Chapitre 27
L’épais humus amortissait ses pas. Les premiers mètres avaient été difficiles à franchir. Il avait fallu batailler à travers d’épaisses ronces avant de déboucher dans une forêt sombre aux branches basses et à la canopée touffue. Britess prit le temps d’allumer une lanterne dont la lumière joua sur les troncs tordus et noueux. Certains auraient pu prendre peur. La nature ne l’effrayait pas, car elle en connaissait justement les dangers. Elle scrutait le sol, évitant n’importe quel indice qui serait susceptible d’être une manifestation de la peste de mana. Après une bonne heure de marche prudente, le soleil commença à pénétrer l’épaisseur du feuillage. Elle éteignit sa lampe et se retrouva sur une route pavée.
Britess resta immobile, le temps que ses yeux s’habituent. Au loin, sur la muraille, on distinguait les sentinelles qui patrouillaient. Elle était juste au bord de la zone dégagée. Une douce chaleur s’insinua à travers ses vêtements, au niveau de sa jambe gauche. L’épée au dragon. Elle en toucha la garde qui irradiait cette curieuse sensation. Un mouvement discret attira son attention. Une masse informe, rouge, orange, veinée de violet et de jaune, comme le ciel d’une fin de journée, semblait agitée d’étranges soubresauts, comme si elle digérait quelque chose.
« Un soleil de fin de journée, comme cette boule que tenait l’Éminence ». Britess écarta les pensées parasites. Il fallait se concentrer sur l’instant.
Elle reprit sa marche, discrètement, les sens aux aguets. Le bâtiment rond se dressa enfin devant elle. L’aventurière s’y hasarda, non sans un dernier coup d’œil en arrière pour s’assurer qu’aucune manifestation de mana n’était visible. Le découragement la gagna quand elle arriva au milieu du vaste immeuble. Il ne restait rien d’intact. Si des archives avaient un jour été stockée ici, elles étaient à présent enfouies sous des débris qui jonchaient le sol, comme soufflé par une explosion. Elle enjamba quelques tas de gravats, se penchant afin de caresser des doigts les restes d’anciennes tablettes, brisées pour quelques-unes, réduites en poussière pour la plupart. Tout ce chemin pour rien. Au moins elle avait tenté sa chance. Elle continua malgré tout son inspection, ne laissant rien au hasard. Contrairement à ce qu’elle s’attendait à ressentir, elle ne manifestait pas le moindre signe de découragement. Ce n’était pas vraiment sa voie principale. Le plus important était l’argent qui lui permettrait de payer une place sur le prochain navire en partance pour le nouveau continent. Elle finirait ses jours là-bas. Britess se voyait déjà installée dans un coin reculé, vivant en autarcie, sans liens avec la civilisation, un juste retour à l’état de nature dont elle rêvait.
Elle finit par revenir au centre des archives. Elle soupira et lâcha quelques mots sur le ton de l’humour :
— Tu te caches bien, Kril le Mécamage.
Une voix rompit le silence, proclamant quelque chose dans une langue incompréhensible.
Britess ne put retenir un petit glapissement effrayé. Elle fit un bond en arrière, se retournant vers l’origine des paroles, une main sur son épée. Son cœur battait à tout rompre, lui déchirant la poitrine.
Une forme élancée, presque inhumaine par sa grandeur se tenait au centre du dôme. La lumière semblait la traverser, comme si elle n’était pas vraiment réelle. Elle avait pourtant une voix. Britess observa lentement le sol. Le bruit aurait pu attirer des fils de la peste. Rassurée, elle reporta son attention sur l’apparition.
— Pouvez-vous parler plus doucement ? murmura Britess.
L’inconnue inclina la tête, doucement, comme s’il cherchait dans ses souvenirs. Elle répondit doucement :
— Bien sûr. Vous vous exprimez dans la langue de Xoridis l’Unificateur, d’un petit royaume du continent des Dragons. Cela fait une éternité que je n’ai pas entendu cette langue.
— Qui êtes-vous ?
— Je suis la Mémoire de la cité.
— Un… fantôme ? Une entité magique ? Quelle est votre fonction ?
— Je suis un Premier incarné.
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