Fractures
Et la noirceur envahit mes amants maudits. Lorsque l'affliction surpasse l'affection, que les cœurs en chœur se déchaînent, mes garçons se meurent dans la terreur.
Entre les volutes de l'épaisse fumée, le murmure de leurs démons s'étend dans un adagio sanglant. Dans une valse, ils dansent, ils volent, mes enfants de l'Ombre. La brillance mortuaire des anneaux échangés, sous la flamme d'une bougie, elle scintille. À leurs annulaires resplendissent les ténèbres de leurs martyrs enfouis.
Et l'obscurité engloutit chaque souffle de vie. Mes chéris s'égarent, dans la détresse des sentiments ressentis. S'aimer ou saigner, il faut choisir. Pourquoi ne pas succomber à ces deux plaisirs ? Dans un courant d'air, ses ailes se dévoilent. L'envergure est immense, mon aigle royal. Dans une dernière note, la partition s'effrite, mon pianiste s'affole. Ont-ils, entre l'Enfer et l'Éden, le choix de l'éternel arrêt ? Lorsque passe le train des écorchés, mes artistes ensanglantés observent leur amour s'étioler.
Et la perfidie se répand, en hématomes sur leurs peaux d'albâtre. Quel drame, quelle infamie, disent-ils. Blasphème, n'y songez pas ! Leurs âmes s'entrechoquent, c'est ainsi qu'ils s'adorent. Unis dans la déraison, les époux périssent dans la dépression. Funeste matin, les liens se brisent lorsque cesse de battre le pouls de leurs délices. Entremêlés, leurs doigts s'accrochent à cet ultime supplice.
Et dans l'agonie s'effacent les réminiscences de leur vie. Mes condamnés s'aimeront jusqu'à dans l'au-delà. Devant l'autel, les vœux prononcés, ainsi se sont-il enchaînés.
" À la vie et dans l'oubli infini,
Mon âme te rejoindra où que tu iras.
Au cimetière, ma dépouille t'accompagnera,
Si tu péris, mon amour maudit, moi aussi. "
Dans la folie s'évanouit le son de leurs voix. Dites-moi, qui peut s'aimer autant que mes artistes incompris ?
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