Le Monde Oublié
Ses poumons la brûlaient, elle sentait leur chaleur irraider son corps entier. Et pourtant la jeune fille avait froid. Tout à coup, une bouffée d'air l'emplit. Elle manqua de s'étouffer, et une violente quinte de toux fit sortir l'eau qu'elle avait avalée. Wëena était trempée de la tête au pieds, et elle était couchée sur le sol mousseux d'une forêt. Cette position lui rappela la simulation. Elle chassa très vite cette pensée de son esprit, les souvenirs étant encore douloureux. Elle se reconcentra sur d'autres sensations. Son corps fin tremblait, transi de froid. L'automne avait déjà rattrapé cette forêt, à en juger les feuilles sur le sol. Sa vague de froid aussi avait envahi l'espace. Vague... comme celle qui l'avait conduite ici. Wëena ne se souvenait pas du visage de son mystérieux sauveteur, mais elle pouvait encore entendre un autre homme murmurer son nom. Syno... L'homme en blanc qui d'un seul mouvement de bras avait pu la transporter dans un monde meilleur. Mais dans ce monde elle était seule. Comme si elle se trouvait hors du temps. Ou comme si le reste du Centerre l'avait oublié. C'était ça. Elle était allongée sur le sol du Monde Oublié.
-Étrangère ! Étrangère !
La jeune fille se redressa, surprise par le bruit. Assise sur une branche, une fille au longs cheveux blancs hurlait à pleins poumons. Elle était de petite taille, et pourtant quelque chose la rendait imposante, presque effrayante.
- Étrangère ! Étrangère !
- Ça va... lui dit Wëena, je ne bougerait pas, promis.
- Et comment je peux en être sûre ? Et puis, qui est-tu d'abord ?
Wëena eut temps de réflexion. C'est vrai ça, qui était-elle ? Durant la simulation, elle avait tout oublié : son nom, son âge, sa famille, et même l'endroit d'où elle venait. Dans cet univers où ils l'avaient mise, elle n'était rien. Plus rien. Elle le murmura sans le vouloir :
- Je ne suis rien.
La jeune fille aux cheveux blancs eut un rire nerveux.
- Alors là, si tu penses qu'avec ça je vais te faire confiance...
Cette réflexion sur son identité l'avait placé dans un état pensif, elle était maintenant comme déconnectée de la réalité. Si l'instant d'avant elle avait paru docile, là elle était complètement vulnérable. La petite fille aurait pu profiter de cette vulnérabilité, mais elle la laissa continuer.
- La vague m'a amené ici... Il m'a sauvé... Blanc... tout blanc...
C'est alors que l'inconnue comprit :
- Alors tu es comme nous tous ? Pourquoi tu ne l'a pas dit plus tôt ! s'exclama la demoiselle.
Elle se calma instantanément et tendit sa main.
- Je m'appelle Isadora.
- ...
- T'en fais pas, on trouvera ton nom plus tard. Viens, je vais te montrer l'arche.
Elle entraîna l'étrangère par la main, oubliant toute la méfiance qu'elle avait envers elle.
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