Chapitre 8

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Britess se frotta la tempe, un air dépité sur le visage. Un contrat de protection de personnalité, voilà le travail pour lequel elle avait été recrutée. Dans les grandes lignes, il s'agissait de faire visiter la cité à la personne qu’on lui confiait et de la maintenir en vie. Elle ne se sentait pas à la hauteur, mais l’officier prétendait le contraire. Elle ne connaissait pas assez bien la ville pour que la visite soit exhaustive !

L’adresse se trouvait à quelques mètres du palais impérial, entre les belles demeures des ambassades. Jurg lui avait demandé de se présenter dans l’heure à son nouvel employeur. Avec son pantalon de toile couvert par de longues jambières en cuir noir, ses deux chemises, l’épaisse par dessus la légère, on ne pouvait pas dire qu’elle était à la pointe de la mode. Sa grande cape pouvait cacher tout cela, le temps d’un entretien. Elle ferait un effort de présentation pour son premier jour de travail, le lendemain.

L’avenue décrivait une courbe agréable; les immeubles y alternaient entre de grosses bâtisses et de plus menues, entrecoupés par de splendides jardins. Des flâneurs s’y reposaient, seuls ou en groupes. Des personnes en faction la regardèrent passer sans lui porter une attention soutenue. Elle s’arrêta devant un petit manoir en briques rouges et aux trois toits noirs et pointus qui correspondait à la description donnée. Il y avait un garde, un large chapeau de paille sur la tête, une robe comme vêtement. C’était un homme, à n’en pas douter. Britess évita de sourire face à ce costume incongru. Elle connaissait bien ces combattants. Il ne fallait surtout pas les amener à sortir leur lame. Elle ne pouvait revenir au fourreau que trempée dans le sang. Une fois l’acier au clair, c’était la promesse d’une mort prochaine, généralement donnée avec le plus grand sérieux et donc la plus grande souffrance possible. L’Empire du Couchant représentait une énigme pour la majorité des habitants du continent. Sans autorisation, ses frontières étaient réputées infranchissables. Il se tenait toujours en retrait des luttes de pouvoirs et, pourtant, répondait présent à chaque mobilisation militaire.

Britess se souvenait parfaitement des leçons d’histoire inculquées pendant de longues heures que les autres trouvaient ennuyeuses à en devenir des sortes de morts-vivants affalés sur les chaises de la salle de cours. L’histoire, c’était vraiment utile, elle n’en démordait pas à l’époque et son aventure la confortait de plus en plus dans cette optique. Elle toussota pour attirer l’attention du factionnaire qui ne releva pas le visage. Il écoutait.

—Je suis Britess, je suis mandée par l’officier de la Deuxième Cohorte impériale. Je dois servir de garde du corps à quelqu’un de votre ambassade… D’ailleurs je me demande pourquoi vous avez besoin de quelqu’un comme moi quand on voit quelqu’un comme vous… Enfin, je veux dire que vous êtes un soldat émérite, cela se sent et…

L’homme se poussa sur le côté, indiquant la porte principale à la visiteuse.

—Entrez sans frapper. Attendez dans le hall.

—Mer…

—Apprenez à vous taire.

Britess pinça les lèvres. Que lui arrivait-il ? Elle devait se reprendre. La fatigue nerveuse du combat d’embauche lui faisait perdre ses moyens. Son calme n’était pas naturel, mais acquis d’un long entraînement. Son impulsivité avait réussi à poindre sous le vernis pourtant épais de la personnalité qu’elle avait adoptée depuis la fin de son adolescence. Elle esquissa un sourire, déterminée à ne pas laisser la passion prendre le pas sur la raison.

Le hall était une vaste bibliothèque, sur trois étages. Les portes, s’il y en avait, échappaient à sa vue. Elle patienta, admirant le bois rouge et les livres. Un froissement de tissu l’emmena à se retourner lentement. Un homme la salua d’une légère inclinaison de la tête. Britess lui rendit son geste. D’où pouvait-il bien venir ? Elle feint la surprise pour lui faire plaisir.

—Merci d’avoir accepté cette affectation, soldate. Nous avons besoin d’une protectrice pour un visiteur particulier. Vous devrez l’accueillir demain, aux aurores. Vous irez le chercher dans les ruines de l’ancienne tour côtière, celle qui possède une plage. Vous l’escorterez jusqu’à l’arrière de notre demeure, avec la plus grande discrétion.

—Un de vos gardes ne peut pas s’en charger ?

—Non. Nul ne doit pouvoir nous lier à ce visiteur. Il est important que vous gardiez le secret.

—Il va de soi. Jurg sait-il de quoi il en retourne ? Il m’avait juste parlé d’accompagner une sorte de curieux de chez vous qui voulait connaître la ville.

—Apprenez à vous taire.

Britess se retint de lever les yeux au ciel. Cela puait le traquenard. Avait-elle l’air si écervelée ? À n’en pas douter. Elle décida de jouer le jeu, pour la paye. Il serait toujours temps d’aviser une fois face au réel danger, s’il y en avait un. Peut-être n’était-il question que de ce que cet homme racontait, et de rien d’autre ?

La bonne blague.

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