Chapitre 2 - Azelie
Je souriais en regardant les deux redresser la tête avec surprise. Ils étaient vraiment pas croyables ! On les laissait seuls, on pouvait être sûr de revenir et de les trouver plongés dans leur monde. Même à presque dix-neuf heures. Dire que je devais veiller à ce que ma copine mange ! C’était dingue ça ! Des vrais accrocs à leur passion. Avec un petit grondement amusé j’aidai ma copine à ranger ses bouquins. Mais elle en avait pris combien de kilos ?! Je passai mon bras autour des épaules de Cathleen et la tirai à moi pour l’embrasser alors qu’elle essayait d’enfiler son manteau. William sourit et passa une main dans ses cheveux longs avant de nous suivre quand j’entraîne ma copine dehors.
« Héla ! Doucement s’il te plaît Azelie !
- Ah non ! On va être à la bourre ! Yasmine et Anna sont déjà au studio alors on bouge ses petites fesses ! Ça vaut aussi pour toi William ! »
Il répondit en levant les yeux au ciel en souriant. Le sale gosse quoi ! Cathleen finit par m’attraper la main en restant malgré tout près de moi. William n’essayait même pas, il avait intérêt pour ses fesses, de se glisser entre nous. Pour rire il l’avait fait une fois, pas deux ! Je ne l’avais pas frappé, fallait pas déconner ! Avec ses deux mètres et sa carrure d’ours je m’y risquerais pas. Puis bon… connaissant son histoire… Nan mais avec Cath on s’était regardé avant de lui faire un double bisous sur les joues. Surpris, il avait fait un bond en arrière et devenant écarlate. Il était timide cet ours ! Mais ce n’était pas pour ça que je le laissai sur le côté, nan ! On est pote donc même si j’étais parfois collée à ma copine, rien qu’un peu, je pouvais discuter avec les autres. Mais c’était vrai que j’avais du mal à ne pas rester contre elle.
En arrivant au studio, on entendait déjà Yasmine et Anna jouer en discutant. Je poussai avec force la porte ainsi que les deux autres. Les deux s’arrêtèrent ensemble et sifflèrent gentiment en voyant les deux nouveaux arrivants.
« J’vous les ai ramenés ! Sont bien vivants !
- Cool ! On peut savoir les chansons que vous avez en stock Will ?
- Nan. »
William s’approcha pour soulever Anna dans ses bras et enfouir son visage dans son cou. C’était peut-être habituel, mais à chaque fois je trouvais ça touchant, la manière dont il avait de la regarder. Je sentis le nez de Cathleen contre ma joue, mais elle s’arrêta vite ne voulant pas laisser Yasmine en dehors de tout ça. Je grondai un peu.
« Bon ! Si l’ours veut bien lâcher son p’tit pot de miel ! On va pouvoir commencer cette répet oui ou merde ? »
L’ours en question reposa sa chérie et attrapa sa guitare en grondant qu’il y avait des coups de pieds au cul qui se perdaient. Après un petit tour de chauffe, on se lança sur notre « tube » à savoir « Let Your Voice free ». La chanson en elle-même était « basique » à comprendre : juste arrête de cacher tes pensées et montre que t’existe ! Mais je savais que pour William et Cathleen il y avait un autre sens. J’étais au courant pour Willy, tout le monde l’était dans la bande, du coup, pour moi le double sens c’est « Arrête de fermer ta gueule, exprime-toi, dis ce qu’il va pas et ose le dire haut et fort.» Et il y avait une ligne dans le texte que disait William qui sonnait étrangement à mes oreilles : « Ce n’est pas parce qu’ils disent que tu dois te taire qu’ils ont raison. » Ce à quoi Cathleen répondait : « Cris, hurle, affirme que tu existes et que ta voix résonne. ». Je frappai comme une sourde sur ma batterie, heureusement qu’il y en avait une qui avait insisté pour nous faire faire des bouchons d’oreilles. Les parents d’Anna parlaient très mal français et c’était elle et ses frères qui devaient gérer tous seul. Et pour rien arranger la mère d’Anna avait choppé une saloperie qui l’avait rendu sourde. Je n’avais pas retenu le nom de la maladie, mais Henry, le frère aîné d’Anna, avait décidé par la suite de faire médecin. Nan mais après… on dit que la dévotion de la famille c’était plus ce que c’était. N’importe quoi quand même.
On continua de jouer pendant un moment sans que notre couple de chanteurs ne se décident à nous montrer la chanson. Ou les chansons. J’avais aucune foutue idée de ce qu’ils avaient fait. De vraies tombes. Pendant que je rangeai ma batterie, Cathleen zieuta sur son portable de quoi nous trouver un endroit pour manger un morceau. On avait fait les imbéciles dans le sens où on avait même pas mangé avant de répéter. Anna et William se cassèrent en premier : rendez-vous comme toutes les semaines avec leurs parents et Yasmine… Je crois que même si on faisait des efforts elle n’avait pas envie de se retrouver à tenir la chandelle. Elle disparue plus leste qu’un oiseau et Cathleen quitta enfin son monde et sourit.
« Est-ce qu’une pizza te tenterait ?
- Ouais ! Elle est où ?
- Eh bien… Je dirais cinq petites minutes à pied. Si tu marches vite. »
Elle attrapa son vieux sac et le jeta sur son épaule, je passai mon bras autour de ses hanches. Je n’étais pas possessive, mais si on pouvait éviter de mettre des mains au cul de ma copine, ça serait vachement cool. C’était toujours Cath qui impose le rythme de la marche et je pouvais dire qu’elle trottait comme un lapin cette sale bête ! Plus petite que moi, ok avec mon mètre soixante-dix-sept c’est hyper facile de dire ça, mais elle me traçait si je faisais pas attention ! Et le pire c’est qu’elle se foutait pas de moi ! Nan, trop gentille pour ça, mais je voyais bien que ça la faisait rire. J’ouvris la porte à ma copine.
« Après vous madââââââme la duchesseeeeuh. »
En réponse elle passa, tête haute, avant d’aller commander nos deux pizzas au comptoir, on allait pas manger ici, mais chez elle, plus proche. Une pizza hawaïenne pour moi et une chèvre-miel pour elle avec en prime des nuggets, paye ton repas équilibré, on se dirigea enfin vers sa chambre. Et sa boite aux lettres, je la vis froncer les sourcils en lisant le dos d’une lettre, mais elle la glissa dans son sac, et vu le bordel dedans je ne m’amuserais pas à y glisser mes doigts, avant de monter dans l’ascenseur grinçant jusqu’à son étage. Et comme d’habitude, il faisait un froid de canard dans sa chambre. Je posai les pizzas sur la table avant de foncer, en m’encastrant les orteils dans un truc au passage ce qui me fit jurer, avant de réussir à atteindre le chauffage et de le mettre à fond. Elle avait la sale manie de le couper avant de partir et c’était trop pénible ! Elle alluma sans se presser la lumière alors que je frottai mon pied blessé.
« P’tain ! Mais… Cath ! Allume ton putain de chauffage ! Il fait moins huit mille dans ton appart.
- Rectification Azelie, il fait tout juste dix-huit. Certes un peu froid mais très agréable pour se réfugier sous les couvertures avec sa chérie pour déguster des pizzas devant un petit film !
- Ouais… OK. Ça c’est cool ! Et tu nous proposes quoi comme film ?
- Le dernier film de Peter Jackson.
- Mortal Engines là ? T’es sérieuse ? »
Elle me fit un petit sourire en coin et je continuai de râler jusqu’à ce qu’elle enlève son pull. Appuyée contre la fenêtre j’observai le corps de ma copine. Légèrement ronde, avec un peu de ventre, des cuisses, des fesses… Ma copine était juste magnifique. Faudra m’expliquer la beauté qu’on donne aux sacs d’os qui défilent. C’est moche les os ! La rondeur, les belles joues rondes, ça oui c’est joli ! D’où être un squelette c’est beau ! Puis historiquement parlant, les femmes rondes c’était considéré comme sexy. Enfin, fallait pas être ronde de partout. Cath l’était de partout et je trouvais ça trop beau. De toute façon les femmes rondes : c’est beau. Elle me fit à nouveau son petit sourire en coin.
« Et si au lieu de me regarder si intensément que je risquerais de prendre feu, tu passais ton pyjama ? »
Elle et ses bonnes idées ! Je fonçai sur elle pour l’embrasser avant de lui obéir. Je savais que parfois elle n’aimait pas que je la dévore du regard, elle était plus pudique que moi, mais j’y pouvais rien et elle avait finit par s’y faire. Lorsque j'eus enfin fini d’enfiler mon pyjama je me retournai et la vis déjà prête pour une petite soirée rien que toutes les deux. Je m’installai avec elle sa grosse peluche lapin que je lui avais offert en seconde qu’elle avait baptisé tout simplement Passiflore. Ouais Passiflore, comme la famille. J’avais éclaté de rire en l’entendant, mais elle avait tenu bon et elle l’avait gardé. Mais il faut dire que cela lui va bien. Mon regard dériva sur son sac.
« C’était quoi la lettre ? Tu l’ouvres pas ?
- Non, cela n’est pas très important. Et je préfère passer une soirée avec toi dans tes bras, qu’à lire une lettre qui n’est pas importante.
- S’tu le dis. »
Je passai mon bras autour de ses épaules pour la tirer contre moi et elle se laissa faire sans protester. OK, le film qu’on matait n’était clairement pas le meilleur, loin de là, mais j’avais une pizza et surtout ma copine dans mes bras. Je posai mon menton sur son crâne et sentis avec plaisir le parfum de ses cheveux. Dans un geste habituel j’attrapai une de ses mèches rousses pour jouer avec tout en continuant à la respirer. Au passage : je notai que ma copine s’était assoupie sur moi. Sinon elle aurait gueulé que je me mouchais dans ses cheveux. Je restais immobile avant de dégager en douceurs mon bras pour régler le réveil, éteindre l’ordinateur, le mettre à charger, débarrasser les cartons de pizzas et… hésiter. Ouais, j’hésitai devant le sac de Cath avec la lettre dedans. Ça avait l’air d’une lettre officielle, importante… Elle ne me l’avait pas montré… J’hésitai vraiment en regardant son sac. Avant d’éteindre la lumière et de revenir me coucher contre Cath qui se nicha dans mes bras. Je souris et lui embrassai le front.
« D’façon, tu me caches rien toi… Je sais qu’tu me diras si c’est grave ou important. »
Elle ne répondit rien cette sale bête, mais je souris malgré tout avant de fermer les yeux en restant sans bouger, profitant de la chaleur de ma copine.
Le réveil sonna avec violence et je sursautais en jurant comme je ne sais quoi. J’entendis un bâillement et le petit chat qui dormait près de moi s’étira en douceur alors que je continuais à insulter copieusement le machin qui me vrillait l’oreille. Je finis par le faire tomber par terre et ce fut Cath qui se pencha pour l’éteindre délicatement. Je soupirai longuement en essayant de l’attraper dans mes bras au passage, mais, plus rapide que moi elle se leva et s’étira. Avant d’allumer la lumière. SA SŒUR EN STRIIIIIING. Mes yeux ! J’enfouis ma tête sous l’oreiller en grognant.
« Putain ! Cathleeeeeen ! T’es sérieuse ?!
- Oui. Et tu feras attention je te prie. J’ai ouvert les rideaux et la fenêtre. »
Ah… C’était donc ça ce courant d’air glacial ? Je me roulai davantage sous la couette. Parfois ma copine était intenable. C’est pas vrai. Je rouvris avec difficulté mes yeux pour la voir déjà entrain de préparer ses affaires et le petit déjeuner. Beaucoup trop active à mon goût dès huit heures. Je me levais en grondant tout ce que je savais. C’était pas humain de ce lever à cette heure-là. Cath me sourit et me tendit une tasse de café, elle était thé, j’étais café. C’était pas mal on se complétait bien je trouvais. J’avalai ma tasse avant d’aller passer une tenue un peu plus décente.
Il n’y avait pas à dire ! Elle était beaucoup trop organisée pour moi. Ou alors trop matinal. C’était possible aussi, avec elle… Je la suivis en tenant sa main jusque dans le tram, c’était pas juste, je partais avant elle, mais pas trop le choix. Je l’embrassai en descendant à l’arrêt avant de la regarder partir. Je crus voir dans son regard une pointe d’inquiétude. J’ai dû rêver. Je préférais rejoindre Anna et Yasmine pour un cours en amphi.
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