Chapitre 10 : L'arrivée de Liu

6 minutes de lecture

Liu fixait la fenêtre, observant le paysage de la campagne chinoise se fondre doucement dans le ciel pâle. Chaque kilomètre qui le séparait de la ville intensifiait le tourbillon de pensées qui s'était emparé de lui depuis l'appel de son père. Ce coup de fil, brusque et lourd de conséquences, l'avait arraché à sa routine, le propulsant vers une responsabilité qu'il n'avait jamais anticipée. Mei, la fille de Wei et Hua, des noms presque étrangers pour lui, avait besoin de lui. Une greffe de moelle osseuse. Ces mots résonnaient encore dans son esprit, porteurs d'une gravité qu'il ne parvenait pas encore à mesurer pleinement.

En pliant ses vêtements dans sa valise, Liu avait revisité ces histoires que son père lui contait parfois, des fragments de souvenirs sur les montagnes du Zhejiang, les plantations de thé baignées par la brume matinale, et une amitié ancienne, forgée dans l’adversité. À ses oreilles, ces récits semblaient lointains, appartenant à une autre vie, à une époque qu'il n'avait jamais connue. Pourtant, aujourd'hui, ces histoires prenaient un sens nouveau, se rapprochant de lui avec une urgence inattendue. Désormais, il se dirigeait vers ce passé, non plus en spectateur, mais avec le poids d'un rôle à jouer. Il ignorait encore ce qui l’attendait, mais une chose était claire : reculer n'était plus une option.

Le train arriva enfin à destination, et Liu, animé d'une nouvelle détermination, se hâta à travers la gare. Chaque pas le rapprochait de l’hôpital, son esprit fixé sur l’urgence de la situation. Il sentait le poids de la responsabilité peser sur ses épaules, mais une part de lui restait ferme, refusant de céder à l’angoisse. Peu importe l'issue, il savait qu'il devait affronter ce moment.

À son arrivée, l’atmosphère de l’hôpital lui parut presque oppressante. L'air était chargé de tension, et le visage de Wei et de Hua, marqués par des semaines d'inquiétude, ne laissait aucun doute sur l'épuisement qu'ils avaient enduré. Chaque seconde semblait s’étirer, alourdissant l’air déjà étouffant de la pièce. Puis, lorsque Liu franchit les portes aux côtés de son père, un mouvement subtil anima la salle d’attente. Wei et Hua se redressèrent d'un bond, leurs yeux brillant d'une émotion mêlée de soulagement et d’appréhension. Dans le regard qu’ils posaient sur Liu, il était clair qu'ils voyaient en lui non seulement une présence réconfortante, mais aussi leur dernier espoir.

« Merci d’être venu, Liu, » murmura Li Wei, la voix tremblante sous le poids de l'émotion.

Liu hocha la tête, incapable de trouver les mots justes. La gravité de la situation s'alourdissait autour de lui, pesant sur ses épaules. « Je suis prêt pour les tests, » répondit-il simplement, sachant que les paroles, à cet instant, avaient peu d’importance face à ce qui était en jeu.

Yong posa une main réconfortante s

ur l’épaule de son fils, un geste discret, mais chargé de signification. Ce contact silencieux, en dépit de la tension palpable, tissait un lien profond entre leurs deux familles, un lien fait de promesses tacites et d’espoirs silencieux. Liu percevait ce fil invisible, cette force tranquille qui les unissait dans l’adversité, même s’il en ignorait encore toute la portée. L’avenir, avec toutes ses incertitudes, se dressait devant lui, mais pour l’heure, il ne pouvait que continuer d’avancer.

Le médecin les attendait, impassible, prêt à entamer les prélèvements. Chaque mouvement se déroula avec une précision chirurgicale, sans une seconde de flottement. Liu suivit les directives, son esprit flottant dans un étrange état de calme, où l'ombre de l'inquiétude venait parfois brouiller cette surface sereine. La compatibilité restait incertaine, mais il avançait sans hésitation. C’était une pensée à la fois simple et inébranlable qui guidait chacun de ses pas : il devait essayer. Et pourtant, une question lui revenait sans cesse, tapie dans un coin de son esprit : pourquoi lui ? Pourquoi avait-il été appelé, si soudainement, à jouer un rôle si crucial dans une histoire qui, jusqu'alors, lui semblait lointaine ?

Lorsque les prélèvements furent terminés, Liu rejoignit les Li et son père dans la salle d’attente. Le médecin, toujours aussi professionnel, les informa que les résultats ne seraient disponibles que dans plusieurs heures. Commença alors une attente interminable, une attente oppressante, où chaque seconde semblait s'étirer comme un élastique tendu à l'extrême, sur le point de céder sous la pression.

Assis dans un silence oppressant, Liu ne pouvait s’empêcher de scruter les visages épuisés de Wei et Hua. Leurs traits portaient les cicatrices d'une angoisse qui semblait avoir effacé toute trace de sérénité. Chaque regard échangé, chaque geste emprunté de douceur dissimulait un désespoir qu'ils s'efforçaient de contenir. Pour eux, Liu incarnait bien plus qu'une simple présence — il était devenu leur dernière lueur d’espoir. La pression montait inexorablement en lui, s’insinuant dans chaque recoin de son esprit, mais Liu s'efforçait de rester ancré dans une calme détermination. Quoi qu’il advienne, il affronterait cette épreuve.

Yong finit par briser le silence, sa voix basse et empreinte d’une profonde gratitude. « Merci d’être venu, Liu. Je sais à quel point c’est difficile. »

Liu hocha simplement la tête, le regard fixé sur le sol. « On fait ce qu’on doit faire, » murmura-t-il, plus pour lui-même que pour les autres, comme une incantation qui, il l’espérait, suffirait à tenir la peur à distance.

Les mots étaient d'une simplicité désarmantes, mais leur écho résonnait profondément. Liu ne pouvait mesurer toute la portée de cette décision, ni anticiper les bouleversements qu’elle apporterait dans sa vie, mais une chose restait claire : c’était la seule voie qui s’offrait à lui. Un sentiment de devoir l’animait, guidant chacun de ses pas malgré les interrogations qui l’assaillaient, des questions lourdes de sens, suspendues dans l'air, sans réponse.

Les heures qui suivirent s’étirèrent dans une lente agonie. Chaque minute semblait s'alourdir sous le poids de l'incertitude, s'effaçant dans l'attente silencieuse et torturante. Wei, incapable de rester en place, arpentait nerveusement la pièce, ses yeux revenant inlassablement vers l’horloge murale, comme s'il espérait y trouver le pouvoir d'accélérer le temps. Hua, quant à elle, restait immobile, ses mains jointes dans un mutisme résigné, ses pensées enveloppées dans des prières silencieuses, cherchant une lueur d'espoir dans l'abîme qui les entourait.

Lorsque le médecin franchit de nouveau le seuil, tous se redressèrent instinctivement, les muscles tendus, les cœurs battant à l’unisson, suspendus à l'attente de ses mots. Un silence lourd s’abattit sur la pièce, l’air semblait presque vibrer sous la tension accumulée, chaque respiration devenant un acte de volonté.

« Liu, » commença le médecin, son regard scrutant les résultats avec une attention méticuleuse, « vous êtes compatible avec Mei. Les analyses révèlent une correspondance solide. »

Un flot de soulagement balaya la pièce, chassant la lourdeur qui pesait sur leurs épaules depuis des heures. Une vague d’émotion traversa Wei et Hua ; leurs regards se croisèrent, les larmes naissant au coin de leurs yeux, reflet d'une lueur d'espoir que la fatigue n’avait pas tout à fait éteinte. Pour la première fois depuis des semaines, ils laissèrent l'idée d'un avenir meilleur s'immiscer dans leurs pensées, comme un rayon de lumière perçant l’obscurité.

Liu demeura silencieux un moment, le poids de la révélation s'imposant à lui. Il mesurait la portée de ces mots, l'ampleur de ce qu'ils signifiaient. Malgré toutes les questions resté sans réponse, une certitude s'ancrerait en lui : il devait avancer. Peu importaient les incertitudes qui persistaient à l'horizon, il comprenait que sa place était ici, à cet instant, et que rien ne pourrait l’en détourner.

« Nous organiserons la greffe dans les prochains jours, » poursuivit le médecin d'un ton rassurant. « Cela demandera encore quelques préparatifs, mais nous sommes optimistes. »

Wei se tourna vers Liu, les yeux scintillants d'une reconnaissance profonde. « Merci, Liu. Tu nous offres une chance que nous n’osions plus espérer. »

Liu hocha doucement la tête, sentant son cœur battre lourdement dans sa poitrine. Les implications de tout cela se dessinaient encore dans l'ombre, mais il savait qu'il ne reculerait pas. Ce moment, cette décision, l’avait irrémédiablement lié à cette famille, à cet avenir incertain. Et désormais, il était prêt à porter cette responsabilité, quel qu’en soit le prix.

Annotations

Vous aimez lire impulse101 ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0