Prologue - 1/3
C’est enfin la pause ! Je me précipite vers le buffet à la recherche d’un café apte à dissiper les brumes éparpillées par un orateur confus et soporifique. L’interpellation de mon prénom m’étonne, car je ne connais personne, a priori, à ce colloque. Je me retourne, interrogateur.
Une femme souriante, de mon âge, me fixe. Pas une belle femme, mais une de ces personnes qui vous aimante les yeux. Un visage espiègle avec un air familier qui ne m’évoque rien. Un malaise monte doucement. Cette fraction de seconde s’étire dans une éternité.
– Laure, me lance-t-elle. Tu te souviens ? Le lycée…
Mes synapses s’affolent, essayant de rabouter un indice de réminiscence.
– Laure, bien sûr ! Jamais je ne t’aurais reconnue. Tu étais tellement… et tu as l’air…
Je commence en m’empêtrant lamentablement. Je deviens ridicule.
– Oui, c’est normal, me réconforta-t-elle. J’ai un peu changé…
Elle enchaine :
– Je suis la prochaine intervenante. Il faut que j’y aille. On se retrouve après !
Son exposé me passe au-dessus de la tête. Je me trouve projeté dans ma jeunesse, avec des bouffées de souvenirs qui remontent par vagues, époque merveilleuse et tourmentée. De façon lancinante revient la question : j’avais connu une fille renfrognée, bloquée dans une souffrance incompréhensible et devant moi réapparait cette personne épanouie et resplendissante.
Le midi, nous échangeons rapidement les banalités habituelles sur notre travail respectif. Un sentiment trouble m’habite, mélange d’attirance, d’interrogation, agrémenté d’une angoisse aux racines confuses. À la clôture, elle m’agrippe et me retient.
– Il faut que nous nous revoyions ! J’aimerais passer un moment avec toi. Pour te raconter !
J’accepte. Rendez-vous est pris pour la semaine prochaine.
Je la retrouve, calée dans un profond fauteuil du bar d’un grand hôtel. Chaleur, confort, silence et discrétion en font le charme. À ma vue, elle se lève, comme éjectée de son siège, avec une élégance et un élan qui me font ouvrir les bras. Elle se blottit un court instant et me donne un baiser d’accueil sur la joue. Je suis touché par cet accueil si chaleureux.
Quelques banalités pour trouver nos positions, nos voix. Je suis attentif à ces moindres mouvements. Je ne peux m’empêcher de reprendre son interpellation de l’époque, quand nous essayions de la faire parler :
– Alors, Laure ?
– Je suis si heureuse de t’avoir retrouvé ! Tu as tellement compté pour moi à cette époque. Tu as été ma bouée de sauvetage !
Je n’avais jamais rien fait pour elle. J’ai oublié depuis longtemps les quelques mots que je lui avais exprimés. Je l’interroge et l’encourage des yeux. Elle me raconte sa vie, simplement, son absence de vie d’abord, sa résurrection ensuite.
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