SOPHIE

Clarence et moi marchâmes jusqu'à un petit étang. Mes yeux s'écarquillèrent.

« Le voici, m'informa-t-il. Notre moyen de transport.

— Euh... excuse-moi, mais je ne vois rien, le contredis-je.

— C'est pourtant bien visible, répondit-il, contrarié. Il n'y a que ça.

— Euh... il n'y a que de l'eau, hésitai-je. Un lac. C'est tout !

— Eh bien justement ! Nous utilisons toujours les lacs pour nous téléporter vers d'autres mondes. C'est très pratique ! »

Je ne savais pas quoi répondre. Je n'aurais jamais dû le suivre. Il allait me noyer. Il voulait ma mort. Je savais depuis le début que quelque chose ne tournait pas rond. Tout ce qu'il m'avait montré avait pourtant presque l'air réaliste...

« Tiens. Prends ma main. A trois, on saute. Un... Deux...

— NON !!! criai-je en retirant ma main. Crois-tu vraiment que je veux sauter dans un lac ? Au risque de me noyer ? Surtout si tu me tiens la main ! Je ne pourrai pas remonter à la surface si tu m'entraîne vers le fond ! Et je ne sais pas nager.

— Tu n'as pas besoin. Je te promets que je ne veux pas te faire de mal.

— Je ne te connais pas ! Comment veux-tu que je te fasse confiance ?

— O.K., dit-il en réfléchissant. J'ai une idée. Et puis tu seras obligée de me croire, après.

— J'écoute ? dis-je, incertaine.

— Je vais ouvrir un passage dans l'eau. Il faudra que je te prenne la main à la fin, quand même. Après, je refermerai l'eau derrière nous. On remontera à la surface, et on sera arrivé ! »

J'acquiesçai. Je n'étais pas tout à fait sûre de ce qui allait se passer, mais j'acceptai.

Il ouvrit le passage et nous avançâmes jusqu'au centre de l'étang.

« Donc. Prends ma main. A trois je referme le passage et on remonte à la surface. Un... Deux...

— Attends. Ma montre va prendre l'eau et cessera de fonctionner.

— Non. Ne t'inquiète pas, me répondit-il un ton d'agacement dans sa voix. Tu ressortiras sèche. Un... Deux...

— J'ai hâte de voir ça.

— Laisse-moi finir !

— O.K. ! C'est bon !

— Un... Deux... Trois ! »

L'eau se referma, et quelques secondes plus tard, nous sortîmes. En effet, je n'étais pas mouillée. L'eau avait formé une sorte de vortex à l'envers, nous aspirant vers la surface, nous projetant sur l'herbe.

Et nous étions arrivés...

« Exactement au même endroit ! m'exclamai-je. Je savais que ce n'était que de simples tours.

— Comment ça ? Déjà, demande à n'importe quelle personne de ton monde de faire ce que je viens de faire et nous verrons le résultat ! Ensuite, euh... Tu veux bien qu'on recommence ? J'ai dû me tromper quelque part.

— Oui, ça c'est sûr.

— S'il te plaît, me supplia-t-il.

— Juste une fois, après laquelle je retourne chez moi pour m'occuper d'Emelyne, et ne plus jamais te revoir.

— Sauf si j'y arrive, insista-t-il.

— Sauf si tu y arrives, confirmai-je. »

Il recommença son protocole, mais cette fois-ci, le vortex nous expulsa sur une surface rocheuse. Je failli lui faire remarquer que nous n'avions pas changé d'endroit (même si la place n'était plus la même), mais me retins à temps, étonnée. Le lac avait grandi, la forêt s'était resserrée autour du lac... Le paysage s'était métamorphosé, il était devenu magnifique.

Je me rendis soudain compte que nous étions au milieu du lac.

« Comment vais-je arriver au bord sans me mouiller comme tu me l'avais promis ?

— Mais... Tu n'as toujours rien remarqué ? me demanda-t-il, sceptique. »