Indicible amour
J’avais heureusement gardé le lien avec mon ex-mari, ce qui me permit de voir Sandro une fois par semaine, en présence d’une assistance sociale. Comme si j’allais lui faire du mal. Si je voulais récupérer sa garde, il fallait que j’obtienne un nouveau poste, que je mène une vie rangée, exemplaire, que j’aménage mon nouvel appartement pour accueillir mon fils. Chaque jour, je démarchais les boutiques, les cafés, les associations afin de retrouver un emploi.
J’arpentais ainsi les rues de Carcassonne, chaussée de baskets, ce qui ne me plaisait pas particulièrement, mais il m’était impossible de marcher avec d’autres chaussures. Grâce à cette activité inopinée qui m’obligeait à me lever dès 8h00 pour ne revenir qu’à 17h00, je montrais ainsi ma volonté et ma détermination.
Par la même occasion, je fondis littéralement, je pesais désormais soixante kilos, poids que je n’avais jamais fait de ma vie. Je n’étais pas peu fière. Ma poitrine opulente perdit une taille, mes fesses se musclèrent, mais je restais la même, avec mes joues rondes et mes cuisses dodues. J’étais de forte corpulence depuis toujours et j’aimais tellement manger que les kilos reviendraient sans doute bientôt s’accumuler sur mon ventre. Qu’importe, je restais positive car mon caractère enjoué était mon atout.
Au foyer pour femmes seules, je rencontrai des femmes meurtries, battues, abandonnées, trahies. Chacune avait cette force que seules peuvent avoir les femmes, elles avançaient le plus souvent avec un seul but en tête, revoir leurs enfants.
Cette vie errante qui dura quelques mois m’apprit à me gérer, à m’organiser, à puiser en moi la force intérieure nécessaire sans jamais fléchir. Je croyais en ma bonne étoile.
Une bonne nouvelle arriva un jour. La responsable du foyer me tendit un papier sur lequel était inscrit une adresse : on y cherchait une réceptionniste. Je fis l’effort de me vêtir le plus correctement possible : pantalon noir, chemisier blanc et bottines grises. J’avais perdu l’habitude de me maquiller, mais ce jour-là, je pris soin de mettre du rouge à lèvres, du mascara sur mes cils et du fard à paupières. J’avais les traits moins tirés, mon allure dénotait une certaine élégance. Je devais obtenir ce poste, mon avenir en dépendait.
J’arrivai à destination à l’heure dite. Devant la vitrine, on pouvait admirer des sculptures en métal, toutes plus originales les unes que les autres. Une biographie sur papier glacé présentait l’artiste, Jean-Noël Rouguière.
Plongée dans ma contemplation, je ne vis pas l’homme qui s’était approché de moi.
— Voulez-vous plus de renseignements sur l’artiste ? N’hésitez pas !, me dit-il d’un ton enjoué.
— Sébastien !, m’exclamai-je.
— Claire ? Quelle joie de te revoir ! Que deviens-tu ?, me demanda-t-il, réellement surpris de me voir ici.
— Eh bien, justement, j’ai beaucoup de choses à te raconter ! J’ai rendez-vous pour le poste que tu proposes, enfin, c’est bien toi, n’est-ce pas ?
— Oui, tu vois, c’est ma nouvelle galerie ! J’ai besoin d’une personne pour accueillir les clients, répondre au téléphone et caler quelques rendez-vous. Tu veux faire un bout d’essai ?
— Avec plaisir.
— Entre, je te fais visiter.
Avec son élégance habituelle, Sébastien me fit faire le tour du propriétaire. Il y avait plus de sculptures que de tableaux. Deux artistes étaient actuellement exposés. Il fallait dynamiser l’exposition, changer de place les œuvres assez souvent, proposer des cocktails pour faire connaître l’artiste au plus grand nombre.
Je l’écoutais vaguement, sa voix me berçait, me ramenait au jour où nous avions uni nos corps de façon si sensuelle, j’en avais des papillons dans le ventre. Avait-il oublié ? Masquait-il son émotion de me revoir ?
Nous rentrâmes dans son bureau. Je m’assis face à lui, il me tendit le document qui me permettrait de commencer une période d’essai. Je signai, ravie. Pourvu que je convienne pour le poste !
Il prit une bouteille de champagne et deux verres dans un placard. Nous trinquâmes.
— À nos retrouvailles !, dit-il,joyeusement.
Il se leva, ferma les stores qui lui permettaient de ne pas être vu de l’extérieur et m’enlaça soudainement. Ses baisers fougueux me transportèrent. Il caressa mes seins sous mon chemisier, fit monter le désir, cette envie de lui que j’avais toujours. Comme si nous nous étions vus la veille, notre complicité fut à nouveau telle qu’il déboutonna immédiatement mon pantalon, que je fis glisser au sol. Ma culotte prestement ôtée, il lécha mon clitoris, maintenant fermement de ses deux mains mes fesses. J’étais plaquée contre le bureau. Il fit valser tous les dossiers qui s’éparpillèrent au sol. Il me pénétra sauvagement. Depuis combien de temps n’avait-il pas fait l’amour ?
— Ça fait tellement longtemps que j’attendais ce moment, me susurra-t-il.
— Moi aussi, répondis-je, entre deux coups de butoir.
Un avenir radieux se profilait. Sébastien était vraiment l’homme que j’espérais. J’avais eu raison de croire en ma bonne étoile.
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