer, comme suspendu dans un souffle incertain. Depuis tant d'années, il avait aimé Mei sans jamais laisser le doute s’immiscer dans leur relation, sans jamais interroger ce lien qu'il avait toujours considéré comme naturel, indéfectible. Mais aujourd'hui, ce secret longtemps enfoui sous des couches de silences complices menaçait de refaire surface, de briser l'équilibre fragile qu'ils avaient méticuleusement bâti autour de leur famille.

Dans cette petite pièce étouffante, avec un médecin qui attendait patiemment leur accord pour procéder aux tests, Li Wei sentit tout le poids de leur décision s'abattre sur lui. Ils ne faisaient pas seulement face à la recherche d’un donneur ; ils se tenaient au seuil d’un abîme où chaque vérité non dite portait en elle la capacité de transformer leur vie à jamais. Un nouveau chapitre s’ouvrait devant eux, empli de douleur inexprimée et de secrets prêts à éclater au grand jour.

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