Chapitre 19
Le chef du clan Oshei marchait d’un pas assuré et calme. Il dominait la situation, en toutes circonstances. Il passa les portes de la résidence de l’empereur, un petit sourire discret sous sa fine moustache.
Il avait réussi.
Les clans s’étaient soumis. Il ne manquait plus que la cérémonie de la Descente lors de laquelle le souverain perdrait sa divinité pour la transférer au nouveau maître du Couchant, en l’occurrence, lui, Oshei du clan Oshei. Il remerciait ses parents de l’avoir ainsi nommé. La double appellation lui avait fourni une puissance et un destin hors norme. Sa fulgurante ascension sidéra plus d’un chef. Il avait dû rivaliser avec la fille du clan du Rosier, Jadile. Une petite peste intelligente et à l’humilité agaçante. Son plan, l'empoisonnement du jeune empereur après la mort accidentelle des parents, avait fait croire à une terrible maladie. On avait désigné le plus capable des guerriers du Couchant : Jadile du Rosier pour partir en quête d’un remède, sur un autre continent. Il avait mis son absence à profit pour infiltrer les clans, les rallier à sa cause.
À présent, il savourait sa victoire totale. On était venu lui annoncer que la porte sécurisée de l’antre impérial était enfin ouverte. Ne possédant pas le code il avait fait venir un mage d’une autre contrée. Un mercenaire des Territoires se faisant appeler l’Éminence, qui vendait son art en échange d’artefacts anciens. Il lui avait promis l’orbe Soleil. Un trésor du trône, une boule sculptée qui ressemblait à un soleil de fin de journée. Une relique sans grand intérêt, une simple verroterie magnifiquement ouvragée.
Le silence le fit ralentir. Il vit l’Éminence marcher vers lui, l’orbe dans la main. Oshei inclina la tête quand ils se croisèrent. Ce type lui faisait froid dans le dos.
Il arriva dans l’ultime refuge des empereurs.
Des cadavres, partout, et des blessés qui s’étaient traînés vers la sortie. La garde du clan Oshei s’arrêta en même temps que son maître. La stupéfaction et la colère pouvaient se lire sur les traits raffinés du commanditaire du coup de force. Où était l’enfant ?
Des guerriers, en état de combattre, attendaient, figés, en demi-cercle autour d’une femme immobile. Un officier s’approcha :
— Valeureux Chef Oshei, l’Empereur n’était pas là. Il n’y avait que Jadile du Rosier.
— Qu’attendez-vous pour la tuer ? persifla le bras droit du chef.
Comment cette peste avait-elle pu revenir si vite ? Pourquoi ses espions n’en avaient-ils rien su ?
— Elle a massacré 108 des nôtres. Elle a réussi l’exploit. Nos hommes... Elle… Elle est invincible, souffla l’interlocuteur en s’inclinant profondément pour implorer le pardon.
Sans un mot Oshei s’avança pour s’arrêter à quelques pas de Jadile, la toisant de toute sa morgue, les bras derrière le dos, en signe de paix.
— Tu as bien combattu Jadile sans Clan. Tu peux ranger tes armes. Nous te laissons partir. Mais avant j’invoque la Tradition. Tu dois te soumettre en l’absence de l’Empereur où tu dois me conduire à lui afin que je me soumette.
Il la tenait.
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