3

4 minutes de lecture

La proposition de Fabrice me remuait profondément, entre mon envie de le faire avec un autre garçon et la culpabilité de le faire avec un autre garçon. Mon pantalon me serrait. Il fixait, en plus, cette bosse.

– Viens, tu en as envie. On va juste s’amuser. Tu n’es pas obligé.

Je me levais, sans le regarder, avec un petit signe de tête.

– Viens, je crois que je connais un endroit tranquille.

Je bafouillais, luttant contre la rougeur de la confusion qui montait. Finalement, avais-je vraiment envie de toucher un garçon, ou de me faire toucher ? Non, cela me répugnait. Je lisais sur son visage avenant de la gentillesse. Si je disais non, il ne me le redemanderait plus jamais, si je disais oui, je pourrais toujours dire non ensuite. Mon cerveau n’avait jamais été pris dans de tels tourbillons contradictoires. Je murmurais un petit oui, effrayé par ce que cela entrainait. Je le suivis, sans parler, tandis que la tension montait en moi, anxieux et désireux de ce que nous allions faire.

Par facilité, parce que ses gestes développent des sensations plus fortes que mes habitudes, je m’abandonne à cet instant. Je lui rends ce qu’il m’apporte, par politesse et pour aller au bout de l’expérience.

Nous nous rhabillions. J’ai honte de ce que je viens de faire. J’ai surtout honte du plaisir trouvé et encore plus de mon envie de recommencer, bientôt. Fabrice me regarde. Mes sentiments doivent se lire sur mon visage. Il me parle gentiment, m’aidant à sortir de mon malaise et de mes faux regrets.

Sans nous regarder, nous partons rejoindre nos camarades. Je suis perdu dans mes pensées. Au bout du dernier couloir sombre, il pousse la porte battante vers la lumière, me lance un clin d’œil dans un sourire, et part sans se soucier de moi.

Je m’adosse au mur. J’ai le cœur qui bat à deux cents à l’heure, j’ai les jambes molles, je suis en sueur. Je me laisse glisser à terre. Mon cerveau a disjoncté.

Le silence me ramène à la réalité. Je me redresse, je pousse la porte à mon tour. Plus personne ! Ils ont dû tous monter au réfectoire. Je cours. Ouf !, je rejoins les derniers retardataires. La table qui commençait à être ma table habituelle est complète. Je suis déboussolé. Je cherche une place des yeux. Non ! Pas ça ! Fabrice vient de lever un bras, me désignant une place libre à côté de lui. Je ne peux faire autrement que me glisser à côté de lui.

– Je t’ai gardé une place, j’avais vu que tu étais en retard.

– Merci, je lui murmure.

– Pour la place ou pour le reste ?

Aucun de nos camarades attablés ne fait attention à nous. Je deviens écarlate. Ça se voit quand on a touché un garçon ? La soupe arrive et c’est la bagarre habituelle de ces adolescents affamés. Je participe et oublie mon voisin. Presque, car j’évite soigneusement tout frôlement de ses vêtements.

Ce soir-là, j’ai attendu qu’il soit aux sanitaires pour me déshabiller. Le lendemain matin, il ne me quitta pas des yeux, me forçant à un spectacle que j’exécrais. Heureusement, il se tint loin de moi toute la journée. Je retrouvai le calme. Dans la soirée, quand Fabrice m’interrogea des yeux, je l’ignorai complètement. Le soir suivant, je le suivis.

Il en fut ainsi plusieurs soirs par semaine, écartelé entre mon désir de retrouver ces plaisirs partagés et ma gêne de les prendre avec un garçon. Nous ne parlions plus de ce sujet. Je voulais croire que je n’étais responsable de rien, demandeur de rien. Je ne voulais surtout pas m’avouer le plaisir de le savoir m’épiant, encore moins que je n’étais pas insensible à le regarder.

***

Malgré la discipline très sévère de ce lycée, ma vie s’organisait petit à petit. L’entrée en classe était un cérémonial à respecter scrupuleusement, avec rangement en ligne dans le couloir, entrée en classe, debout devant sa table en attendant l’ordre de s’asseoir. À la moindre inconduite, c’était un avertissement puis l’envoi dans le bureau du surveillant général. Certains déplacements devaient également se faire en rang. Il y avait toujours un surveillant, même dans le foyer. Rapidement, nous nous sommes habitués à ce contrôle permanent, l’oubliant ou l’ayant complètement intégré.

Dans la journée, c’était la vie de classe, avec le grand mélange filles-garçons, que je découvrais. Ce lycée mixte était une nouveauté et une expérience. Notre communauté d’internes s’agrémentait en classe des externes. Cela faisait beaucoup de monde, attroupé informellement. Je glissais d’un groupe à l’autre, recherchant des visages, des discussions, des ambiances. Ma préférence s’installa vite autour d’un petit noyau essentiellement féminin.

J’étais bon élève et mes comparses n’étaient pas parmi les plus mauvais. Comme nous aimions discuter de choses sérieuses, ce qui n’empêchait pas les rigolades, nous fûmes catalogués « intellos ».

Je me souviens surtout de Delphine, sous ses cheveux en bataille et ses lunettes. Nous nous cherchions dans les discussions, essayant d’avoir le dernier mot, d’asséner l’argument qui emporterait tout. Elle était demi-pensionnaire et les repas du midi nous trouvaient attablés ensemble. Quand elle tombait malade, ce qui lui arrivait souvent, je me trouvais désemparé, abandonné, triste.

Attiré et subjugué par son esprit, je tentais un jour un compliment sincère, mais osé. Le retour de bâton fut vif. Je découvris ainsi le féminisme et le machisme qui me furent expliqués au cours de longs débats. Nous étions en plein dans cette période de lutte et Delphine reprenait les arguments de sa mère, en pointe dans ces revendications. Décidément, les filles sont compliquées.

Elle était toujours associée avec son amie, Claire. Je bataillais avec Delphine, mais uniquement pour briller devant Claire, qui ne réagissait pas et semblait n’avoir d’yeux que pour son amie.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire gai motus ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0