Quand Gervais fait de l'huile sous sa couette
Après sa ronde de nuit, Gervais s'était sifflé la moitié d'une bouteille de single malt douze ans d’âge mais n’était pas parvenu pour autant à trouver le sommeil, chamboulé qu’il était par un texto envoyé une heure plus tôt par Sergio Van Buick :
On tatten demin soir pour la livréson.
N'est pas en retar. Minui dernié delai
Le couperet était tombé. Rongé par l’angoisse de devoir lui livrer Berry, le balourd avait des impatiences dans les jambes, les boyaux en zigzag et faisait de l’huile sous sa couette. Son ciboulot naviguait en plein brouillard, se débattant dans les flots sinueux d’un océan d’emmerdes.
Pour ne pas éveiller les soupçons, il avait été convenu avec les Van Buick que la petite ne disparaisse pas le jour où Gervais serait d'astreinte. Mais la tâche s’annonçait difficile car c’est Marie-Delphine qui serait de garde le lendemain. Une collègue particulièrement zélée, à cheval sur le règlement, qui avait le sommeil léger et ne portait pas Gervais dans son cœur. Si elle le pinçait dans les couloirs de l’orphelinat, en pleine nuit, il lui aurait été difficile de justifier les raisons de sa présence ici et de compter sur sa discrétion.
La solution la plus simple était de convaincre Berry de sortir par elle-même du pensionnat, le moment venu, et qu’elle vienne à lui sans être vue. Il la savait suffisamment habile et fûtée pour tromper la vigilance de la cheffe de service. Il fallait cependant composer avec le comportement inédit et imprévisible de la jeune fille. Ses excès de violence répétés, depuis le 3 août, n’étaient pas pour rassurer l’éducateur quant au bon déroulement de son plan. Mais avait-il le choix ?
À Dieu vat, il ne fallait pas s’endormir sur son bifteck. Gervais se rhabilla puis partit dans le couloir en direction de l’aile Ouest, au deuxième étage ; là où les gamines pionçaient. L’attrape-minette allait devoir ravaler ses scrupules, user de mensonges et de subterfuges pour se sortir de cet imbroglio et attirer Berry dans sa toile.
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