46. Breakfast talk
Arthur
J’observe Julia s’éloigner de moi avec toujours la même envie de la prendre dans mes bras, de lui faire l’amour, je crois que j’ai déjà cette femme dans la peau. La petite robe rouge que je lui ai demandé de porter lui va à ravir. Elle est un peu courte et dévoile ses jolies jambes que j’’avais peu l’occasion d’admirer avant cette aventure dans le camp des rebelles. Lorsqu’elle monte l’escalier, j’admire son joli petit cul et me dis que j’ai bien de la chance d’avoir pu profiter de tout ça pendant la nuit et ce matin encore. Cela faisait très longtemps que je n’avais pas autant apprécié une nuit en charmante compagnie.
- Tu n’avais jamais autant joui, ne te mens pas. Ce que tu as vécu la nuit dernière était exceptionnel. Dommage pour toi que c’était juste un plan cul, une nuit de folies qui sera vite classée dans les bons souvenirs, sans plus.
C’est clair que c’était vraiment un moment un peu hors du temps qui m’a apporté plus de plaisir que j’aie jamais éprouvé avec aucune de mes partenaires. C’est un peu comme si mon corps était fait pour le sien, si nos désirs se coordonnaient dans un ballet inventé pour nous. Et tout ça va bientôt s’arrêter, elle a été claire là dessus. Pas de long terme, juste un peu de plaisir, mais comment des moments si intenses et si parfaits peuvent se résumer à un simple plan cul ?
Je soupire et finis de me préparer avant d’emprunter les escaliers. Je grimace un peu car les marches sont raides et dans les folies que nous avons faites, je n’ai pas ménagé ma jambe blessée qui me fait particulièrement souffrir ce matin.
- Ah ah, pauvre petit malheureux qui se plaint de sa jambe alors qu’il n’a pas hésité à appuyer dessus comme un malade juste pour le plaisir de faire jouir sa petite militaire !
Il faudrait vraiment que j’arrive à faire taire cette petite voix. Comme si j’avais besoin de ma conscience qui me rappelle toujours à l’ordre. Et pourquoi je n’ai pas la chance, comme Pinocchio, d’avoir un criquet qui me parle ? Ou mieux encore, une petite fée toute mignonne ? Quitte à se faire rappeler à l’ordre, autant que ce soit par un être agréable à regarder.
- Une petite fée mignonne ? Tu sais bien que ce n’est pas possible. Et puis, elle ne le sera jamais autant que Julia. Tu es déjà accro, tu le sais. Tu es dans la merde car le plan cul, ce n’est clairement pas suffisant, il faut que tu te l’avoues. Et que tu lui dises, non ?
Ah non, je ne peux pas lui dire. J’en meurs d’envie, c’est vrai, mais je dois me retenir, sinon je vais lui faire peur. Et là, clairement, on a d’autres soucis à gérer. Ce n’est pas parce que l’on a passé la nuit à batifoler au lit que le monde s’est arrêté et que tous les problèmes se sont magiquement réglés. La guerre fait toujours rage et c’est ma mère qui est à la tête d’une des factions de ce combat insensé. Ma mère. Maman. Je n’en reviens toujours pas qu’elle soit réellement revenue dans ma vie. D’ailleurs, il faut que je prévienne ma sœur. Elle ne va jamais me croire et je ne sais pas comment elle va vivre cette annonce, mais elle doit savoir. Je n’ai malheureusement aucun moyen de communication avec moi pour le faire immédiatement, mais dès que je mettrai la main sur un téléphone ou un ordinateur, je lui enverrai un message. Je me demande ce que je vais lui écrire… Salut. Maman est vivante. Bonne nouvelle, non ? Ah et au fait, elle est à la tête de la rébellion en Silvanie. Mais tout va bien, ne t’inquiète pas. Bisous. Ouais, c’est pas gagné non plus, ce message… Pas facile d’avoir une mère cheffe de guerre, quand même ! Pourquoi n’est-elle pas tout simplement concierge dans un appartement parisien du quinzième arrondissement ?
L’odeur du café m’accueille à l’entrée de la pièce où ma mère est assise, en face de Julia. A mon arrivée, les deux s’arrêtent de parler et me regardent avec un petit sourire qui ne me plaît pas beaucoup. Que sont-elles en train de manigancer ? Ou alors, c’est de moi qu’elles parlaient et je les dérange. Je les regarde d’un air soupçonneux.
- Bonjour Maman. Je ne dérange pas, au moins ?
- Bonjour Arthur. Non, non, je disais à Julia que j’ai l’impression que la nuit n’a pas été reposante, mais que ce n’était pas à cause de la qualité du lit !
Non, mais j’hallucine ou quoi. Ma mère est en train de parler de ma vie sexuelle avec la femme qui a partagé mes orgasmes cette nuit. Je rougis et préfère ne pas répondre. Je vais me servir en boitillant légèrement puis m’installe à table à côté de Julia qui me sourit avant de reprendre sa conversation avec Maman qui semble toute joyeuse devant le spectacle que nous lui offrons.
- Est-ce que vous auriez une carte du coin, Marina ? J’aimerais bien repérer les lieux et voir un peu où nous sommes, lui demande Julia en me jetant un coup d'œil.
- Julia, je ne sais pas jusqu’où je peux vous faire confiance, soupire ma mère. Cet endroit est secret. Personne ne sait exactement où je me trouve, et j’aimerais que ça reste ainsi. Même si je veux aussi vous aider.
- J’ai respecté ma part du marché, contrairement à vous, et c’est vous qui doutez de moi ? Elle est bonne, celle-là. Donc vous allez faire quoi, nous bander les yeux et nous ramener je ne sais où ? Vous m’avez foutue dans la merde, je vous signale, et votre fils aussi au passage. Si nous sommes soupçonnés d’être proches des rebelles, c’est la prison pour lui comme pour moi, bon sang !
- Je sais tout ça, Julia. C’est pour ça que je veux vous aider. Mais si je ne vous donne pas toutes les informations, cela vous aiderait peut-être à ne pas avoir à mentir quand on va vous interroger ? Parce qu’ils vont le faire, non ? Quoi que vous racontiez, vous allez devoir les convaincre, si les méthodes de l’armée n’ont pas changé.
- Nous aider ? En m’entourloupant encore, peut-être ? Pardon, mais mon niveau de confiance doit être encore moins élevé que le vôtre. Allez savoir pourquoi, soupire Julia.
Jusque là, je ne suis pas intervenu dans la discussion, ne sachant pas pour qui prendre parti. Je ne suis pas militaire ou combattant, moi, ces réalités me dépassent, mais j’ai l’habitude d’analyser des situations et de réfléchir aux meilleures solutions à adopter quand on est en difficulté. C’est une de mes qualités qui a justifié mon recrutement à Food Crisis.
- Julia, ma mère a raison. Moins on en sait, moins on aura à mentir en rentrant. Et si elle avait voulu nous entourlouper comme tu dis, je pense qu’elle s’y serait pris autrement. J’ai une idée, moi, pour notre libération.
- Elle m’a déjà entourloupée. Je devrais être au camp, là, bougonne-t-elle en me lançant un regard noir. Quelle est ton idée, alors, Monsieur l’humanitaire ?
- Si tu étais restée au camp, on n’aurait pas… commencé-je avant de m’arrêter car cela n’a rien à voir avec la situation.
Même si elle a apprécié la nuit, je me dis qu’elle aurait peut-être préféré ne jamais avoir à se retrouver prisonnière. Même avec moi. Ce n’était que du sexe, après tout. Je reprends sous le regard amusé de ma mère et celui plus agacé de Julia.
- Bref, mon idée c’est qu’il faut organiser notre transfert vers un autre camp rebelle, n’importe lequel, cela n’a pas d’importance, mais il faut surtout prévoir une halte dans une de vos caches. Avec deux gardes qui sont au courant et ne vont pas trop nous en empêcher, on profite de la nuit pour les mettre hors d’état de nuire. Et on finit notre évasion en indiquant à l’armée où est cette cache. Vous allez perdre quelques armes, un endroit ami pour vous, mais c’est un faible prix à payer pour assurer notre survie, non ?
- Eh bien, mon fils, je vois que tu as de l’imagination et un certain sens tactique. C’est intelligent. Mais pourquoi mettre mes hommes hors d’état de nuire ? Si je leur dis de vous laisser partir, ils le feront.
- Ben, ça fait plus réaliste, dis-je dans un sourire. James Bond ne part jamais sans mettre ses ennemis KO, continué-je, à fond dans mon délire d’agent secret.
Julia éclate de rire en m’entendant m’exprimer ainsi, bientôt rejointe par ma mère. Je les regarde tour à tour en faisant la moue. Elles ne me prennent visiblement pas au sérieux et je me renfrogne, attendant que l’une d'elles arrête de se moquer de moi.
- Soyons honnêtes, Marina, finit par intervenir la militaire après m’avoir souri, vos hommes sont incontrôlables. Luka n’en fait qu’à sa tête, sans parler des trois abrutis qui m’ont coincée en cellule. Pourquoi en serait-il autrement cette fois ?
- Je ne suis en effet pas à la tête d’une armée disciplinée, se résigne à avouer ma mère. Je n’ai rien contre l’idée de mon fils, mais je ne veux pas perdre des hommes pour vous libérer. J’en ai déjà perdu assez au fil des années. Luka n’est pas si incontrôlable que ça. Si je lui demande de vous déposer dans une des maisons de notre réseau, il le fera sans poser de questions. Vous inventerez la partie où vous échappez à la vigilance de vos supposés gardes et la maison sera vide quand vous reviendrez avec l’armée. Juste quelques armes pour valider votre histoire. Mais je ne peux pas faire plus. Julia, vous pensez que ça peut marcher ? C’est vous la militaire et l’experte de toutes ces histoires, pas mon rêveur de fils.
- Espérons que ça suffise… Nous aurons le temps de nous mettre d’accord avec James Bond pour la version à donner en cas d’interrogatoire. Les alentours seront fouillés sur au moins une dizaine de kilomètres, ne traînez pas dans les parages dans les jours qui suivent et tout devrait bien se passer.
- Et vous voulez partir quand ? demande ma mère en nous regardant tristement.
- Au plus vite, soupire Julia après m’avoir regardé. Si vous ne voulez pas perdre d’hommes en nous libérant, je ne veux pas que les miens prennent des risques en partant à notre recherche.
- Oui, vous avez raison, Julia. J'organise ça ce matin et vous pourrez partir après le repas ce midi. Si ça vous convient, bien sûr.
- James Bond ? Tu en penses quoi ?
J'ai envie de lui répondre que l'agent secret a envie de sa James Bond Girl mais je n'ose pas devant ma mère. J'essaie de maîtriser mes pulsions et réfléchis à ce qu'a proposé ma mère.
- Si vous pensez qu'il faut aller aussi vite que ça, je suis d'accord. Mais laissez-moi vous dire que vous êtes folles de faire confiance aux idées d'un espion en herbe comme moi !
- Il faut bien qu’on fasse quelque chose, sourit Julia. Tu commences à connaître Snow, il n’a pas hésité à nous sortir de cette cave alors que le village venait d’être bombardé. Je suis sûre qu’il prépare une expédition pour nous retrouver, s’il n’est pas déjà parti. Et puis, y a pire comme idée, 007.
- Ouais, Snow… Il est prêt à tout pour toi.
Je ne peux m'empêcher d'être un peu amer et jaloux dès qu'elle me parle de lui. Je note le regard de ma mère qui a l'air de lire en moi comme dans un livre ouvert.
- En tous cas, cet abominable homme des neiges n'est pas là et vous avez quartier libre ce matin. Je ne doute pas que vous saurez vous occuper. Moi, je vais voir avec mon fidèle José pour organiser la Grande Évasion. Ne m'en voulez pas si je fais passer le message que je vous libère parce que vous avez accepté de faire les espions. Mes troupes ne comprendraient pas que je vous ai laissés filer comme ça.
- Hum… Faites comme bon vous semble, mais ne comptez pas sur moi pour jouer l’espionne, Marina, lui répond Julia.
- Je sais, Lieutenant, j'ai bien cerné qui vous étiez. Profitez de cette matinée où vous êtes juste une femme qui a la chance d'avoir mon stupide fils amoureux. Vous aurez le temps de reprendre votre rôle et vos responsabilités une fois libérée, souligne ma mère en se levant.
Je manque de m'étrangler en l'entendant dire que je suis amoureux, mais cette remarque provoque un éclat de rire chez Julia auquel se joint ma mère devant mon air ahuri.
Je me lève et ramasse la vaisselle pour aller la nettoyer à l'évier du coin cuisine. Il me reste une matinée pour profiter de Julia. Après, la réalité va nous rattraper. Pourquoi ces moments de bonheur et de joie sont-ils toujours aussi courts ?
Annotations