Ma vie avec Charly - 2/2
Je tenais Camille au courant de ces évolutions. Iel se réjouissait pour moi, avant de prendre un ton sérieux pour me demander : « Et Marianne ? ». Eugénie m’avait posé la même question et j’avais réfléchi. Marianne, iel le savait, c’était mon autre grand amour, avec Charly et lui. La blesser m’aurait été odieux et je voulais la conserver dans mon cœur avec le même rayonnement. Savait-iel, ce que Marianne espérait de moi ? Bien sûr, ils en avaient parlé. Marianne m’aimait, totalement, absolument. Elle attendait que je me déclare, que nous commencions une vie commune. Camille était au milieu, aimant l’une et l’autre, protégeant l’un et l’autre. Iel assurait son rôle avec importance. Comme iel me le dira, ce n’était ni pour Marianne ni pour moi, mais pour iel. Camille tenait à nous deux et voulait conserver le petit triangle du centre de sa vie. Son égoïsme lui fit trouver la voie du bonheur pour nous trois. Camille allait préparer Marianne à cette nouvelle, après m’avoir averti que c’était à moi de lui dire en face. Aux vacances suivantes, nous nous revoyions. J’hésitais, car voir Marianne accélérait mon cœur. Elle était vraiment la femme de ma vie. Lui annoncer que j’avais fait un autre choix était impossible. Était-ce vraiment le bon choix ? Pourquoi fallait-il choisir et désigner celui ou celle que l’on aime le plus ?
Nous nous sommes retrouvés au café et Camille prétexta un rendez-vous pour s’éclipser, sans m’avoir prévenu. Je n’étais pas préparé. S’iel nous quittait, c’est que nous étions prêts, tous les deux. C’était l’instant du choix de ma vie future. J’invitai Marianne à une promenade au Palais Royal, lieu calme et peu fréquenté. En marchant, je dis à Marianne ce qu’elle représentait pour moi, mon attachement. Elle me retourna des sentiments semblables. Elle commença avec une taquinerie :
– Sylvain, tu sais que l’on peut lire sur ton visage ce que tu veux dire. C’est écrit plus gros que dans un livre ouvert.
– Tu sais ce que je vais te dire ?
– Non, mais tu as quelque chose d’important à me dire, quelque chose qui nous concerne tous les deux.
– Oui, je dois te dire que je veux te rendre heureuse.
– Et… ou, Mais…
– Mais…
– Mais tu ne veux pas faire ta vie avec moi. C’est cela ?
– Non… Oui… Je pense que je ne suis pas fait pour toi. Tu seras malheureuse avec moi, tôt ou tard. Je ne suis pas assez clair sur mes gouts, mes orientations. Je suis comme ça. Je ne peux pas avoir une vie rangée.
– Tu sais qu’une femme ne tombe pas amoureuse d’un homme, mais du père de ses enfants. Mes enfants, je voudrais qu’ils soient de toi. Je veux regarder grandir des petits Sylvain.
– Marianne, ce n’est pas possible.
– Depuis que nous nous sommes rencontrés, je sais que tu n’es pas le bon choix pour moi, que cela tournera mal et que ce sera dur pour moi. Tes gouts, tes orientations, tu n’y peux rien, mais mon amour pour toi, je n’y peux rien !
– Mais notre amour n’est pas concerné. Je tiens trop à toi, je veux te garder dans mon cœur, avec la même force. Seulement, nous ne vivrons pas ensemble, tes enfants ne seront pas de moi. Je les adore déjà ! Je serai leur parrain, à tous !
– Sylvain, n’en rajoute pas. C’est dur ce que tu me dis là. Je t’aime, mais je t’en veux. C’est toi, l’homme de ma vie.
– Sur les milliards d’hommes sur terre, il doit y en avoir la moitié qui vaut mieux que moi. Tu sais, j’ai traité Arnaud dans ma tête de tous les noms et de tous les qualificatifs possibles. Mais je suis sûr que c’était quelqu’un de bien. Je m’en veux. J’ai été jaloux.
– Arnaud est quelqu’un de bien, mais ce n’est pas l’homme de ma vie.
– Marianne…
– Oui, j’ai entendu. La blessure est profonde, je vais pleurer, m’effondrer. Laisse-moi maintenant. Je te garde dans mon cœur, mais il faut que ça passe. Et ça fait mal.
– Je peux te consoler, t’embrasser ?
– Non, pars maintenant, s’il te plait.
Le cœur au bord des lèvres je la quittais. En sortant des jardins, je croisais Camille. Il nous avait suivis. D’une voix cassée, sur une interrogation de ses yeux, je lui dis :
– Va la consoler, elle a besoin d’un ami, d’un vrai !
– Ne t’en fais pas, j’assure le service après-vente. Toi, ça va aller ?
– Bof, je ne me suis jamais senti aussi merdeux.
– Va, mon ami !
J’étais loin de Charly, d’Eugénie, loin de chez moi. J’errai, le nez sur mes chaussures. Soudain, une illumination : Claire. Elle était à Paris, peut-être que… La revoir fut un plaisir. Nous avons retrouvé immédiatement notre complicité. Quand elle vit ma tête, elle comprit que c’était un appel au secours. Je lui défilai toute ma vie depuis la dernière fois que nous nous étions vus, avec la conclusion de ce jour.
– Tu restes fidèle à tes amours de lycée, tu restes fidèle à tes liens affectifs, c’est super !
– Tu trouves ? Pour les malmener ?
– Tu as été franc, c’est la meilleure solution. Marianne est une fille bien, elle va surmonter et tu vas la retrouver, de façon différente, mais vous allez construire autre chose.
– Mais elle, va-t-elle trouver un mec valable qui l’aimera autant que moi ?
– Mais oui, laisse le temps agir. Le plus incroyable là-dedans est le changement de Charly. Raconte-moi !
***
L’avenir se déroula comme elle l’avait prédi. Marianne reste mon amour. Elle a rencontré Florian. J’aime Florian qui prend soin de Marianne. Ils ont deux enfants, dont je suis le parrain.
Camille vit avec Swann, ils se connaissent depuis la fac. Swann est encore plus craquant que Camille. J'envie son petit nez, son fin menton en triangle. Un jour que Charly cherchait un cadeau, sans réfléchir, je lui demandais de me payer une chirurgie esthétique. Il refusa, me trouvant fort à son gout. J’insistais, il accepta. Je montrais une photo de Swann au chirurgien. Il m’interrogea longuement, car cela faisait très féminin. Le changement fut une réussite et, après un moment de confusion, tout le monde s'accorda à me trouver embelli. Personne ne connait mon inspiration.
***
Je partage la vie de Charly, entièrement. Il me dit que, dès sa majorité, il avait rencontré le cabinet qui gère sa fortune, ce que faisait son grand-père auparavant. Trop grande pour lui. Il a acheté un magnifique et immense appartement à Paris. Je supporte son bordel, d’autant qu’il paye plusieurs personnes pour le gérer. Moi, je travaille, ne voulant ni être oisif ni dépendre de lui. J’accepte cependant les vacances grandioses qu’il nous offre. J’apprends la vie de palaces, la vie de riche, tellement facile. Je lui demande alors des choses plus simples. Il s’en fiche, du moment que je suis heureux avec lui.
Lui s’occupe de ses affaires et passe son temps dans les associations qu’il soutient largement, toutes des associations d’aide aux victimes des trafics divers, à l’origine de sa fortune.
Ma vie est infernale avec lui. Il continue son travail sur lui. Il est réconcilié avec sa mère, il l’a pleurée longtemps dans mes bras. Sa petite sœur, il en a retrouvé l’amour du grand frère. Là encore, beaucoup de larmes ont été nécessaires pour accepter. Le plus dur reste son père, avec cette ambivalence d’amour reçu, de chaleur, de modèle, et cette brute sans cœur, responsable du drame. Il attaque, il se prend des coups, mais il finira par terrasser le monstre.
Il replonge régulièrement dans ses comportements insupportables. Je me retiens, puis j’éclate. Je me réfugie chez Camille et Swann ou chez Marianne, pleurer contre ce monstre sans âme. Puis, une fois la crise passée, il me manque tellement que je recours vers lui. Nous nous expliquons, nous promettant de ne plus nous faire du mal. Jusqu’à la crise suivante. Heureusement, leur fréquence baisse, lentement, mais elle baisse !
Je ne comprends toujours pas pourquoi ce garçon, cet homme, m’est indispensable. Je ne sais pas ce qui m’attire chez lui. Je travaille beaucoup sur moi pour découvrir la cause de cette soudure.
Nous sommes collés, inséparables, puis il a une tocade pour un petit minet un soir. De mon côté, pour me détendre, je dois avouer quelques aventures, bien que ma détente préférée soit entre Camille et Swann, mes deux anges.
Ma vie avec Charly s'éloigne doucement et de plus en plus souvent maintenant, je passe mes journées avec Vincent et mes nuits avec Leng.
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