Chapitre 20 : La Brèche

6 minutes de lecture

C’est alors que des distorsions spatiales apparurent en premier dans les salles d’expérimentation, perturbant le fragile équilibre du laboratoire. Les murs, jadis solides et rassurants, se mirent à se tordre et à onduler, comme si la réalité elle-même se fracturait sous une pression invisible. Ce phénomène inexplicable plongea les scientifiques dans une stupéfaction glaçante. Habitués à manipuler des concepts abstraits et des théories complexes, ils se retrouvèrent soudainement confrontés à une réalité qui dépassait leur entendement.

Des failles grotesques s’ouvraient dans l’espace, déchirant la structure du laboratoire comme si elle n’était qu’un simple tissu. À travers ces fissures, un néant insondable se dévoilait, un vide oppressant qui semblait aspirer tout ce qui s’en approchait. Les cris désespérés de leurs collègues résonnaient dans l’air chargé de tension, alors que plusieurs membres de l’équipe étaient littéralement engloutis par ces gouffres mystérieux, disparaissant sans laisser de traces, comme s’ils n’avaient jamais existé.

Ceux qui parvinrent à fuir rapportèrent des visions impossibles de l’autre côté. Leurs visages étaient blêmes, marqués par l’horreur d’un monde où la logique et la raison avaient cédé la place à un chaos pur. Ils décrivaient des paysages déformés, peuplés d’ombres mouvantes qui semblaient se délecter de la peur et du désespoir. Des horizons tourbillonnants, où le ciel était teinté de couleurs inconnues, semblaient jouer avec leur perception du temps et de l’espace, chaque seconde s'étirant dans une interminable agonie.

L’angoisse s’empara du reste de l’équipe. Dans cet environnement devenu hostile, les échanges de regards trahissaient une terreur partagée. Leurs certitudes vacillaient alors qu'ils comprenaient, avec une clarté glaçante, que les limites de leur compréhension scientifique avaient été franchies. Ils n’étaient plus des chercheurs, mais de simples victimes d'une force qu'ils avaient, d’une manière ou d’une autre, contribué à libérer.

Alors que la panique s'installait, une question sourde résonnait dans l’esprit de chacun : que se passait-il vraiment dans ces salles de recherche, et jusqu’où iraient ces distorsions avant que tout ne s’effondre ? La ligne entre la science et l’horreur se brouillait de plus en plus, et les murmures sur des expériences interdites commençaient à circuler, laissant entendre qu’un destin funeste les attendait tous.

Le point de non-retour fut atteint lorsqu'une créature cauchemardesque émergea d'une de ces failles. Cette entité, une abomination indescriptible aux contours fluctuants, semblait faite de matière et d'ombre. Elle se mouvait avec une fluidité angoissante, ses formes changeants constamment, comme si elle n'appartenait à aucune réalité connue. Les alarmes du Centre Quanta se mirent à hurler, mais en vain. La sécurité, formée pour faire face à des menaces humaines, se retrouva impuissante face à une créature qui défiait toute logique physique. En quelques instants, la monstruosité anéantit toute résistance, laissant derrière elle une traînée de destruction.

Le chaos ne se limita bientôt plus aux murs du laboratoire. Les distorsions se propagèrent comme une onde à travers la forêt et jusqu’aux villes voisines. Ce qui n’était que des expériences cloisonnées dans le Centre Quanta s’infiltra dans la réalité elle-même. Des rues, autrefois familières, commencèrent à se plier sur elles-mêmes, comme si elles étaient pliées par une force invisible. Les bâtiments se déformaient, les structures urbaines se fondaient dans des formes impossibles. Des éclairs de magie noire zébraient le ciel, frappant les lampadaires et les faisant fondre comme de la cire. L’horizon, que les habitants voyaient chaque jour, était désormais dévoré par des tempêtes occultes, des vortex qui s’ouvraient et se refermaient, menaçant de tout engloutir.

À l’intérieur du laboratoire, la panique s’était définitivement emparée de l’équipe. Les scientifiques qui avaient été prévenue de la dangerosité des travaux voyaient maintenant leurs pires craintes se matérialiser. Mais il était trop tard pour revenir en arrière. Le professeur Kennywood, toujours prisonnier de son obsession, tentait désespérément de regagner le contrôle. Il criait des ordres, exigeant que les scientifiques trouvent un moyen de stabiliser les failles, mais ses paroles se perdaient dans le vacarme des distorsions qui se propageaient dans l’air comme des cris de souffrance.

Kennywood tentait désespérément de faire réagir Pauline, la pressant de puiser au plus profond d'elle-même pour découvrir la clé capable de rétablir l'équilibre et de stabiliser le chaos grandissant. Il savait, tout comme elle, qu'elle possédait le pouvoir de tout arrêter, de renverser cette réalité en désagrégation. C'était un pouvoir immense, mais également terrifiant. Chaque fibre de son être lui hurlait de se concentrer, de canaliser cette force latente qui sommeillait en elle. Mais la peur, l'incertitude et la révolte bouillonnaient dans son esprit, brouillant ses pensées et l'empêchant d'accéder à cette puissance.

Malgré la menace omniprésente, même lorsque la tension dans la pièce devenait palpable et que l'angoisse semblait suffoquer les autres, Pauline refusa finalement de céder. Elle voyait dans les yeux de Kennywood une obsession dévorante, une soif de pouvoir qui dépassait l'entendement. Elle comprenait qu'il ne cherchait pas seulement à contrôler la situation, mais aussi à la contrôler elle, à la forcer à embrasser un destin qu'elle n'avait jamais voulu.

Les visions d’un monde déformé par ses propres mains se mêlaient à ses pensées, une perspective qu'elle ne pouvait accepter. La résistance devenait son ultime rempart, même si elle savait que chaque seconde qui passait faisait pencher la balance vers un désastre inévitable.

— Tu es la clé, Pauline. Tout repose sur toi ! insistait Kennywood, sa voix vibrante d'urgence.

Mais elle restait immobile, déterminée à ne pas lui donner satisfaction. Elle devait trouver en elle-même la force nécessaire pour briser les chaînes qu’il tentait de lui imposer, même si cela signifiait affronter les ténèbres qui menaçaient de l'engloutir.

Pour Pauline, la seule issue désormais était la fuite, pourtant, malgré sa peur, elle se sentait protéger. Elle ne pouvait cependant pas l’expliquer. Mais même cela semblait incertain. Les failles déchiraient l’espace de manière imprévisible, et chaque pas pouvait être fatal. Le Centre Quanta, autrefois un bastion de recherche scientifique avancée, était devenu un enfer où la réalité elle-même s’effritait sous le poids des forces occultes qu’ils avaient invoquées.

Il n'y avait plus qu'une certitude : ces expériences avaient éveillé des forces bien plus anciennes et puissantes que quiconque n’aurait pu l’imaginer. Le Centre Quanta était sur le point de s'effondrer, et avec lui, la fine frontière entre leur monde et ces dimensions inconnues devenait de plus en plus fragile. Les chercheurs, jadis des pionniers audacieux, se retrouvaient pris au piège d’une magie qu’ils ne comprenaient plus et d’une réalité qui ne leur obéissait plus.

Kennywood, obsédé par la quête de connaissance, avait toujours cru que la science pouvait dominer les mystères de l’univers, même ceux que d’autres avaient décrits comme des tabous. Cependant, après de multiples échecs avec les cobayes humains, il commença à réaliser que ses méthodes n'étaient pas aussi efficaces qu’il l’espérait. Les expériences qu’il menait avec des sujets d’essai n’avaient pas donné les résultats escomptés ; les manipulations génétiques qu’il avait orchestrées avaient engendré des échecs, des déformations, des souffrances sans fin. Dans sa frustration, il se mit à envisager une solution radicale. Peut-être que la réponse résidait dans ceux qu’il avait créés, ces hybrides, issus d’un mélange de génétique humaine et de forces occultes, qui avaient été condamnés à une existence en cuves, à l’abri des regards.

Kennywood savant fou, savait que ces êtres considérés comme des échecs, avaient quelque chose de spécial. Ils étaient les fruits de son ambition démesurée, des expériences vivantes qui portaient en eux le potentiel de ses rêves les plus fous. Mais les garder prisonniers dans ces cuves était une absurdité. À présent, il devait agir rapidement. Les résultats de ses dernières expériences en Afrique du Sud avaient déjà montré les dangers de l’expérimentation avec les forces qu'il cherchait à contrôler. Les entités qu'il avait libérées étaient bien plus que de simples manifestations ; elles avaient une volonté propre, une soif de conquête.

Et maintenant, lui, Kennywood, dans sa quête de connaissance, avait sans le savoir ouvert une brèche vers ces horreurs. Il savait ce qu'il devait faire, mais il ignorait s'il en avait encore le temps. La brèche était ouverte, et les forces qu’ils avaient réveillées ne se contenteraient pas de leurs quelques cobayes. Elles chercheraient à s’étendre, à conquérir, à consumer toute la réalité. Avec une détermination désespérée, il ordonna à Virgil Varek et la partie qui restait de son équipe de libérer les hybrides qui étaient prêtes. Les cuves se mirent à vibrer, le liquide commença à bouillonner, et une fois le processus d’incarnation validé, des cris inhumains résonnèrent dans le laboratoire, c’est alors que des créatures grotesques prenaient forme, désireuses de retrouver leur liberté.

Kennywood, les yeux brillants d'une folie mêlée de peur, observa ces êtres émerger. Il savait qu’il risquait de déchaîner des forces qu'il ne pouvait pas maîtriser, mais il était prêt à tout sacrifier pour obtenir ce qu'il désirait ardemment. Les hybrides, avec leur puissance brute et leur connexion avec le surnaturel, pourraient être la clé qui lui permettrait de manipuler ces énergies obscures. Dans un ultime acte de défi, il avait décidé de jouer sa dernière carte avec le destin, ignorant qu’il venait d’ouvrir une porte vers un monde de ténèbres, un monde qui ne se contenterait pas d'être observé.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Sophie Ellington ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0