La Vérité, le Chemin et la Vie

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L'éclaire du phare, vainqueur de l'obscurité, illuminait la face de Christophe. Tel un chérubin, prisonnier perpétuel de sa carcasse de voiture, il paraissait dormir paisiblement, si ce n'était ce coulis cramoisi empourprant le bas de son visage.

L'effusion d'une lueur cinglante, le dernier souvenir de ce bas monde qu'il devait, à jamais, emporter avec lui ; pourtant Christophe voyait toujours cette onde colorée, les yeux grands fermés, il en sentait même la texture moite et veloutée qui semblait délicatement l'envelopper, recouvrant progressivement chacun de ses pores comme une mère emmaillotte son nourrisson au coeur d'un linge capitonné.

Il avançait sans effort, sans contrôle, comme une caméra effectuant un travelling lors d'une scène de Kubrick. Pouvait-il jeter un oeil sur les côtés ou était-ce simplement l'envie qui lui faisait défaut ?

Une chose est certaine, il ne s'était jamais senti aussi éveillé que maintenant, tout ses sens en alerte, comme stimulés par une substance illicite.

Curieux au cours de sa vie, il n'était pas tout à fait sans ignorer ce qu'il pouvait lui arriver, mais il se demandait sans cesse, si tout cela n'allait être qu'un rapide coup d'oeil, un aperçu de ce qui nous attendait tous. Il se voyait déjà raconter, plein d'enthousiasme contagieux comme il sait si bien le faire, le moindre de ces détails à tous ses amis, proches, sa famille, ses futures conquêtes, des inconnus, les médias ! Il faisait une NDE...il déployait des trésors d'ingéniosité pour étoffer les scénarios qu'il tisserait, les arguments pour convaincre, en bon chrétien qu'il est, le reste du monde de ne plus craindre la mort pour ce qu'elle n'est pas, mais de craindre, dans l'acception chrétienne, c'est-à-dire d'aimer Dieu et son prochain, avant qu'il ne soit trop tard !

Tout ce délire le rassurait, lui-même, sur son sort, inconnu, et celui de sa grand-mère, qu'il aimait à sa manière. Cette dernière perdant peu à peu l'usage de la rationalité après avoir perdu la quasi capacité de se mouvoir toute seule.

Une mélodie réconfortante semblait résonner dans sa tête, dans son corps, s'il en avait encore disposé. Étaient-ce ses sens qui commençaient à se jouer de lui ? Pourtant Christophe des Messins jouissait bien de ce spectacle sonore, aussi, un brin amateur de symphonies baroques, françaises et italiennes, jamais il n'entendit une telle musique, mêlant tant de finesse, d'émotion et de virtuosité, elle se dressait comme un témoin, un gage inaliénable des vertus de la musicothérapie.

Il avait beau désormais regarder à 360°, il voyait tout...sauf la moindre partie de ses propres membres, son enveloppe charnelle, et il s'étonnait lui-même de ne pas s'en horrifier.

La buée céleste et diaphane qui jusqu'ici semblait l'escorter vers sa destination commençait à se parer d'un camaieu argenté, le tunnel prenait fin. Comme sorti d'une gueule de pierre, Christophe atterrit au milieu d'un paysage bucolique, il posa ce qui aurait été ses pieds sur un tapis d'émeraudes d'herbes fraîches. Son corps spectral semblait humer cet air délicieusement chlorophyllisé, lui remémorant ses vacances, préadolescent, chez ses cousins vivants dans le Morbihan.

Bien que personne ne lui ait intimé de suivre un quelconque chemin, il pressentait qu'il devait avancer, avancer encore. Longeant une rivère lapis-lazuli où se moirait mille reflets, sauf le sien, il distingua l'eau poissonneuse, c'était les premiers êtres vivants qu'il rencontrait.

Se retournant, il vit une immense citadelle, ses murs se hissaient environ à 35 mètres, son sommet était denté, la dentelle de pierres, déchirant l'azur, semblait courronner les cieux.

La mélodie d'un autre monde qui l'accompagnait jusqu'alors, se tut, pour laisser libre cours à un tonnerre de sirènes trompettantes.

Tout cet univers lui semblait être dédié, comme un nouvel Adam, ce monde vivant et semblant répondre à la moindre de ses attentes avant même qu'il ne prenne le temps d'une quelconque réflexion, cette Création semblait lui révéler que tout allait commencer maintenant, précisément au moment où toute sa société, sa famille et ses connaissances, le savait définitivement anéanti.

Le firmament devenu brusquement incandescent, une pluie de feux follets s'abattirent sur le sol devenu basaltique. L'ombre des bosquets se mettait en rangée martiale, la voûte séraphique passa du carmin au noir le plus opaque, grevée par une horde de yeux enflammés semblant suivre ardemment notre aventurier hasardeux.

Une brise étouffante emplissait l'espace, se faisant de plus en plus dense selon qu'on approchait de la citadelle. Les parois de celle-ci se confondaient maintenant dans le ciel. Une herse d'or fin se releva pour laisser pénétrer le futur pensionnaire. La cour était noyée sous une eau noirâtre, le lieu, toutefois, témoignait probablement d'un glorieux passé où l'or et la pourpre dominaient. Quelques mètres sur la droite, une pente, un large escalier semblait s'enfoncer dans les entrailles du bastion, même s'il savait que c'était son itinéraire, il tenta de revenir en arrière, espérant retrouver la quiétude champêtre de son arrivée, mais des murs invisibles le contraignait à ce seul sentier.

Les ténèbres étaient absolues, soudain des flambeaux ardents apparurent sur les parois purulentes. N'y voyant rien, Christophe s'approcha des torches, il nota qu'elles étaient composées de radius et d'humérus humains, il n'en comprenait pas le processus d'ignition. Sous la poussière des marches se devinait un marbre de carrare aux veines harmonieuses.

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