Prologue
À trop chercher la merde, on a fini par la trouver. C’est ce qu’on pouvait trouver sur les réseaux sociaux et dans toutes les langues avant l’effondrement planétaire. On rigolait tous bien de cette épidémie et presque personne ne la prenait au sérieux. En même temps, comment au XXIème siècle, avoir peur d’un virus similaire à la gastro-entérite ?
Tout avait commencé un soir où pour une fois, je ne travaillais pas. Vautré dans mon fauteuil devant un écran plat, je jouais à un jeu dans un univers post-apocalypse. C’était sur le thème de ce qui allait suivre, même si je l’ignorais encore : ironique, n’est-ce pas ? Après trois bonnes heures intenses à fouiller des terres désolées et massacrer des brigands ou bestioles radioactives, je décidais de me couper un peu de la console pour une activité plus relaxante. Je migrais donc de la télévision à mon bureau et ordinateur pour me renseigner un peu sur l’actualité. Ma cousine balançait encore des statuts sur le fait que la vie est dure, mais qu’on en ressort plus fort. Mon père quant à lui, avait partagé une suite de publications pour dénigrer la politique ainsi que d’autres trucs un peu plus graveleux. Une série de photos de bébé par une personne que je ne me souvenais même pas connaitre et pourtant, qui faisait partie de mes amis. Bref, la routine sur internet.
C’est alors que je vis un article partagé par une tiers personne qui parlait d’une épidémie qui se répandait en Inde. L’origine serait une soirée mondaine où les invités auraient ingurgité des langoustes roses saupoudrées de piment. Le crustacé pourtant rare, était donc servit pour le plaisir de quelques riches mais après enquête, les conditions d’élevage et de transports de ces animaux laissaient amplement à désirer. Porteuses d’une maladie pourtant bénigne, elles infectèrent l’être humain en étant ingérer. D’abord passée pour une intoxication alimentaire, l’infection s’était rapidement répandu dans le pays, ne laissant plus de doute possible. Les symptômes étaient de fortes nausées, de la fièvre ainsi que la diarrhée. J’avoue, non sans honte à présent, que cet article m’avait beaucoup fait rire sur le moment et j’étais même persuadé que c’était une fake-news. Bon d’accord, tout avait véritablement commencé quelques semaines plus tôt mais c’était ce soir-là que j’étais pour la première fois confronté à la réalité. Et comme beaucoup, je m’étais caché derrière le déni, ne prenant bien évidemment pas cette affaire aux sérieux.
Dans le mois qui suivit, on entendait parler de cette épidémie un peu partout : à la télévision, à la radio et aussi sur internet. D’un côté, on avait quelques médias qui s’inquiétait un peu sur la tournure des événements, de l’autre, on nous disait qu’il n’y avait rien à craindre et que l’Europe ne serait pas touché. Certains commencèrent moins à rigoler quand des premiers cas furent dépister au Portugal puis en Angleterre. On avait aussi appris différentes choses sur ce virus qui avait eu largement le temps d’être baptisé CHIVIT-42. En plus des symptômes similaires à ceux de la gastro-entérite, il provoquait de douloureuse crampes intestinales une fois que l’infecté s’était entièrement vidé. Beaucoup de malades périrent de déshydratation ou d’insuffisance rénale pendant que les autres nécessitaient de soins intensifs et souffraient d’hyperphagie soit un besoin incontrôlable de manger afin de calmer les crampes intestinales.
Évidemment, le gouvernement nous invitait au calme et à prendre des mesures de précautions. On nous déconseillait les embrassades, les poignées de mains, d’être plus rigoureux sur l’hygiène aussi. On notera que je vis passer sur facebook, durant la même période, un article qui disait en moyenne combien de fois un homme prenait une douche dans la semaine ou encore tous les combien de temps, il changeait de slip. Coïncidence ? Je ne pense pas. Enfin ça m’avait beaucoup marqué car, travaillant de tournée en ce qu’on appelle le cinq-huit, j’étais à ce moment-là en repos. Soit trois jours à glander et… je confesse avoir passé ces trois jours en caleçon et peignoir chez moi sans me doucher ni changer de sous-vêtement. Ça soulignait aussi que l’être humain en général était un gros crade et que de ce fait, ça nous condamnait à attraper ce virus si on ne changeait pas rapidement nos habitudes.
Passons donc cette parenthèse pour reprendre à l’appel du gouvernement à garder notre calme. Une fois encore, l’Homme fit étalage de toute son intelligence en se ruant dans les grandes surfaces pour accaparer denrée alimentaire et papiers toilettes. On nous avait donc demandé d’éviter les regroupements, de garder notre sang-froid et… C’était pas gagné pour le coup. Rien ne s’arrangea lors du dépistage des premiers cas de CHIVIT-42 en France. La Bourgogne fut rapidement touchée et des mesures de confinement firent leurs apparitions, faisant disparaitre l’espoir des vendanges cette année. Les autorités interdirent les activités contenant plus de mille personnes, puis descendirent à cinq-cents jusqu’à demander aux artisans et commerces de fermer s’ils n’étaient pas vitaux. Moi, je bossais à l’usine et ce qu’on produisait n’avait rien de vital mais on ferme pas comme ça une entreprise de huit-cents personnes avec des installations électriques qu’on peut pas couper sans une grosse perte financière, du coup, j’allais quand même au boulot pendant que les autres se retrouvaient confinés chez eux. Normalement, seul le corps médical, les grandes surfaces et les routiers étaient encore autorisés à travailler et ceux qui comme moi, pouvaient pas faire autrement que d’y aller malgré tout. Oui, je dis normalement car comme les beaux jours revenaient, la plupart des gens assignés à résidence, ne trouvèrent rien de mieux à faire que de sortir pour profiter du soleil, que ce soit en allant au parc pour un pique-nique ou à des brocantes. Le gouvernement serra un peu plus la ceinture et distribua des amandes à ceux ne respectant pas le confinement. Des sanctions plus sévères furent aussi appliquées par des agents des forces de l’ordre un peu trop zélés : garde à vue, passage à tabac… parvenir à filmer un joggeur se faisant courser par un gendarme ou un militaire était devenu l’activité principal des gens confinés.
Je vais passer les détails, mais les semaines qui suivirent furent ennuyeuses, lentes et longues. Beaucoup de familles se disputèrent et se déchirèrent à cause de cet enfermement. D’autres couples s’en sortaient mieux en passant leur temps à copuler pour s’occuper, comme quoi certains avaient de la chance. Les anciens sortaient presque toujours autant pour faire leurs courses, ils se promenaient affublés de gants et couches alors qu’ils n’en avaient pas besoin : seuls ceux ayant des symptômes et donc le risque d’être contagieux devaient en porter. La paranoïa collective colportée par les réseaux sociaux n’aidèrent en rien, le stress et l’angoisse grandissaient chaque jour un peu plus. Enfin, c’est ce que beaucoup disaient. Je passais mon temps soit à jouer à la console ou alors j’allais bosser, comme si le confinement n’existait pas, quoique je ne voyais pas grand monde dehors et je me souviens regretter les fois où je croisais des jolies filles ou encore quand je discutais avec mon voisin, un sexagénaire très sympa et trop loquace qui me tenait bien souvent la jambe quand il me croisait dans l’entrée de notre immeuble, une de mes rares interactions sociales en dehors du travail. Je me demande ce qu’il est devenu ce brave vieil homme d’ailleurs…
Et comme il fallait s’y attendre, je suis tombé malade. Un collègue du boulot infecta une bonne partie de l’entreprise, tout ça car mon chef trouvait important de garder une bonne cohésion d’équipe et donc : de se serrer la main. On peut être chef et con, c’est pas incompatible apparemment. S’en était suivit plusieurs jours de diarrhée aigu, de vomissements, de vertiges et même d’hallucinations à cause de la fièvre et de la déshydrations. Vivant seul dans mon logement, j’étais destiné à mourir sans obtenir l’aide de quelqu’un et me faire dévorer par mon chat, et pourtant… alors que j’avais perdu connaissance en sortant des toilettes, j’avais aperçu une personne s’introduire dans mon appartement. Ma dernière pensée se résumait à un mitige de soulagement de voir quelqu’un et de dégout à l’idée qu’on me cambriole avant même que je crève…
J’ignore combien de temps a duré mon rétablissement, probablement plusieurs semaines, car à mon réveil, le monde avait complétement changé. Internet était muet, l’électricité n’était plus accessible partout et les grandes villes avaient été déserté. En simple : ce n’était par la guerre ou une arme nucléaire qui avait ravagé le monde mais… la diarrhée.
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