Chapitre 16 : Retour à l'hôpital

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Le bureau du Dr. Chen baignait dans un silence oppressant, dense comme une brume épaisse qui alourdissait l’atmosphère. Devant lui, une pile de dossiers médicaux reposait sagement, mais leur apparente banalité cachait une vérité bien plus sombre. Les résultats des tests génétiques, inscrits sur ces feuilles insignifiantes, révélaient un secret que l’État ne pouvait tolérer. Mei et Liu, ces deux jeunes adultes, n’étaient plus seulement des patients dans un hôpital. Ils incarnaient les vestiges vivants d’une époque marquée par des décisions politiques inhumaines, des fantômes surgis d'une loi conçue pour contrôler la vie de millions d’âmes.

Le Dr. Chen laissa échapper un soupir lourd, passant une main tremblante sur son visage, écrasé par le poids de la responsabilité qui pesait sur lui. Ces résultats n’étaient pas simplement des informations médicales ; ils représentaient la preuve tangible d'une transgression grave de la politique de l’enfant unique. Autrefois appliquée avec une rigueur implacable, cette loi, bien que révolue, continuait de tisser son ombre oppressante sur les citoyens chinois.

Le Dr. Chen posa ses lunettes sur le bureau d'un geste brusque, le claquement sec résonnant dans le silence pesant de la pièce. Chaque battement de son cœur résonnait à ses oreilles, comme un tambour d’angoisse. L’éthique médicale lui dictait de protéger la vie de ses patients, mais la loi, rigide et impitoyable, exigeait de lui autre chose : signaler toute violation, aussi minime soit-elle, de cette politique d’État implacable. Il ne pouvait échapper à ce devoir imposé par la loi. Pourtant, en se conformant à cette obligation, il pressentait qu'il risquait de bouleverser des vies de manière irréversible.

La main crispée autour du combiné, il se força à composer le numéro. Chaque chiffre semblait résonner comme un coup de marteau contre son esprit tourmenté. L’attente, tandis que la ligne se connectait, étirait le temps en une agonie silencieuse. Puis, une voix glaciale, impersonnelle, émana du combiné, écho lointain de cette machine bureaucratique qui régissait le destin de millions de personnes.

« Bureau de contrôle des naissances et des affaires familiales. »

Le Dr. Chen serra le combiné de toutes ses forces, tentant de stabiliser sa voix face à l'impassibilité de son interlocuteur. « J’ai découvert, à travers des analyses génétiques réalisées dans le cadre d’une greffe de moelle osseuse, une situation complexe… potentiellement illégale. Les patients concernés, Mei et Liu, sont des jumeaux. Séparés à la naissance pour contourner la politique de l’enfant unique. »

Le silence à l’autre bout de la ligne s’étira, froid et tranchant. Le médecin pouvait presque sentir la mécanique de l’État se mettre en branle, une machine impersonnelle prête à broyer ceux qui s’étaient placés hors de ses règles. Puis la voix reprit, plus basse, plus mesurée. « Docteur, vous êtes conscient des implications de ce que vous avancez ? »

« Oui, » répondit Dr. Chen d’une voix tendue. Il sentait le poids des conséquences s’alourdir sur ses épaules. « C’est pourquoi je vous contacte. Je transmets cette information en toute conformité avec mes obligations. »

« Nous prenons note, » répondit la voix. « Envoyez-nous tous les dossiers et les preuves nécessaires immédiatement. »

La ligne se coupa avec un claquement sec, laissant le Dr. Chen seul dans son bureau, le silence à nouveau omniprésent. Ses mains tremblaient légèrement alors qu’il posait le combiné. Ce qu’il venait de déclencher échappait désormais à son contrôle.

Le Dr. Chen agrippa fermement le combiné, chaque mot pesant sur sa conscience comme un fardeau invisible. « J’ai découvert, au travers d’analyses génétiques liées à une greffe de moelle osseuse, une violation grave de la politique de l’enfant unique. Mei et Liu, mes patients... sont en réalité des jumeaux, séparés à la naissance pour échapper à la loi. »

Le silence qui suivit sembla étirer les secondes en une éternité glaciale. La sueur perlait le long de son front, chaque goutte accentuant la tension qui s’infiltrait dans l’air. Le combiné, froid et métallique contre son oreille, amplifiait l’angoisse sourde qui montait en lui. Enfin, la voix résonna de nouveau, tranchante comme une lame aiguisée. « Dr. Chen, mesurez-vous pleinement les répercussions de votre déclaration ? »

Il déglutit, s’efforçant de ne pas céder à la panique qui menaçait de l’envahir. « Oui, » dit-il d’une voix plus ferme qu’il ne se le sentait. « Je respecte la loi en signalant cette affaire, conformément à mes obligations. »

« Très bien. Nous avons pris note. Vous devez nous fournir immédiatement tous les documents nécessaires. Aucune omission ne sera tolérée. »

Le clic abrupt de la ligne coupée résonna dans le silence pesant du bureau. Dr. Chen laissa retomber le combiné sur son socle, comme si ce geste venait de sceller un destin qu'il n’aurait jamais voulu déclencher.

Le téléphone glissa doucement de sa main, se posant sur son socle avec un clic presque imperceptible. Pourtant, pour le Dr. Chen, ce bruit résonnait comme la chute d’une guillotine. Il fixait l’appareil, le regard perdu, assailli par un tourbillon de pensées. Était-ce vraiment son devoir qu’il venait d’accomplir ? Ou avait-il, par ce simple geste, condamné Mei, Liu, et leurs parents à un destin impitoyable ? Les engrenages de la machine bureaucratique, désormais enclenchés, avançant sans pitié, tels les flots d’un fleuve en crue, impossible à arrêter.

Plus tard dans la journée

Le Dr. Chen restait immobile derrière son bureau, son corps figé comme une statue, tandis que son esprit s'agitait dans un chaos silencieux. Chaque fibre de son être semblait paralysée par le poids de ce qu'il venait de faire. Il avait transmis le rapport aux autorités, scellant ces informations compromettantes dans les méandres numériques du système d'État. Il imaginait déjà ces dossiers virtuels s’ouvrir sous les regards aiguisés des agents, avides de débusquer les infractions à la loi. Le processus était lancé, et rien ne pouvait plus l’arrêter.

Dehors, le soleil déclinait lentement, peignant le ciel d’une lumière dorée qui pénétrait par les fenêtres de l’hôpital, jetant de longues ombres sur le sol. Cette douce clarté avait quelque chose d’illusoire, une tranquillité trompeuse masquant l’orage imminent qui grondait à l’horizon. Dr. Chen observait ces rayons dorés glisser entre les rideaux, la mélancolie de cette scène en total contraste avec le tourbillon de culpabilité et d’angoisse qui l’assaillait. Il savait, sans l’ombre d’un doute, que quelque chose d’irréversible venait d’être mis en marche.

À la tombée de la nuit, deux silhouettes austères franchirent les portes automatiques de l’hôpital. Leurs costumes noirs, impeccables, semblaient dévorer la lumière crue des néons, projetant autour d'eux une aura menaçante. Leurs visages demeuraient figés dans une expression froide, presque inhumaine, mais leurs regards acérés, tels des prédateurs, scrutaient chaque détail, traquant la moindre anomalie, la plus infime faille.

Lorsqu'ils pénétrèrent dans le bureau du Dr. Chen, l'atmosphère changea brusquement, comme si l’air s’était alourdi d’un coup, devenant épais et oppressant. Le Dr. Chen, pourtant habitué à affronter des situations critiques, sentit une montée d’anxiété perler sous sa peau. Ces hommes n’étaient pas des guérisseurs ni des protecteurs ; ils étaient là pour appliquer la loi avec une rigueur implacable, indifférents aux vies qu'ils impactaient. Ils ne cherchaient ni à comprendre ni à consoler, mais à juger et à exécuter les décrets froids de l’État.

« Dr. Chen, » lança l'un des agents, sa voix aussi acérée qu’un scalpel bien affûté. « Vous avez signalé une affaire d'une gravité exceptionnelle. Nous devons connaître chaque détail de ce que vous avez découvert. »

Le Dr. Chen s'efforça de redresser ses épaules, malgré la tension qui pesait sur lui comme une enclume. « J'ai soumis les résultats des tests génétiques, » répondit-il, mesurant chacun de ses mots. « Ils révèlent une violation explicite de la politique de l’enfant unique. Mei et Liu, ces deux patients, sont en réalité des jumeaux. Ils ont été séparés à la naissance pour échapper aux sanctions sévères imposées par l’État. »

Les agents se regardèrent brièvement, une communication silencieuse mais pleine de sens passant entre eux. Leurs visages demeuraient impassibles, des masques de professionnalisme froid, mais l'éclat dans leurs yeux ne laissait aucun doute : ils comprenaient maintenant qu'ils avaient affaire à une affaire d'une ampleur bien plus complexe et délicate qu'ils ne l’avaient d’abord imaginé.

« Nous devons interroger les familles concernées, » déclara l'un des agents, sa voix aussi tranchante que l'air glacé du bureau. « Cette affaire ne peut être conclue sans une enquête approfondie. »

Le Dr. Chen hocha lentement la tête, sentant le poids de la situation s'alourdir encore davantage. À cet instant, il comprit que le point de non-retour venait d’être franchi. Une fois l’enquête déclenchée, les autorités creuseraient sans relâche, fouillant chaque détail de la vie des familles impliquées. Aucun recoin, aussi caché soit-il, ne serait épargné par leur regard perçant.

Les agents quittèrent la pièce avec une efficacité presque militaire, leurs pas résonnant lourdement sur le sol. Le silence qui s’installa après leur départ était assourdissant. Dr. Chen, seul dans son bureau, sentait ses nerfs à vif. Ses pensées tourbillonnaient dans un chaos sans fin : en suivant ce qu'il croyait être son devoir, avait-il réellement protégé ses patients ? Ou venait-il plutôt de les livrer à une machine bureaucratique implacable, une entité dénuée de compassion, guidée uniquement par des lois inflexibles ?

Dehors, la nuit s’installait progressivement, enveloppant la ville dans une obscurité silencieuse. Mais pour les familles concernées, ce n’était que le début d’un chapitre sombre et incertain. Le Dr. Chen, impuissant, se retrouvait désormais simple spectateur des événements qu’il avait involontairement mis en mouvement, une marée qu’il ne pouvait plus contrôler.

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