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La richesse de mes relations avec Claire, Marianne et Camille soulignait l’extrême pauvreté de celle avec Charly. J’avais toujours autant besoin de lui, ne pouvant envisager de le voir loin de moi, de ne plus le sentir contre moi. Son silence me pesait maintenant, me transperçait. Plusieurs fois, j’avais tenté une question, une remarque. Chaque fois, il reposait son doigt ou le mien sur ma bouche avec une tendresse infinie qui me bloquait et me faisait sentir son impossibilité de parler.

Souffrant trop, avant sa réaction habituelle, je pus un jour exprimer mon désarroi, ma peur de le perdre par son mutisme.

– Oui, je sais. Ne m’en veux pas. Aide-moi. Bientôt, je te dirai.

Cela faisait presque une année que je partageais son intimité sans rien partager avec lui.

***

L’année se terminait. J’étais heureux avec mes amis. Le baiser avec Marianne n’avait pas eu de suivant ou entrainé de gestes particuliers de tendresse. Nous avions posé un jalon. Nous savions maintenant l’importance de l’autre et nous nous regardions différemment, y trouvant une chaleur rassurante.

***

Chaque fin d’année, selon la tradition, il y avait un grand bal organisé dans ce lycée. J’avais évité celui de l’an passé, n’ayant rien à trouver dans ce type de réjouissances. Cette année, notre trio décida d’y participer.

Le grand soir, je fus émerveillé quand j’aperçus Marianne, très élégante dans sa robe rouge sombre. Malgré sa petite taille, elle avait une classe et une allure évidente, tranchant de sa réserve accoutumée. Nous attendions l’ouverture et surtout Camille. J’attrapais la main de Marianne quand il arriva, magnifique, grandiose, dans une robe bleue légèrement décolletée, des chaussures à talon avec un maquillage et une coiffure très subtils. Il était beau, non : elle était belle, séduisante. Je n’avais jamais vraiment fait attention à ses traits. Il, elle, était très fin de visage, avec ses beaux yeux noisette. Avec Marianne, nous étions en pleine admiration alors qu’elle avançait vers nous dans un sourire rayonnant, resplendissant. Tous les regards maintenant étaient tournés vers elle. À ce moment, j’entendis : « C’est quoi ce cirque ? ». Mon bras se levait pour fracasser cet imbécile quand il fut retenu. Je me tournais pour me défaire et rencontrais les yeux rieurs de Camille me faisant un petit signe en me libérant le bras. Je laissais tomber pour voir Camille prendre une chaise, monter dessus et dire :

– Oui, c’est moi, Camille, votre camarade un peu spécial. Je voulais vous dire ma particularité. Je ne suis pas un garçon, je ne suis pas une fille, je suis autrement. Ni l’un ni l’autre, neutre. Je suis un neutre et je peux m’habiller en fille ou en garçon, c’est sans importance pour moi. Je voulais que vous le sachiez, c’est tout.

Un moment de silence suit. Puis il reprend :

– Si j’ai eu la force de vous le dire ce soir, c’est parce qu’on m’a aidé, c’est grâce à…

Je le tirais par la manche, lui disant qu’il allait dire des conneries. Marianne détourna l’attention en criant :

– Camille, tu es le plus beau, tu es la plus belle, tu es le plus courageux !

Tout le monde d’applaudir. Je perçus quelques grincheux qui voulaient ouvrir la bouche. Je coupais :

– Si cela dérange certains, ils me trouveront !

Aussitôt suivi d’un :

– Ils NOUS trouveront !

J’étais fier de mes potes qui nous entouraient.

La musique démarra. Je demandais pardon à Marianne, pris Camille par la main et nous ouvrîmes le bal, sous les acclamations. Notre amitié était évidente et connue depuis longtemps, mais je voulais la montrer, l’afficher, l’affirmer. Quand la piste fut pleine de danseurs, Camille posa sa tête sur mon épaule, et me susurra des mots de gratitudes. Je lui répondis par mon admiration de son courage, de cet affichage, génial, en fille et de sa particularité. Quelle force ! Que j’étais heureux d’avoir un ami comme lui ! Il était toujours appuyé sur moi et nous avons fini la danse enlacés.

En sortant de la piste, il s’avançait vers Marianne pour l’inviter. Je le devançais en lui lançant :

– Même pas dans tes rêves !

Puis j’entrainais Marianne dans un rock endiablé, étonné par sa maitrise de la danse. Ce n’est que plus tard, lors des slows, que nous pûmes échanger sur notre ami, contents et fiers de lui. Après un silence, nos deux têtes collées, je lui dis la tendresse spéciale que j’avais pour elle, combien je tenais à elle, petite chose discrète, mais tellement forte, accueillante. Elle me dit son attirance immédiate pour moi, qui s’était transformée en un amour qu’elle sait difficile et qu’elle ne veut pas m’imposer. J’effleurais ses lèvres à la fin de la danse, elle s’accrocha et je la laissais faire avec délectation. Nous avions quelque chose à vivre ensemble, mais nous étions désemparés. Nous sentions que nous étions faits l’un pour l’autre, mais que des difficultés énormes nous attendaient.

Une longue danse avec Claire me confirmait notre relation affectueuse. Cette soirée fut une des plus belles de ma vie. J’en oubliais même l’absence de Charly.

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