Le Croassement du Corbeau (1/2)

2 minutes de lecture

Les cloches de l'église sonnent alors qu'à travers les arbres, une silhouette se dessine. Sur un tapis de verdure, l'ombre s'élance en une danse macabre. Tels les échos caverneux qui résonnent entre les parois d'une boite crânienne usée, les corbeaux sur une branche, croassent en signe de mauvais augure. Les regards noirs fixent un amas de chair. En lambeaux, un corps gît dans une flaque de boue.

En un sifflement du vent, l'odeur pestilentielle de l'être en décomposition s'élève dans la moiteur d'une épaisse brume. Le nez froncé, Soren secoue lentement la tête. Il ignore la raison qui l'a poussé à revenir sur les lieux du crime. Comme possédé par le besoin de le retrouver, ses pas l'ont traîné au centre de la forêt. Bien loin de la place du village où se déroule une fête animée, il respire enfin. Il n'a jamais apprécié les festivités, ni même les simples conversations emplies de mornes banalités. C'est dans l'obscurité qu'il a trouvé sa place, au cœur d'une tempête silencieuse qui calme les cris qui retentissent dans son esprit. Parfois, il s'étend sur le sol, observe le ciel noirci de mélancolie puis prie durant de longs moments. Il ne sait guère qui l'entend, qui le sent ou ressent la brutalité de sa détresse, cependant, il se met à nu face à l'inconnu et espère en quelques prières.

Il soupire, s'accroupit et pose une main sur les dépouilles. Ses doigts glissent sur les restes laissés par les charognes rassasiées et dans un hurlement strident, il répand sa peine.

Quelques-unes de ses mèches brunes effleurent sa nuque, un frisson le surprend puis son corps se tend. Un demi sourire éclot sur ses lèvres gercées lorsqu'il imagine les yeux rieurs de son ami braqués sur lui. S'il se concentre suffisamment, il parvient même à entendre le timbre moqueur de Priam lui répéter que ses cheveux sont devenus beaucoup trop longs. Pourtant voilà, cette scène, il ne la vivra désormais qu'à travers ses souvenirs puisque son partenaire n'est plus qu'un triste tas de chair qui pourri au milieu des vers.

Dans ses fantasmes les plus fous, il se visualise un couteau à la main ou une arme au poing. Il se voit s'acharner, transpirer, soupirer puis recommencer. Il le regarde saigner, pleurer, supplier puis réitérer.

Oui, dans la folie de son esprit, il se façonne suffisamment fort pour modifier le passé. Hélas, il n'est que ce lâche ayant assisté avec impuissance et terreur au meurtre sanglant de celui qui, même dans le silence, parvenait à combler sa solitude.

Annotations

Vous aimez lire Li nK olN ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0