Cédric et Audrey
Alors que Suzanne reposait son écran, Cédric entra dans l'infirmerie.
"Te rends-tu compte de ce que tu as fait ? hurla-t-il. Tu as promis que tu aiderais Audrey et William à prendre le pouvoir. Elle est sa garde-malade et il est complètement défoncé par la morphine pour pouvoir respirer sans douleur.
-Je suis mourante, baisse d'un ton, lui intima Suzanne. Par ailleurs, j'ai tenté d'arrêter les choses, ma tentative la plus désespérée étant peut-être vouée à l'échec. Attendons quelques heures... quelques minutes peut-être ? Ou mieux : parcourons-les en sens inverse. Rends-toi à la grande tour et vas chercher la jeune Suzanne. Elle est mon seul espoir de survie - j'ai besoin d'une transfusion. Prends l'une des navettes et fais-la marcher en arrière, puis amène-moi le lendemain - qui est aujourd'hui - mon jeune double."
Cédric fourragea dans ses cheveux, puis murmura :
"Très bien. Je vais le faire. Mais si il y a le moindre danger pour moi, je me casse. La résistance, j'en ai soupé. Tout part en vrille dès qu'on y mêle le voyage dans le temps."
Audrey l'arrêta et dit :
"Attends. Si tu mettais un masque en 5D ? Tu pourrais peut-être prendre l'apparence de l'un des Spéciaux, afin que personne ne te remarque.
-Bonne idée, dit-il. Tu m'aides à le concevoir ?
-J'arrive."
Ils sortirent tous les deux et allèrent habiller Cédric en Spécial, laissant Suzanne seule dans l'infirmerie. Alors qu'ils disparaissaient au bout du couloir, une silhouette se faufila dans l'obscurité. Parvenue au lit de Suzanne, elle appela :
"Suz' ?"
Celle-ci se redressa péniblement et demanda :
"Qui est-ce ? que se passe-t-il ?"
Puis elle reconnut Jason. Jason avec un duvet de barbe : s'il s'était passé une heure pour elle, cela faisait six mois pour lui.
"J'ai fait une bêtise, dit-il.
-Une seule ? ironisa Suzanne.
-Il y a tout juste vingt-quatre heures, poursuivit-il. J'ai tenté de me tuer."
Suzanne lui prit les mains, ne pouvant concevoir qu'il ait attenté à sa vie.
"Plus précisément, ajouta-t-il, j'ai tenté de tuer un plus jeune Jason. Je lui ai tiré dessus. Et puis en tirant je me suis rendu compte que tu étais juste à côté de lui - mes souvenirs de ce moment étaient trop flous. Alors je t'ai crié de te baisser. Il s'est baissé aussi. Et j'ai détruit le seul moyen que nous avions de revenir en 2021 cinq minutes après en être partis."
Suzanne en eut le souffle coupé.
"Quoi, c'était toi, le missile ? s'exclama-t-elle.
-Oui, répondit-il. Et je suis venu te demander pardon pour cela, pour t'avoir dès lors condamné, avant d'aller me jeter du haut de la tour. L'empire s'effondrera quand ils se rendront compte qu'un de leurs dieux s'est suicidé. J'aurais rempli ma part du marché envers Cédric et la résistance. Adieu."
Suzanne le retint par le bras.
"Attends, dit-elle. Il y a encore un moyen d'arranger les choses."
Jason secoua la tête.
"Il n'y a pas moyen, murmura-t-il. J'ai tout essayé. Je suis désolé, Suzanne. J'aurais tant aimé que tout cela soit vrai, que nous soyions devenus deux dieux dans le futur...
-Je préfèrerais être humaine avec toi que divine seule, répondit-elle. Ça a toujours eu ma préférence."
Ils auraient beaucoup pleuré, l'un dans les bras de l'autre, si Cédric n'était pas entré à ce moment, une cicatrice suintante lui barrant le front.
"Impossible d'extrader Suzanne, dit-il. Les Moncrieff et Gray ont littéralement sauté par la fenêtre ! Ils sont dingues !"
Il s'interrompit en voyant Jason.
"C'est lequel ?" demanda-t-il, soupçonneux.
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