Chapitre 15 - Cathleen
J’éclatais de rire quand ma sœur fit une grimace, ils étaient là, c’était le dernier jour, ils repartiraient d’ici quelques minutes, mais ils voulaient absolument rester encore et encore. Ça faisait quinze jours qu’ils étaient là à venir tous les jours, hors bien sûr ceux où je ne pouvais pas. J’avais un vrai emplois du temps de ministre. Ma famille m’avait fait un peu sortir de ma chambre pour aller dans les salles de discussion un peu plus loin pour gêner personne. C’était plus agréable que ma chambre, c’était sûr, mais cela était plus fatiguant pour moi puisqu’un infirmier devait m’aider à m’installer dans mon fauteuil roulant avec les poches de médicaments. Enfin, cela m’avait fait très plaisir de les voir, j’avais eu le droit comme cadeau de la part de ma petite sœur un bel album photo avec toutes celles qu’elle avait prise de moi, ou que je lui avais donné, ou même d’avant. Je partageais beaucoup avec ma petite sœur qui cette année avait dû improviser pour faire une jolie bûche. Elle faisait une réorientation en pâtisserie et ne manquait jamais de nous faire tout tester. J’étais sa goûteuse préférée et je ne refusais jamais de mettre à l’honneur ses gâteaux. Cette fois, devant mon hésitation devant sa bûche elle avait posé sa main sur la mienne avant de me dire avec un sourire :
« Si tu te sens pas, surtout ne te force pas. »
Je lui avais rendu son sourire avec toute la tendresse du monde. Pour moi, elle avait fait une bûche trois-chocolats, mon parfum favori. J’avais insisté, souhaitant aussi bien savourer cette dernière bûche qu’elle m’avait faite, mais aussi lui faire plaisir. J’avais réussi à manger une part entière et même si je l’avais vomi plus tard, je ne l’avais pas regrettée, elle était plus que délicieuse et cela aurait été un crime de ne pas goûter sa dernière création en date. Et là je profitais d’un ultime moment avec eux, autour d’un Blanc-Manger-Coco, non pas le gâteau, mais bien le jeu de carte et c’était bien pour cela que ma sœur faisait une grimace, j’avais réussi une association particulièrement dégoûtante. Mais c’était le but du jeu et j’étais sûre qu’elle faisait exprès de faire autant de grimace. Elle savait qu’un long moment se passerait avant que nous ne puissions nous revoir, elle partait bientôt en stage. Jean, l’infirmier, vient nous annoncer qu’il était l’heure et me ramena dans ma chambre. Mes parents étaient allés voir hier le médecin. Je serrais Yaëlle contre moi et lui souris alors qu’elle me fit un gros bisou sur la joue avant de rattraper Vera, ma nouvelle peluche, cadeau de mes parents, qui allait tomber du lit. Je lui pinçai gentiment la joue :
« Tu m’inventes encore une recette pour ma sortie ?
- Ouais ! Promis. Et toi, sors vite ! J’ai plein d’idées, je vais avoir du mal à faire le tri.
- Ne fais pas le tri Yaëlle, garde-les toutes, et réalise-les chacune leur tour. »
Ma cadette rit de nouveau et me serra contre elle sans rien dire avant que mes parents ne m’embrassent et que ma mère ne me serre contre elle. Je souris et lui rendis son étreinte. On s’était dit tout le temps des « Je t’aime ». Mais je lui susurrais encore au creux de l’oreille. J’agitai la main jusqu’à ce que je ne puisse plus les voir et un long soupir m’échappa. J’essuyai vite une petite larme et attrapai l’album.
La première photographie, c’était lorsque j’avais offert à ma Yaëlle du haut de mes dix-sept ans, pour ses quatorze ans un lot de douilles des plus classiques, mais c’était justement ce qu’elle voulait. Des douilles pour fourrer les éclairs. Je regardais l’image avec un petit sourire, Yaëlle avait toutes les douilles alignaient devant elle et me pointait du doigt en faisant une grimace en formant des doigts le V de « Vainqueur ». Je caressais tout doucement l’inscription à la plume en dessous « Quatorze ans, j’avais déjà une tête pas possible et toi t’avais l’air d’un petit diable heureux de son coup ! ». Je souris doucement, tournant une à une les pages, il n’y avait pas d’ordre chronologique, il y avait juste des photos où on s’amusait. Mais ce n’était que nous deux, c’était aussi notre famille ou celles où j’étais avec mes amies avec un petit commentaire. Parfois elle indiquait même où elle avait trouvé les photographies en plus des commentaires, il y avait même les dates. Elle avait tout bien fait, il fallait l’avouer. Je finis par reposer le livre et m’appuyer contre les oreillers pour regarder dehors. Je clignais des yeux avant de bailler longuement et de passer une main sur mon crâne. Je n’avais pas perdu les réflexes d’avant, quand j’avais une jolie chevelure, mais cela serait bientôt de retour. Ce n’était qu’une question de temps, il fallait juste attendre un peu, être patiente. Jean repassa pour sa ronde du soir et m’aida à m’installer, s’assurant que j’allais bien. J’avais beaucoup vomi les derniers jours et il m’avait aidé plusieurs fois aidé à me redresser ou à retourner au lit après avoir vidé le contenu de mon estomac. Il me sourit :
« Comment tu te sens ce soir ?
- Très fatiguée, mais je ne devrais pas vomir.
- J’espère pour toi. C’est mon boulot de t’aider, mais vomir ce n’est vraiment pas agréable
- Ce n’est point moi qui dirais le contraire. »
Il rit doucement, me souhaita la bonne nuit avant de sortir et d’éteindre la lumière. Je fermais les yeux avant de m’enfoncer dans le sommeil.
J’étais debout près d’un arbre, il faisait beau et j’avais mal aux yeux, une main me tendit mes lunettes et je hochais la tête pour remercier le propriétaire de la main avant de les chausser. À côté de moi, la petite peluche, une ourse en robe, que ma sœur m’avait donné il y a longtemps, pendait à une branche. Elle n’avait rien à faire là. Il faisait chaud, c’était l’été. J’étais debout à l’ombre d’un arbre, autour de moi il y avait des amis et des amies de terminale. On était en train de faire un pique-nique sur les bords d’un lac à côté d’une ville voisine à la nôtre, cela faisait longtemps qu’on ne s’était pas vu et on profitait de la situation et des vacances d’été. Surtout des vacances d’été, Le lac était couvert de gamins entrain de s’amuser, ils avaient raison après tout, pour ma part je sortais de l’eau, j’avais mon maillot de bain une pièce trempé et mes cheveux pendaient en mèches trempées autour de mon visage. L’eau avait été fraiche, cela faisait du bien. Il y avait le réveil qui était normalement sur le petit bureau en haut sur le palier chez moi, posé sur la nappe. L’heure n’était toujours pas la bonne, on approchait doucement du minuit. Zéro heure, zéro. L’herbe était sèche sous mes pieds, je n’aimais pas ça. Je m’assis à même le sol et une nouvelle main se tendit. Yaëlle.
Je me relevais pour suivre ma sœur, c’était dans les allées d’une boutique, c’était au tout début de mes études, elle avait insisté pour passer un week-end avec moi. J’avais vite compris ce qu’elle voulait surtout. C’était surtout pour une boutique de cuisine. Je l’avais suivi à l’intérieur sans rien dire, lui faisant juste les gros yeux pour l’empêcher de dépenser tout son argent de poche. C’était pareil que dans mon souvenir, à un détail près, les ustensiles de cuisines avaient été remplacé par les réveils indiquant tous la même heure. C’était un peu angoissant. Les lumières clignotèrent et je me dirigeai aussitôt vers la sortie pour ne pas finir dans l’obscurité.
Mon souffle forma une vapeur dans l’air, ça c’était un cauchemar que je connaissais. La forêt obscure, j’entendais des craquements autour de moi, je frottais mes bras autour de moi, j’avais de la boue jusqu’aux chevilles, il faisait très froid… Je finis par trouver le pick-up, je savais ce qui allait se passer. J’ouvris le véhicule avant de refermer la porte derrière moi, à nouveau le réveil posé sur le tableau de bord. Toujours la même heure. Je fronçais les sourcils sans chercher à comprendre réellement. Je tournai la clé et le moteur rugit. Je grimaçai le son était vraiment très fort, je n’aimais pas ça, la musique était distordue. Je me mis à rouler dans la forêt avec des gestes habituels. Je n’étais pas stressée, je connaissais ce rêve par cœur. La pluie se mit à tomber avec violence sur le capot de la voiture, je continuais de rouler vivement, les arbres semblaient s’écarter d’eux-mêmes devant moi. Le sol s’ouvrit devant moi.
Je poussai un hurlement en me redressant. J’avais le cœur qui battait avec violence, j’avais du mal à respirer, mon souffle me brûlait les poumons. J’eus du mal à trouver ma lumière et elle me déchira les yeux. Je secouai la tête et attrapai vivement ma nouvelle peluche pour la serrer contre moi. Je frottai mon nez sur le tissu doux contre moi. Je restais un très long moment immobile à chercher à calmer ma respiration, mon cœur. J’eus du mal à retrouver mon calme puis une fois la lumière éteinte, le sommeil me fuit un peu, mais revient rapidement. Je m’y enfonçai avec une légère angoisse sans pour autant réussir à me retenir, c’était perturbant ces rêves mêlant la réalité, mes souvenirs, et bien sûr des rêves que j’avais déjà fait des dizaines de fois. C’était vraiment très étrange, mais après quelques mois j’avais pris l’habitude. C’était comme ça, je me rendormis lentement
Je ne savais pas ou j’étais, on aurait dit une caverne dans un jeu vidéo, il y avait un corps devant moi. Mais pas un corps humain, je ne savais pas où j’étais, mais ce n’était pas un souvenir. J’entendais des voix autour de moi :
« Découpe ! Découpe ! Découpe ! »
Je regardais autour de moi à nouveau, il y avait des individus encapuchonnés de rouge. C’était véritablement le décor d’un jeu vidéo. Je baissai les yeux, c’était un gâteau, un beau gâteau décoré par les soins de quelqu’un. Je relevai la tête. Yaëlle me sourit.
« Allez ! Découpe ton gâteau ! »
Je ris doucement et secouai la tête avant de découper une part de gâteau. C’était mon anniversaire, Yaëlle me l’avait fait exprès pour moi avec une recette qu’elle avait trouvée sur internet. Elle aimait tellement ça… Je déposais une belle part dans l’assiette de mon père, les couches étaient parfaites. Tout était parfait, vraiment bien. C’était un beau gâteau pour mes dix-huit ans. J’avais toujours fait une fête avec ma famille avant d’en faire une avec des amis. C’était beaucoup mieux comme ça. La part bascula sur le côté dans l’assiette de mon père et Yaëlle éclata de rire en secouant la tête avant de me faire une grimace. Encore. Elle faisait toujours beaucoup de grimace, une vraie comique.
« Alors ! Il est beau mon gâteau ?! Hein Cat ? »
Je ris doucement et hochai la tête.
Il y avait du soleil aujourd’hui. C’était aujourd’hui que tout le monde commençait ses partiels, même si je ne savais pas réellement comment cela se passait les partiels pour William. Il n’aimait pas en parler, alors malgré plusieurs années, je l’ignorais. Et ce n’était pas aujourd’hui qu’il allait m’en parler. Je saisis mon portable pour leur envoyer un petit mot avant de m’arrêter. Jean passa et prit un moment avec moi pour discuter. C’était véritablement un homme agréable. Je saisis un bloc de feuille et un stylo avant de m’installer pour écrire lentement, m’arrêtant souvent comme pour reprendre mon souffle, laisser l’encre sécher et reprendre à écrire.
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