La Télévision

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« On regarde quoi ce soir ? »

Phrase quasi systématique, devenue aussi courante que « On mange quoi ce soir ? » ou autres phrases devenues si quotidiennes que l’on ne réagit plus à leur importance.

« On regarde quoi ce soir ? » Autre façon de dire que l’occupation principale de la soirée sera de trouver un film, une série, une émission, pour clore la journée de travail docilement et oisivement.

Finalement on renonce à d’autres activités que nos ancêtres considéraient comme essentielles à leur fin de journée, dans des emplois autrement plus difficiles que ceux qui occupent les nôtres.

On n’avait pas de télé, ou alors elle trônait sur un napperon ou dans une bibliothèque, et n’était allumée que pour des faits importants.

Sinon le soir nos ancêtres parlaient, dans le cercle familial ou entre voisins, amis, au bistrot ou ailleurs.

La télévision est née après-guerre, avec la naissance de l’ORTF.

Seuls les foyers aisés pouvaient accéder à ce petit carré qui diffusait informations et vie politique.

Désormais, avec le développement des systèmes d’informations et la popularisation de ce média, on trouve des téléviseurs partout, même dans les cafés ou restaurants, dans lesquels un dîner prévu en amoureux devient un fiasco en cas de match de foot… !

La télévision est devenue essentielle, favorisant une régression sociale et un abandon des valeurs refuges que sont la discussion, la lecture, l’art, les promenades, le sport…

On reste sur son canapé, prêt à regarder un film que l’on a déjà vu cent fois, ou une émission qui n’a pour but que de nous présenter des clichés ou des faits sans importance.

Le journal télévisé en est un exemple de haut-vol !

Entendre des reportages qui n’ont aucun fond, qui ne desservent que l’audimat, sous couvert de sensationnel…

Sans parler de l’insuffisance de culture de l’info des journalistes, qui évoquent avec panache et sérieux des faits divers burlesques et dont tout le monde se fout.

Le monde de l’information est devenu un immense dépotoir ou seul l’audimat et le sensationnel compte, sans retenue pour préserver la vie des gens et au détriment d’une information de qualité.

« Un chien a mordu une vieille dame » disait le sketch de Coluche sous les traits du présentateur Roger Gicquel. On est malheureusement en plein dans cette tragi-comédie !

Il complétait par « Vous vous rendez compte la vie de ces pauvres bêtes…Etre obligées de bouffer des vieux ! »

Ce sketch était le précurseur de l’image actuelle des informations télévisuelles.

On dit que regarder un journal télévisé économise la lecture d’un journal.

Evidemment, l’info condensée et en image ne peut valoir la documentation et les analyses de fond d’un quotidien qui va disséquer et expliquer les articles.

Désormais, et c’est un fait avéré, la télé va encore plus loin !

On peut facilement disposer de « Bouquets ».

Le bouquet c’est la diversification et l’anorexie mentale des téléspectateurs.

On paie 40 € par mois et on récupère 300 chaînes.

300 chaînes qu’on ne regardera jamais, mais l’offre est là, et les gens aiment ça.

C’est finalement la discussion du café « Tu as combien de chaînes ? » ; « 200 » ; « Oh c’est tout ? moi j’ai 300 chaînes ! »

On trouve de tout dans ces bouquets : des chaînes d’infos, comme BFM ou LCI, qui diffusent en boucle toute la journée les mêmes informations, en les répétant en plus sur leur bandeau en bas de l’écran… On devient fou au bout de 15 minutes.

On trouve aussi des chaînes de voyages, sûrement les plus intéressantes, qui proposent aux gens sans moyen la culture d’un pays, et ouvrent les portes de destinations lointaines et inaccessibles au budget moyen de la population.

Au moins on voyage, on s’évade du quotidien.

Ceci dit même ces chaînes ne renvoient pas 1/10ème du contenu que dévoilera le magazine « GEO » dans son reportage sur la Birmanie !

Ensuite viennent toutes les couvertures télévisuelles, tentant de toucher le plus grand nombre de gens, histoire de fournir une offre à la hauteur de l’abonnement payé par le smicard qui mange des patates mais à 300 chaînes à sa disposition, sur simple pression des touches de sa télécommande.

On a du sport, des séries, des programmes enfants, des reportages incroyables sur la police de Bayonne pendant les fêtes basques, ou sur la disparition de la mouche « Ting-Ting » au Vénézuela suite à la construction d’une centrale à charbon « écologique », mais qui a nécessité la déforestation de centaines d’hectares de forêts…

Pour les adultes on trouvera des chaînes sexy voire pornographique, utiles à la pratique du plaisir solitaire.

Bref ! trop d’offre tue l’offre !

On est loin du temps ou TF1, France 2 et FR3 tentaient de rivaliser en présentant « Columbo » ou « Commissaire Maigret ».

Mais finalement ce qui arrive à notre siècle ne réponds qu’à l’évolution de notre société.

La télé ne pouvait que suivre l’endoctrinement de la nouvelle génération pour la communication virtuelle.

Maintenant on regarde Netflix, on « matte » des séries, on est en quête de rassurant.

Une série c’est rassurant… petit format par la taille d’un épisode, on se rassure en se disant – même si on a expédié le repas, qu’on n’a pas parlé, qu’on a envoyé ses gosses au lit tôt - mais on a regardé que deux épisodes de 40 minutes.

On se couche tôt, tout en pensant avec envie à la suite du lendemain.

On devient accro de ses séries elles alimentent nos conversations au bureau « Quoi ? Tu n’as pas vu la Casa de Papel !? »

Finalement on se cache, on s’emmure, on pense s’évader au détriment de fuir la vraie vie, de fuir la connaissance, le savoir, les échanges, les câlins, l’écoute et la tendresse.

Une vie sans télé ? Impossible me dira-t-on.

On s’amuse, on rigole, on lui trouve des atouts.

C’est tellement simple de laisser ses enfants regarder en boucle Disney Channel, c’est tellement simple de briser un silence ou une tension en regardant des aventuriers manger des yeux d’autruche en se retenant de vomir.

C’est tellement parfait de regarder des décérébrés parler pour ne rien dire, jouant de leurs contrastes et de leurs différences culturelles pour déclencher des disputes, car untel a dit que la lune était un satellite, ou pire que Kevin avait mangé en cachette le dernier Liégois au chocolat !

Ça détend ! On va se coucher serein, gavés de conneries, en se disant que finalement, on est bien. On est intelligent, on est au-dessus de tout ça !

La télé a ce pouvoir.

La télé nous permet de se sentir occupés.

On finit par ne plus faire la différence avec la vie réelle, et on finit par se retrouver, un jour, en robe de chambre à chanter avec Nagui sur France 2.

Chacun verra en cette litanie son propre attachement et saura déterminer sa véritable position vis-à-vis de ce média.

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