Chapitre 12 : Le saut dans l'inconnu

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Le jour tant redouté et attendu était enfin arrivé.

Sous la lumière froide et implacable de l'hôpital, le monde semblait figé dans une attente silencieuse. Les bruits feutrés des chariots de médicaments, les pas précautionneux des infirmières, tout cela ne faisait qu’accentuer l’importance du moment. Liu, assis seul sur un lit d’hôpital dans une chambre attenante à celle de Mei, se retrouvait pris dans un maelström de pensées. La blouse blanche qu'il portait, légère et inconfortable, collait à sa peau comme un rappel constant de l’épreuve qui l’attendait. Son regard, perdu dans un point vague de la pièce, trahissait la bataille intérieure qu’il menait. Il cherchait désespérément à rassembler le courage nécessaire pour affronter ce qui allait suivre.

Se préparer mentalement à cette greffe s'était révélé bien plus difficile qu’il ne l’avait imaginé. Liu savait qu'il s’apprêtait à accomplir un acte décisif pour sauver Mei, mais une ombre d’incertitude planait sur lui, grandissante et insidieuse. Et si la greffe échouait ? Si, malgré tous leurs efforts, ils n’obtenaient pas le résultat espéré ? Ces questions s’insinuaient dans son esprit comme des serpents venimeux, menaçant de le submerger.

Alors, d’un geste lent et mesuré, Liu ferma les yeux, inspira profondément et repoussa ces pensées sombres. Le doute n'avait pas sa place ici, pas maintenant. Le luxe de l'hésitation lui était interdit. C'était le moment de faire appel à sa résilience, de puiser dans une force qu'il ne savait même pas posséder.

De l’autre côté du couloir, Mei gisait dans son lit, son corps épuisé semblant s’enfoncer dans les draps d’un blanc aseptisé. Ses yeux, quand ils trouvaient la force de s’ouvrir, se fixaient sur le plafond stérile qui lui paraissait infini. Le poids de la maladie avait effacé toute trace de la jeune femme pleine de vie qu’elle avait été. Désormais, elle n’était plus qu’une silhouette fragile, ses pensées flottant, brouillées par la fatigue et la douleur. Autour d’elle, les médecins et infirmières se mouvaient comme des ombres silencieuses, leurs gestes méthodiques trahissant la gravité de la situation. Mei percevait cette gravité, sans toutefois en saisir la pleine mesure. Ses forces déclinantes ne lui permettaient plus de poser des questions, mais au fond d’elle, elle sentait que quelque chose de vital se jouait, bien au-delà de sa compréhension actuelle.

Dans le couloir, entre les chambres de Mei et de Liu, Wei et Hua se tenaient comme deux piliers effrités par l’angoisse. Leurs visages, marqués par des semaines de tourments, restaient figés dans une expression de silence résigné. Hua, les doigts tremblant d’une nervosité qu’elle ne parvenait plus à dissimuler, les tordait sans relâche, comme pour trouver un échapatoire à sa propre angoisse. Li Wei, droit mais en proie à un chaos intérieur, fixait un point imaginaire devant lui, essayant de maîtriser ses pensées qui tourbillonnaient sans cesse.

« Elle ne sait toujours pas, » souffla Hua, sa voix à peine audible, fissurée par une émotion qu’elle tentait de contenir.

Wei ferma brièvement les yeux, son souffle se suspendant l’espace d’un instant, comme pour ravaler une douleur trop grande. « Non, » répondit-il finalement, sa voix enrouée par le poids des secrets. « Elle ne sait rien. »

Hua tourna lentement la tête vers lui, son visage marqué par l’épuisement et l’angoisse. « Et si la greffe réussit... que ferons-nous, Wei ? » murmura-t-elle, sa voix à peine plus qu’un souffle. « Nous devrons lui dire. Elle finira par comprendre. »

Un silence pesant suivit ses mots, chacun d’eux se logeant dans l’air comme une menace latente. Wei resta immobile, les yeux rivés sur le sol, conscient que la vérité qu’ils avaient enfouie depuis tant d’années finirait, tôt ou tard, par remonter à la surface, indomptable et destructrice.

Wei hocha lentement la tête, incapable de trouver les mots pour répondre. Le poids du secret qu’ils avaient porté pendant tant d’années pesait désormais plus lourd que jamais, menaçant de faire éclater en éclats leur fragile équilibre. Il savait qu'une fois révélée, ce secret bouleverserait irrémédiablement leurs vies, laissant derrière lui des cicatrices qu’aucun d’eux ne pourrait effacer. Pourtant, malgré la menace imminente, il ne parvenait toujours pas à rassembler le courage nécessaire pour affronter cette vérité inéluctable.

Dans la salle d’attente voisine, Yong, assis en silence, laissait son regard errer sans vraiment s’attarder sur quoi que ce soit. Son visage, marqué par les années et l’inquiétude, portait le fardeau invisible de cette épreuve. Il observait la famille de Mei avec une empathie douloureuse, ressentant chaque battement de leur angoisse comme une résonance en lui-même. Il savait qu'il ne pouvait rien faire d'autre que d'attendre, impuissant face à l'inexorable. Malgré sa confiance en Liu, il ne pouvait ignorer l’ombre pesante de la situation, le destin se jouant de tous, gardant ses cartes bien cachées.

Le temps s'écoulait avec une lenteur cruelle. Dans cet hôpital figé dans l'attente, chaque minute se prolongeait en une éternité oppressante. Enfin, rompant le silence assourdissant, une infirmière pénétra dans la chambre de Liu, un sourire discret mais grave aux lèvres. « C'est l'heure, » murmura-t-elle d'une voix douce, comme si elle cherchait à apaiser le poids immense de cet instant.

Liu inspira profondément, se levant du lit avec une lenteur presque calculée. Son cœur battait à un rythme effréné, tambourinant dans sa poitrine comme s’il cherchait à briser la cage de ses côtes. Mais malgré cette tempête intérieure, il se força à avancer. Il visualisait Mei, son corps si fragile, vidé de ses forces, et cette image, loin de l’accabler, lui donnait le courage nécessaire pour continuer. C’était son devoir désormais, une responsabilité qu’il ne pouvait pas fuir.

Dans la chambre voisine, Mei reposait dans un état d'attente, suspendue entre conscience et inconscience. Elle percevait la tension, palpable, se glisser sous sa peau, se tisser dans ses muscles fatigués. Les bruits de l’hôpital lui parvenaient de manière floue, comme si elle flottait dans un univers parallèle, où chaque son semblait lointain, distant. Une peur sourde, presque instinctive, la rongeait de l’intérieur, s’insinuant dans ses pensées brumeuses. Elle ne pouvait mettre de mots sur cette angoisse, mais savait, dans les tréfonds de son être, que quelque chose d'irrévocable était sur le point de bouleverser sa vie.

Pendant ce temps, dans une autre salle d’opération, Mei se trouvait entourée de médecins, leurs visages tendus et concentrés. Ils ajustaient les machines autour d'elle, veillant à ce que chaque détail soit parfaitement en place. Chaque geste, chaque vérification témoignait de l'importance du moment. L'atmosphère était chargée d'anticipation : ils savaient que les heures à venir décideraient de l'issue de cette bataille. L'issue de la greffe, le fragile équilibre entre la vie et la maladie, se jouait ici, dans cette pièce aux murs stériles.

Dans l’autre salle, Liu sentait l’anesthésie l’envelopper lentement, ses pensées s’éparpillant comme de la fumée. Ses paupières s'alourdissaient, et la clarté des lumières s’estompait. Pourtant, juste avant de sombrer dans l’inconscience totale, une idée perça la brume : il devait réussir. Pour Mei, pour ses parents, pour cette famille qui, bien qu’étrangère en apparence, s’était tissée dans le tissu de sa propre vie. Ce lien, si fragile et si fort à la fois, le maintenait ancré dans sa mission.

Li Wei et Li Hua restaient figés dans le couloir, chacun cherchant du réconfort dans le silence de l'autre. L'air semblait s’épaissir autour d’eux, chargé d’une anxiété palpable. La salle d’attente, impersonnelle et froide, devenait leur monde entier, les enfermant dans une spirale d’inquiétude et de prières muettes. Le temps lui-même semblait s’être ralenti, chaque seconde s’étirant comme une éternité.

Puis, soudainement, la porte de la salle d'opération s’ouvrit. Un médecin en sortit, son visage partiellement découvert alors qu'il retirait son masque. Il s'approcha avec une démarche mesurée, son regard sérieux mais empreint de bienveillance.

« La greffe s’est bien déroulée, » annonça-t-il d’une voix à la fois apaisante et chargée de gravité. « Les heures à venir seront déterminantes pour Mei. »

Li Wei ferma doucement les yeux, relâchant enfin un souffle qu’il semblait retenir depuis des jours. Ce n'était qu'une étape, une bataille gagnée dans une guerre encore loin d’être terminée, mais cela suffisait pour raviver la flamme vacillante de l’espoir.

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