Réminiscence du passé
Dans la cour du château, deux adolescents se chamaillent, tout en échangeant des coups avec des épées en bois. Ils se tiennent tête l’un à l’autre dans des suites de revers, de feintes et autres pas, ponctués de moqueries de la part de l’un, et de phrases ironiques par l’autre. A un moment, l’un des deux finit à terre, le plus chétif, celui qui paraît le plus fragile. Son adversaire s’approche, son arme de fortune s’approchant de la gorge de son rival. Néanmoins, une lueur s’allume dans le regard de ce dernier, et il pare, donnant un coup de pied dans les jambes de l’autre, qui le fait vaciller et tomber à son tour. Le premier qui avait touché terre se relève et empêche l’autre de se continuer le combat. Le gagnant aide son camarade à se relever, ils échangent une accolade avant de partir dans un éclat de rire, se félicitant l’un l’autre.
Cela me rappelle des souvenirs… Sauf que la fin n’a pas été la même. Je me remémore ces instants difficiles en touchant la cicatrice qui me barre l’abdomen sous ma tunique. Celle-ci me tiraille légèrement. Nous étions pareils en ce temps là. Des amis, des rivaux, des frères… et maintenant… Une voix me tire de mes pensées :
- Papa ?
Je me retourne pour découvrir Aeven, ma fille. Un sourire se dessine sur mes lèvres, avant que je me jette sur elle pour la prendre dans mes bras.
- Papa ! Lâches-moi, on se voit tous les jours, t’es lourd à toujours faire ça !
Je la lâche, avant de la regarder, avec sa moue boudeuse. Il est vrai que je suis un vrai papa poule, et dès que je vois ma fille, je me sens obligé de lui faire un gros câlin. Mais, depuis qu’elle est entrée dans l’adolescence, elle n’est plus aussi réceptive qu’elle l’était enfant, à mon grand désarroi. Je m’agenouille, les larmes aux yeux en me plaignant :
- Maintenant, tu ne veux plus des câlins de ton père, et demain tu auras trouvé un mari qui t’arrachera à moi. Que le temps passe trop vite et que ce monde est cruel !
- Mais, arrêtes le vieux, se plaint-elle, les gens arrêtent pas de nous regarder !
Des servantes passent, ricanant légèrement, alors que des ministres soupirent en me voyant faire une énième fois mon numéro.
- Laisse ton père tranquille, il te montre juste son amour, fait une voix un peu plus loin.
Ma femme, Brie, nous rejoint et je la prends dans mes bras, déposant un baiser sur son front, non sans tirer une grimace à ma fille.
- Il y a des chambres pour ça.
J’éclate de rire, puis attrape Aeven par l’épaule, ma femme de l’autre côté.
- Allons dîner tous les trois. Ça fait longtemps qu’on ne s’est pas retrouvés tous les trois.
- Ça doit pas être si terrible de manger avec deux vieux, se moque ma fille.
- Qui traites-tu de vieux, jeune impertinente ?! Je ne suis qu’un jeune homme fringant, qui plaît encore à la gente féminine ! Enfin, ce ne sont que des rumeurs que j’ai entendu, je m’empresse de préciser devant le regard noir de ma femme.
Je m’arrête, tenté de regarder à nouveau par la fenêtre, mais quand je vois les deux femmes de ma vie, qui avancent, je détourne les yeux et m’empresse de les rejoindre. La douleur de ma blessure s’est calmée.
La brume envahit le champ de bataille, les corps s’amoncèlent et le château s’effrite comme un fétu de paille. Mais, tout ça m’est égal, je ne veux plus rien, je ne veux plus vivre. Son corps ensanglanté git dans mes bras, une blessure béante à l’abdomen. La mienne entre se met à me brûler comme rentrant en résonance avec la sienne, m’arrachant un cri de rage, avant qu’un hoquet de surprise ne m’interrompe. J’observe la lame qui sort de ma poitrine, et m’effondre avant d’avoir pu faire le moindre geste…
- Aquila Joran, quel est ton souhait le plus cher ?
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