Perceval - aspirant chevalier...
À Carduel, au Château du roi Arthur.
Le chevalier Vermeil vient accuser le roi Arthur d’avoir pris une partie de ses terres, lors de sa montée sur le trône. Par devant toute la cour, il exige réparation. Ses réclamations n’ayant aucun bien fondé, le roi Arthur refuse. De dépit Vermeil lui arrache la coupe de vin qu’il tenait en main et en verse le contenu sur la robe de la reine. Narguant le roi avec des paroles irrévérencieuses, le chevalier félon se retire avec la coupe d’or du roi. La consternation règne dans la grande salle.
Scène 1
Keu
Messires êtes-vous si couards
Que nul ne ramène la coupe !
Arthur
Ah Keu ! Vous parlez avec art
Mais si la langue on vous coupe,
Que reste-t-il du sénéchal ?
Le premier, montez à cheval !
Keu
Sir, doutez de mon courage,
Mais ici, vraiment, j’enrage,
Car pour vous venger d’offense,
Aucun n’ose prendre sa lance…
Chevaliers de Table Ronde,
Que l’on dit Meilleurs du Monde,
Je vous en prie, laissez-moi rire,
Vous avez tous peur de mourir !
Arthur
Assez de mauvaises paroles,
Tous, ici, remplissent leur rôle.
Il n’en n’est pas que je méprise.
Tous, sous l’effet de la surprise,
N’avons cœur à prendre les armes…
Keu
A défaut de sang, versons des larmes !…
Arthur
Keu, cessez vos commentaires !
Keu
Sir, hélas, je ne peux me taire,
Je vois au bas un étranger,
Qu’on se soucie de l’héberger.
De noble lignage, il est…
Il vient tout droit de la forêt !...
Arthur
Est-ce encore moquerie ?
Keu
Bien me garde de plaisanteries,
Sir, de marque est ce visiteur,
Et ne suis point menteur.
Celui-là est aussi docile
Que parfait imbécile.
En sottise, je m’y connais,
Jamais ne vis si beau benêt !
---
Entrée de Perceval
---
Perceval
C’est vous qui faites les chevaliers !
Je le sais par des cavaliers,
Des gens de votre Maison.
Ah ça, je sais que j’ai raison !
Keu
Elle ne vous fait défaut !...
Ici, n'avons ce qu'il vous faut.
Si, chevalier, vous voulez être,
Un moyen vous fait connaître
Pour, vite, obtenir l'armure :
En sortant hors de ces murs,
Trouvez le chevalier Vermeil.
Arthur
Valet, n'écoutez ces conseils.
Pour devenir chevalier,
À Dieu, d'abord, il faut se lier,
Puis, des armes, pour bien s'en servir,
L'apprentissage, devez subir.
Perceval
Ce jour, chevalier je serai ?
Arthur
Impossible cela nous paraît.
Damoiseau, cultive patience !
Keu
Il n'a cure de toutes sciences.
Vous croyez qu'il vous écoute !...
Ne perdez le temps qui vous coûte.
Vos conseils, sûr, qu'il ne les loue.
Allons ! Laissons partir ce fou.
Arthur
Keu ! Pour vous qui est valable ?
N'avez que mots désagréables...
Car, c'est de bien triste façon
Qu'envoyez ce brave garçon
Au-devant du pire guerrier
Sans bonnes armes, sans destrier.
Perceval
Ce guerrier, il est tout rouge,
Et, de ce pré, en bas, ne bouge.
Je l'ai vu, j'en suis sûr !
Keu
Eh bien, je vous l'assure,
Rien de mieux n'avez à faire,
Que d'y courir, prendre ses fers.
À vous, certes, il obéira,
Vous n'avez qu'à tendre le bras.
Perceval
Alors, ses armes seront miennes !
Merci à vous, quoi qu''il advienne …
Arthur
Keu, votre grande méchanceté
Égale, du valet, sa témérité.
Keu
Nous lui avons laissé le choix
Entre mes dires et ceux d'un roi...
S'il a suivi ce chemin
C'est bien pour se faire la main...
Scène 2
---
Perceval et le chevalier Vermeil
---
Perceval
Chevalier, vers toi l'on m’envoie !
Vermeil
Valet qui ose lever la voix !
Sais-tu à qui tu t'adresses ?
Perceval
Pas de discours, le temps presse !
Le roi me donne tes armes.
Vermeil
- le repoussant vigoureusement du plat de son épée -
Tu ne manques de Charme !
Ah valet , que tu es drôle !
Vois, si mon épée te frôle,
Tu ne gardes la verticale…
Perceval
Ah Chevalier, tu m'as fait mal !
Rien ne contiendra ma fureur...
Vermeil
Valet, tu cherches ton malheur …
---
Le combat s'engage et Perceval d'un jet puissant de javeline, transperce l’œil droit de Vermeil qui tombe raide sur le pré.
---
Perceval
Chevalier te voilà mort...
N'as-tu maintenant de remords ?
Gauvain
- s'étant discrètement approché -
Plus jamais n'aura de regrets
Mais du service, l'on vous sait gré.
Ce chevalier qui était félon
Outrageait le roi et ses barons.
Perceval
Remettez la coupe à Arthur,
Je garde armes et monture
De ce chevalier, c'est entendu.
Gauvain
Nul ne s'y oppose, c'est votre dû.
Perceval
- Qui commence à dépouiller le mort -
Ce chevalier est de haute race,
Tant son corps tient à la cuirasse.
Vraiment, serait-il né ainsi ?
Car il me faudra une scie
Pour tirer du fer cette carcasse...
Ah ! Même mort, il m'agace !...
Gauvain
Ami, vous agiriez comme un sot
Si vous le tailliez en morceaux.
Permettez que je vous aide.
Perceval
Volontiers, ce corps est si raide !
- Ils désarment méthodiquement le chevalier mort -
Gauvain
Qu'allez-vous faire de tout ceci ?
Perceval
Cela, pour l'heure, ne me soucie.
Tant est voulu cet équipement
Que monte en moi, rapidement,
Répondant à ma nature,
Le désir de l'aventure.
Merci à vous, il se fait tard.
Ami, saluez le roi, je pars.
---
À la cour d'Arthur
---
Keu
Mon roi, ne sait ce qu'il advint,
Mais voici qu'entre Gauvain
Ramenant votre coupe d'or.
Gauvain
Sir ! L'on vous salue du dehors...
Arthur
Quel est l'auteur de ce bienfait
Me causant aussi doux effet ?
Car grand service, il nous rend ;
Celui-là est digne de nos rangs.
Gauvain
Sir, vous vous souvenez du valet
Qui, armé par vous, tant voulait.
Hors d'ici, trouve le tyran,
Qui, à sa guise, ne se rend.
Alors, de colère le tue !
Keu
L'innocence est grande vertu...
Arthur
Keu, hélas, on vous écoute.
Le valet reprend la route.
En ce combat, il est vainqueur,
Sans expérience, autre, que grand cœur.
- Super Châtel (Haute Savoie) Pâques 1973 -
Annotations
Versions