Chapitre 6 - Azelie
J’avais pris très au sérieux la demande de Cath pour avoir des choses à grignoter. Si bien qu’on se retrouvait à quatre pour faire les courses… Et bordel que c’était étrange de tendre la main dans le vide et de pas saisir celle de ma copine. Yasmina finit par s’en rendre compte et glissa sa main dans la mienne avec un petit sourire. Je lui serrais un peu plus fort pour la remercier.
« Bon, des noix de cajou, du chocolat, des fruits secs, on prend quoi d’autre ?
- J’suis pas… Yasmina ? T’as des idées pour la caler le soir ? Sans que ça soit mauvais pour la santé.
- Et bien… Les fruits secs sont une bonne idée… Il faut y aller doucement avec le gras et tout cela, donc pas de biscuit, Et…
- Et il faut quelque chose de facile à vomir, coupa Anna. »
William passa un bras autour de ses épaules. Ses yeux étaient remplis de larmes, forcément que cette situation de merde la renvoyait dans le passé avec son père à l’hôpital. Elle avala sa salive et reprit.
« Des gourdes de compote. C’est pas trop mal ça à boire, ça passe tout seul et c’est plein de vitamine. Mais, je préférerais qu’on en fasse nous-mêmes.
- T’as cours cet aprem Will ?
- Oui, mais je vous dirai des recettes si vous voulez.
- Hey ! On est pas si nulle en cuisine que ça ! s’indigna Anna. »
C’était William qui faisait à manger chez eux, il sourit et lui embrassa le nez.
« J’ai beau t’aimer plus que tout mon amour… Je ne te laisserais même pas me faire des pâtes tant j’ai peur pour la cuisine ! Mais j’ai confiance en Yasmina et Azelie pour t’aider. »
Anna fit mine de bouder quelques secondes, mais un baiser sur sa joue la fit changer d’avis et elle se dirigea avec nous vers le rayon fruits et légumes. Je me mis à observer les deux autres fouiller dans le rayon pour trouver le meilleur pour Cath. J’observais Anna une seconde.
« Tu lui as écrit un nouveau mot ?
- Oui. Je te le donnerai après avoir fait les compotes.
- Ça roule. Tu me diras si tu veux aller la voir, hein ?
- … Si je trouve la force de franchir les portes de l’hôpital. »
Je serrais doucement son épaule sans rien rajouter. Qu’est-ce que je pouvais dire à ça ? Ça servait à rien de dire « Roh t’exagère c’est l’une de tes meilleures amies ». Les trucs comme ça, ça se commandait pas. Et même moi y aller pour ma petite amie… Je faisais pas la fière. En même temps, c’était dur d’y entrer seule… Pour en ressortir toute seule aussi. Si je pouvais y aller seule pour en ressortir avec elle… ça serait différent. Là j’irais en faisant la roue. J’étais ultra mauvaise en gym je savais à peine faire une roulade. Je reportais mon attention sur Yasmina qui allait vers les fruits surgelés, visiblement, elle cherchait de la mangue. Cathleen avait une passion pour la mangue elle pouvait en manger une dizaine sans problème. Je les laissais choisir sans rien dire. Je me sentais un peu inutile pour l’instant… Enfin, ça serait quand même à moi de lui amener. Pas trop le choix ! Je voyais pas Anna y aller, sans aucune moquerie ou quoi. Puis c’était à moi de le faire aussi…
Je suivis le mouvement jusqu’à l’appartement que Anna et William partageaient en collocation, là-bas on serait tranquille pour cuisiner. J’obéis sagement aux consignes pour préparer les gourdes de compotes et de soupes. Pour Cathleen. On prit des photos et je n’arrêtais pas de les lui envoyer. Visiblement ça la faisait rire, tant mieux, ça me soulageait de la faire rire un peu. C’était tant mieux en même temps… Il fallait trouver le positif comme on pouvait, non ? J’aidais comme je pouvais avant de refermer soigneusement les bocaux. C’était à moi de les apporter. Il y avait aussi des gourdes. William était en train de dessiner en nous regardant. Il préparait le paquet en le couvrant de couleur et de dessin. Aucune idée si on avait vraiment le droit… Mais techniquement oui… Puis ça lui ferait du bien non ? De manger des fruits et des légumes. Même en soupe ou en compote. Il fallait bien qu’elle mange un peu. On prépara soigneusement le paquet avant que tout le monde ne glisse un petit mot dans le carton que je refermais soigneusement avec du scotch et William l’emballa soigneusement dans un beau paquet cadeau de noël.
« Tu parles d’un beau cadeau de noël !
- En avance en plus. J’ai de jolies mères noël en plus. »
Il se pencha et embrassa le front de sa petite amie et se dirigea vers son carnet à dessin et nous sourit.
« Prenez la pose !
- Nan ! T’vas pas l’faire ?!
- Je vais me gêner. »
J’éclatais de rire et on prit une pose. Ça faisait du bien de rire pour des conneries. Après ces mauvaises nouvelles qui nous tombaient dessus, rire pour rien c’était cool. Fallait pas oublier qu’on était encore jeune. Puis bientôt Cathleen allait revenir parmi nous. Fallait pas qu’on se laisse abattre par juste ça, bientôt elle aussi allait se faire dessiner en mère noël. Suffisait d’être patient et bientôt on pourrait faire noël et le nouvel an ensemble. D’ailleurs faudrait que je lui demande comment ça se passait avec sa mère pour qu’elle puisse venir tous les jours. Y avait quand même un trajet en train à faire, ça devait faire un budget… Peut-être qu’elle savait pas vraiment elle-même ? William finit le dessin et nous le montra avant de le poser pour le laisser sécher un peu. Le temps qu’on finisse de tout ranger et préparer avant de le glisser dans une enveloppe qu’il me tendit :
« Tu le donneras à Cath ?
- T’inquiète Picasso, je gère.
- Appelle-moi Picaso quand je vendrais des toiles à plusieurs millions. »
Je grondais un peu en marmonnant qu’il se la pétait un peu. Anna me donna un petit coup de coude en riant. Elle tira William par le col pour l’embrasser délicatement. Je sentis un petit pincement au creux du ventre. Si je faisais ça avec Cathleen, déjà elle allait râler et puis actuellement c’était clairement pas une bonne idée. Je risquais de lui faire mal. Je finis par glisser le paquet dans un sac bien à plat avant de vérifier l’heure. J’envoyais vite un message
« Yo ma belle ! T’es dispo ou t’es en soin ?
- Non, je suis seule actuellement. Ma mère ne passe qu’en fin d’après-midi.
- OK ! Je passe. Je pars de chez l’ours et j’arrive vite. BISOUS »
Bon, j’allais mettre ma vie à aller à l’hôpital, mais c’était pas grave ! J’avais de la batterie dans mon portable et puis Yasmine serait là aussi pour un petit moment. Ça allait être cool. Par contre, le paquet pesait une demie-tonne. Ou à peu de chose près c’était le cas. Je me traînais jusqu’à la chambre de Cathleen et frappais avant d’entrer. Histoire de s’assurer qu’il n’y aurait pas d’autres personnes. Elle était toute seule entrain… de travailler. Ou de composer. Je le voyais à son air. Elle composait avec son casque sur les oreilles, ouais effectivement elle devait pas m’entendre. Mais je crois qu’elle me vit puisqu’elle ôta son casque et referma son ordinateur.
« Bouh chaton ! »
Je m’approchais vivement pour l’embrasser avant de poser son ordinateur plus loin. Je soulevais le paquet et m’assis près d’elle en posant le carton sur mes genoux. Je lui tendis l’enveloppe en premier. Elle l’ouvrit comme une brute épaisse, sans déchirer le dessin, encore heureux. Et elle éclata de rire devant le trio de mère noël ayant plus un air de Charly et ses drôles de dames qu’autre chose. Je la laissais ouvrir le paquet, il y avait des étiquettes sur des pots. Je lui pris la main pour la porter à mes lèvres.
« Bon, ça risque d’être tiède très souvent, mais la compote…
- Cela se vomit bien ? Me coupa-t-elle. »
Je ris et caressais tout doucement sa main sans rien dire. Elle lu avec attention tous les noms sur les compotes et les soupes avant de regarder le carton avec un sourire. Je finis par me frapper le front.
« Merde ! J’ai oublié une assiette pour que tu puisses manger !
- Pas, je mangerais directement dans les pots, non ? Me faudra juste une… »
Elle s’arrêta nette et je me retournais vers la porte. Il y avait un infirmier qui nous sourit. Ah ? Fallait que je me casse ? Un coup d’œil à ma copine me fit comprendre que c’était pas trop normal à cette heure.
« Bonjour ! Désolé de vous déranger ! Cathleen, ta médecin viendra te voir demain.
- Ah… Est-ce grave ?
- Non, une petite discussion sur la suite des traitements, voir comment tu te sens.
- D’accord. »
Il repartit après un dernier sourire, puis rouvrit la porte et observa le paquet de loin. Cathleen rit et finit par demander poliment :
« Pourrais-je avoir une petite cuillère s’il vous plaît ?
- Elle court, elle vole ta cuillère ! »
Et il repartit pour quelques instants et revient avec une petite cuillère. Il ouvrit l’un des pots sans difficulté et observa le reste. Heureusement que tout avait eut le temps de refroidir quand même. Il rangea le paquet dans la table de nuit à porté de main et nous laissa enfin seules. Je soupirais.
« Tain ! Sont tous aussi pot de colle ?
- Arrête. Il est très serviables, puis. Réellement, infirmier ce n’est pas un métier facile tu sais ? Ils sont vraiment pas assez pour le nombre qu’on est.
- Mouais, ça j’veux bien t’croire. Et la médecin ? Sexy ?
- Mmh… Que souhaites-tu entendre ? Non ? Ou que maintenant j’ai le fantasme de te voir en blouse blanche et que tu viennes m’examiner ? »
J’en restais sur le cul, elle soutient mon regard avec son petit air sérieux puis se mit à rire et j’éclatais de rire à mon tour. Ce qu’elle pouvait être con quand elle s’y mettait ! Je l’embrassais avec toute la tendresse du monde et elle passa ses doigts dans mes cheveux. Je m’étais un peu renseignée sur sa maladie et avec ses médicaments tout ça, elle pouvait les avoir hyper cassants… ses ongles ! Mais bon, pour l’instant, ça avait l’air d’aller.
« Au fait, ton traitement ? Ça s’passe bien ?
- Ça fait pas très longtemps… Mais oui, ça va pour l’instant.
- Cool. Et ta mère ? Elle loge où ?
- Dans l’appartement. Elle a dit d’ailleurs que c’était bien rangé… Elle… elle… Elle aimerait me faire croire qu’elle le vit bien, cette situation, comme mon père ou mes frères. Mais… Elle peut soutenir mon regard tant qu’elle le veut, je vois bien qu’elle a peur.
- Y a pas d’raisons ! T’vas guérir. T’vas l’voir quand ton père ?
- Il peut venir le weekend, il peut pas laisser les petits tout seul tu sais ?
- Ouais. Et l’grand ?
- Il est dans sa thèse… Je crois qu’il réalise, mais comme il est à l’autre bout du pays il peut rien faire… »
Je plissais le nez. Elle était la deuxième d’une fratrie de quatre, son grand frère était déjà en deuxième année de thèse, après sa petite sœur passait son bac cette année et le petit dernier était en seconde. C’était compliqué pour tout le monde. Je préférais changer de sujet, elle m’apprit l’existence d’une chaîne nommé « Douze Février » avec une grande brûlée qui racontait son accident, son expérience de l’hôpital, le coma artificiel, tout ça. Et la fille était visiblement géniale. Pas visiblement : elle l’était. Je m’assis tout contre ma chérie pour regarder l’une de ses vidéos. Bah franchement, on pouvait tous nous la fermer face à cette femme. J’avais trouvé ma nouvelle philosophie de vie. J’adorais. Je posais mes lèvres contre la peau de ma copine en regardant les vidéos.
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