Chapitre 4
J’attrape mes clés, enfile mon insigne autour du cou et range mon nouveau joujou dans son holster.
Je sors du bâtiment, il est désert.
Ils n’ont pas perdu de temps. C’est vraiment des branleurs ces flics, je me demande comment ils ont réussi à éradiquer le crime en ville.
- Excusez-moi, m’interpelle un type.
Je me retourne.
Un grand blond en costard cravate, recoiffe sa frange, me sourit. Derrière lui se tient un petit brun, un peu négligé, sweat à capuche, barbe de trois jours, avec une imposante caméra sur l’épaule.
C’est quoi encore ce bordel ?
- Vous êtes agent de police ? me demande le peigne-cul.
Je lui colle ma plaque sous le nez.
- Ben ça se voit, non ?! je lui balance, sûr de moi.
Le petit négligé, légèrement sceptique, fixe mes deux oreilles de lapin.
Mouais, ça saute peut-être pas aux yeux…
Je prends la pose, plisse les yeux, tortille ma bouche en me caressant le menton.
- En quoi puis-je vous aider ? je lui demande d’un air grave.
- Je me présente, Arthur Bling de la chaine info Canal 7 et voici Dario mon assistant. Nous avions rendez-vous avec l’un de vos collègues pour un reportage d’immersion mais apparemment on nous a posé un lapin.
Il est fier de sa blague ce con.
Il se mord les lèvres pour ne pas exploser de rire tout en filant des petits coups de coude au cameraman qui lui, reste impassible.
Voyant que sa blagounette ne fait pas l’unanimité, il reprend son sérieux, se racle la gorge et recoiffe sa mèche.
- Je me suis engagé sur ce reportage, les téléspectateurs en raffolent, accepteriez-vous de remplacer votre collègue et ainsi nous permettre de vous suivre durant votre journée ?
Ed est surexcité, je le sens faire des bonds dans mon sac à dos.
« Dis oui ! Dis oui ! Dis oui ! » qu’il marmonne à l’arrière.
- Bon ok, pourquoi pas, je dois juste régler avant un petit problème perso et je suis à vous.
- Pas de problème, on en profitera pour effectuer quelques réglages.
Bon, faudrait quand même que je me bouge le cul, Lucy est dans tous ses états.
Je rentre dans ma caisse de fonction, allume le contact.
Le voyant d’essence s’allume.
Les bâtards, ils auraient pu au moins me faire le plein.
Ça va, je dois avoir assez pour me rendre jusqu’à l’hosto.
Les deux gars montent sur leur scooter. Dario à l’arrière, commence à filmer.
Je fais rugir le moteur. Je leur gueule par la fenêtre.
« Action ! »
Je passe la première, accélère comme un dingue et disparais dans un nuage de fumée.
Je roule à bloc, j’ai perdu trop de temps. Je pénètre dans le centre-ville, je suis à 100 km/h.
Je m’en branle, aujourd’hui « La loi c’est moi ».
Merde ça ralentit. Fait chier.
Je freine, et me retrouve cul à cul dans un bouchon monstre. Ça me gonfle tout ce monde sur la route, à croire qu’il n’y a personne qui bosse !
Je mets des coups de klaxons. « Putain barrez-vous ! » J’ouvre la boîte à gant, sors mon gyrophare et le plaque sur le toit.
La sirène retentit, des voitures commencent à s’écarter. Je me faufile, c’est bon ça passe… ou presque, j’accroche une portière, une nana m’insulte. Je repars de plus belle et pile !
Trois petits connards de seize ans traversent devant moi en prenant leur temps. Ils n’ont peur de rien ces merdeux. Les trois me dévisagent.
Respire Lapin, fais pas le con, tu représentes l’ordre et la sécurité.
Je leur souris, retire mon gyrophare et éteins la sirène.
L’un d’eux crache par terre devant ma bagnole.
Tant pis pour eux.
J’ouvre mon sac, attrape Ed et le plaque à son tour sur le toit.
Il se met à hurler.
« Wwwwaaaaaaoooouuuu ! Wwwwaaaoooouuuuu ! »
Je démarre en trombe, les trois gosses se barrent en courant devant mon gyro-tête-de-l’enfer.
Je grimpe sur le trottoir, je suis au taquet, les gens sont effrayés et se jettent à terre.
Arthur me colle au cul, apparemment ravi de la tournure qu’a prise sa journée, me fait un pouce tandis que Dario tente tant bien que mal d’immortaliser ce moment.
Je roule pendant dix bonnes minutes.
J’ai peur pour Garret.
Je ne sais pas ce que Véro a dans la tête mais avec le coup de pute que je lui ai fait, ça ne promet rien de bon.
Va falloir faire preuve de diplomatie si on veut limiter la casse. Quand j’ai commencé à jouer au justicier, je pensais juste défoncer du délinquant de temps en temps. On a latté le mauvais gars au mauvais moment et puis tout s’est enchainé très vite.
Lucy en a pris plein la gueule. Elle a beaucoup perdu dans cette histoire et Garret est tout ce qui lui reste.
J’arrive devant l’hosto, me gare comme un connard en travers sur le parking. Pas le temps pour faire un créneau.
Arthur et Dario se posent un peu plus loin.
- Bon les gars, j’en ai pas pour longtemps, on se retrouve ici dans une heure ?
- Ça marche, pas de soucis, on va visionner un peu ce qu’on a déjà filmé, mais rien qu’avec ce que l’on a dans la boîte, on va casser la baraque ! se réjouit Arthur en se frottant les mains.
Je pose Ed sur mon épaule.
Les flics marchent toujours par deux. Je franchis la porte d’entrée et me retrouve dans l’immense hall.
« Police ! Que personne ne bouge ! » Hurle Ed tout fier.
L’hôtesse d’accueil pose son téléphone tandis qu’une dizaine d’internes stoppent net et reste figés en silence.
C’est pas tous les jours qu’on voit un gars costumé en lapin qui se prend pour un poulet.
Je peux comprendre…
Je lève les mains pour les rassurer et leur dis.
« Nous avons la situation en main ! Coopérez et tout se passera bien ! »
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