Arthur

Quand Julia vient s'allonger contre moi et arrange la couverture de survie sur nous, mon cerveau dérangé ne peut s'empêcher de penser que ce n'est pas si désagréable que ça de se retrouver près d'une jolie femme comme elle. Je passe mon bras au-dessus de son épaule et elle se blottit contre moi en posant sa tête sur mon torse.

- Finalement, la guerre, ça a du bon, ne puis-je m'empêcher de lui dire en la serrant un peu plus fort contre moi.

- Ah oui ? Tu trouves ça plaisant une cave, un clébard qui nous observe bizarrement et des blessures ? T’es un peu bizarre, rit-elle.

- Ah excuse-moi, je ne suis qu'un mec et je me disais que ça faisait longtemps que je n'avais pas pu me coucher auprès d'une jolie femme. Je crois que le toutou m'envie mon infirmière en fait.

- Arrête de m’appeler comme ça, bougonne-t-elle. Je ne te fais pas mal, ça va ? Tu veux de l’eau ? Tu as besoin de quelque chose ?

Quand je vois comment mon corps réagit à sa proximité, je suis à deux doigts de lui dire que ce dont j'ai besoin, c'est d'un baiser ardent et passionné.

- Tu es vraiment un pervers de fantasmer sur l'infirmière alors que tu es blessé et que vous n'êtes pas encore sortis d'affaire.

Satanée petite voix qui m'empêche de profiter de l'instant. Pourquoi faut-il toujours que la raison me parle ainsi ? Ce serait tellement bien de continuer à fantasmer à une étreinte sans retenue avec la femme qui est dans mes bras.

- Femme qui est militaire et qui ne pense qu'à sa mission, contrairement à toi, gros pervers.

Il faut que je réponde à Julia plutôt que de me parler à moi-même, sinon elle va s'inquiéter.

- Je n'ai besoin de rien, ça va. Ta présence me réchauffe bien. Et toi, pas trop inconfortable ?

- Y a plus inconfortable, rit-elle en posant sa main sur mon torse. Je suis désolée de t’avoir embarqué là-dedans…

- Tu sais que tu n'aurais pas pu m'empêcher de venir ? On a quand même déjà réussi à sauver la famille qui vivait ici. Et là, grâce à notre sacrifice, on va aussi sauver ce petit chien en manque d'affection vu comment il passe son temps à nous lécher, rajouté-je en le repoussant à nouveau alors que le coquin s'était mis à passer sa langue sur les fesses de la militaire dans mes bras.

- Je déteste les chiens, je te l’ai dit ? Ils me font plus flipper qu’une excursion en terrain ennemi…

- Ne t'inquiète pas, je vais te protéger de lui mieux que Superman ne pourra jamais le faire, ris-je alors que je remarque son air consterné. Ça ne va pas ? Il y a un autre problème ?

- A part être coincé sous terre avec un gros pervers comme toi ? Tu en poses des questions connes, me chuchote ma petite voix, bien sûr que ça ne va pas !

- Non, non, je réfléchissais à ces documents… Il va falloir que j’en parle avec mon supérieur, ce sont des informations importantes.

- Il va réagir comment, tu crois ? Tu es vraiment obligée de lui en parler ?

- Je ne sais pas, soupire-t-elle. On parle d’une attaque sur une ville quand même, il y aura forcément des innocents pris entre les tirs, je déteste ça…

- Je pensais que vous ne faisiez pas de politique. Tu crois que vous avez les moyens d'intervenir ? Vous seriez assez nombreux pour protéger la ville ?

- Je ne suis pas payée pour penser politique, mais pour protéger les populations locales. Et là, clairement, on a les moyens de protéger des gens… Je ne sais pas, souffle-t-elle, je me vois mal dormir sur mes deux oreilles pendant qu’une attaque dont on a connaissance a lieu…

- Oui, je te comprends, mais si vous arrivez à protéger ce village, l'attaque aura lieu sur un autre village, rétorqué-je, un peu amer.

Je la sens se tendre un peu sous moi quand je lui indique cette possibilité à laquelle elle n'avait sûrement pas pensé. Ma main caresse sa nuque et j'essaie de lui communiquer un peu de réconfort pour l'aider à faire face à tous ces défis.

- Profiteur. Avoue que tu aimes ça, la serrer dans tes bras !

Je me tire intérieurement la langue et n'en continue pas moins mes petites caresses.

- Fait chier… J’en sais rien, et je déteste ne pas savoir quoi faire. J’en parlerai avec Snow au moins, peut-être qu’il pourra m’éclairer un peu aussi.

- Il y a beaucoup d'enjeux. Tu as raison d'en référer à tes supérieurs. A eux de prendre les décisions difficiles. Nous, on est juste là pour aider les populations autant qu'on peut. Tu l'aimes beaucoup Snow, n'est-ce pas ? demandé-je, curieux.

- C'est un peu mon troisième frère, oui, rit-elle contre moi. J'ai une confiance aveugle en lui, je sais ce qu'il vaut sur le terrain et dans la vie. J'ai de la chance de pouvoir compter sur lui.

- Tu es proche de ta famille ?

Je me rends compte que je veux tout savoir sur elle. Et vu qu'on n'a pas grand-chose d'autre à faire, c'est l'occasion rêvée pour la découvrir un peu.

- Plutôt oui, mais ils sont et ont toujours été hyper protecteurs, c'est un peu étouffant. Je suis l'aînée de la famille et j'ai souvent l'impression d'être la petite dernière qu'il faut protéger de tout. Bref, c'est fatiguant, surtout quand on est du genre débrouillarde et autonome. Et toi, alors ?

- Depuis la mort de mon père, il ne me reste que ma sœur et sa petite famille. Je suis assez proche d'elle, la disparition de notre mère quand on était petits nous a soudés. J'espère qu'elle ne s'inquiète pas trop pour moi. Que pourrait-il m'arriver pendant cette mission humanitaire ? Tout est calme et tranquille comme je lui dis dans chacun de mes mails ! rigolé-je doucement.

- Tu as bien raison de lui épargner les détails galères… Au moins, comme on parle peu de ce pays aux infos, ça ne va pas générer trop de stress. Je sais que ma mère, par exemple, passe des heures sur le net à chercher le moindre article sur le pays où je suis envoyée. Elle arrête de vivre chaque fois que je pars…

- Tu devrais la rassurer et lui dire qu'avec moi comme Superman, tu ne risques rien ! Tu fais juste attention à ne pas mentionner les snipers, les bombes, les maisons qui s'effondrent… Calme et tranquille comme je disais !

- Je crois que ça ne serait même pas suffisant, rit-elle. Mais je lui parlerai de Superman.

Je la sens qui se love un peu plus contre moi. Le temps semble s'être arrêté, même le chien s'est couché dans un coin et attend. J'ai beau tendre l'oreille, on n'entend pas un bruit. Un peu comme si l'effondrement nous avait réellement envoyés dans une dimension parallèle. Une dimension sans guerre. Une dimension où je pourrais profiter de la situation pour embrasser ma partenaire. Je ne sais pas si c'est le fait d'être encore en vie, le fait que je n'ai pas eu de relation depuis un moment, mais je me sens irrésistiblement attiré par Julia. J'ai envie de la serrer, de ne jamais la lâcher, de l'embrasser.

Tout à coup, un grand bruit retentit. J'ouvre les yeux alors que le chien aboie. Julia est tout de suite debout, en alerte. Le réveil est brutal et le retour à la réalité est difficile. Nous avons dû nous assoupir dans la pénombre ambiante et l'interruption de notre repos n'en est que plus saisissante.

- Il se passe quoi ? demandé-je sans bouger, ma jambe me faisant souffrir. Ils ne vont pas tout faire s'effondrer sur nous, j'espère !

- Ça bouge au-dessus, dit-elle en remettant son gilet pare-balle et en récupérant son arme. Espérons que ce soient les nôtres. Remets ton gilet, et mets-toi dans ce coin-là, plus à l’abri, tu veux ?

- Ok. Tu ne viens pas avec moi ? Trop peur du chien ?

Je me traîne un peu et me redresse contre le mur alors que le chien est effectivement venu se réfugier contre moi.

- Très drôle, Zrinkak. Je peux les canarder d’ici si ce n’est pas une visite amicale, et voir la tronche de Snow si c’est lui avant de tirer. Sors ton arme au cas où, mais ne me tire pas dans le derrière s’il te plaît, dit-elle en me faisant un clin d'œil.

- Je ne voudrais pas abîmer un de tes meilleurs arguments !

Je lui rends son clin d'œil et me tiens prêt à agir alors que l'attente continue. Vu le bruit, quelqu'un est clairement en train de dégager l'espace supérieur. J'espère vraiment que ce sont des soldats français.

- L’un de mes meilleurs arguments ? Sérieux ? Merci, j’ai l’impression d’être un bout de viande maintenant, bougonne-t-elle en pointant son arme en direction de la trappe.

- Tu leur signales notre présence en tapant sur la trappe ? Sinon, jamais ils ne vont la trouver, lui suggéré-je, tout en matant ses jolies courbes, amusé de sa réaction féministe malgré les circonstances.

- Bien sûr, autant leur donner notre position Arthur, très fûté ! Si c’est l’ennemi, c’est la pire idée possible.

- Ils vont bien finir par nous trouver de toute façon, autant accélérer les choses, me renfrogné-je en caressant distraitement le chien.

- Tu es si pressé que ça de mourir ? Parce que moi j’aimerais bien voir encore le soleil se coucher.

- Je suis pressé de sortir, en tous cas, mais tu as sûrement raison. Attendons que la trappe s’ouvre pour savoir à quelle sauce on va manger le bout de viande.

Julia me fusille du regard alors que des voix se font entendre en haut, à peine audibles. Nous restons silencieux quelques secondes, jusqu’à ce qu’un sourire se dessine sur les lèvres de la militaire.

- Français ! Snow, SNOW ! Sors-nous de là, bordel !

- J’avais bien dit qu’il fallait frapper sur la trappe, dis-je en souriant à mon tour.

Le bruit s’est arrêté et on entend maintenant des voix au-dessus de la trappe.

- Écartez-vous là dessous, on va devoir faire sauter la serrure. Tout est coincé, là ! crie un Snow visiblement rassuré de nous avoir entendus.

Julia, sans hésitation, s’écarte de l’endroit où elle attendait et vient se coller à moi dans le coin opposé. Elle enlace mon cou et me fait baisser la tête vers le mur dans une étreinte très rapprochée. Je ne peux m’empêcher de sursauter quand la petite explosion se fait entendre sur la trappe qui s’ouvre enfin, laissant entrer l’air extérieur et la poussière dégagée dans l’opération. Lorsque je relève la tête, je me retrouve nez à nez avec Julia et plonge mon regard heureux dans le sien.

- Calme et tranquille, cette mission, n’est-ce pas ?