ARDENNES jeudi 23 septembre 2021

LES CHIENS ABOIENT, LA CARAVANE PASSE...

Premier volet de notre entretien exclusif avec le commandant Bellocq, dit Le Gitan, ex-super flic du SRPJ de Reims, qui enquêta sur l’affaire Van Buick en août 2020. Un homme libre, en quête de sens et de vérité, qui revient avec nous sur cette sordide affaire qui défraya la chronique dans une charmante et paisible commune ardennaise de la vallée de la Meuse.

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Par Leïla Behdi

Depuis un an, le commandant s’est fait discret et a posé ses valises sur une petite île au large du littoral breton, une crêpe dentelle posée sur les flots où les moutons des Landes se repaissent d’herbe grasse et salée. Et c’est sur cette langue de terre sauvage et verdoyante, dans une ancienne bergerie en pierre sèche du XVIIIe siècle restaurée, que l’ex-enquêteur, toujours aussi loquace, nous a reçus…
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Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis notre dernière rencontre : nouvelles vagues de COVID, reconfinement, Black Lives Matter, escalade de violence au Moyen-Orient, parfum de Guerre Froide, attentats islamistes, insurrection à Washington… L’année n’a pas été un long fleuve tranquille.
C’est rien de le dire !
Pour vous non plus, d’ailleurs. Suite à l’affaire Van Buick, vous avez fait l’objet d’une enquête administrative et pré-disciplinaire. Vous pouvez nous en toucher deux mots ?
J’ai été jugé pour manquement au devoir de protection d’un suspect interpellé, manquement au devoir d’impartialité, insubordination et faux et usage de faux.
C’est la raison pour laquelle vous avez quitté la police ?
Suite au dépôt de plainte du procureur, la sentence a été irrévocable : exclusion temporaire de six mois, radiation du tableau d’avancement et mutation obligatoire. Alors, fidèle à mes principes et blessé dans mon orgueil, j’ai préféré rendre les armes. Je me suis rangé des voitures… ou du camping-car, devrais-je dire.
Et ainsi, tel Napoléon en exil sur l’île d’Elbe, vous voilà en Bretagne régnant sur votre troupeau !
Contrairement à l’Empereur, j’ai choisi mon exil. Je me comparerais plus volontiers à Brel aux Marquises : “La pluie est traversière, elle bat de grain en grain… Quelques vieux chevaux blancs qui fredonnent Gauguin…” Vous connaissez la chanson ?
Tout à fait ! Et comment avez-vous acquis cette île, si ce n’est pas trop indiscret ?
Les questions ne sont jamais indiscrètes, ce sont les réponses qui le sont (rire). A vrai dire, je n'en suis pas propriétaire. Cette île appartient à la famille Le Garrec depuis sept générations : tous bergers de père en fils.
Y aurait-il un lien avec l’adjudant Le Garrec ?
Lui-même ! Son père lui a légué l’île en 1985. Mais le fiston qui avait choisi la voie royale de la maison poulaga, délégua l’intendance du cheptel à un gars du cru : un dénommé Le Gall. Ce dernier a pris ses invalides cette année, après 26 ans de bons et loyaux services et s’en est retourné sur le continent. Le Garrec qui avait eu vent de mes démêlés judiciaires et se sentant redevable, m’a alors proposé de reprendre le poste vacant.
Aucun regret alors ?
Le moins du monde. J’étais le flic d’une époque révolue. Aujourd’hui, je reconstruis ma vie, loin du Grand Est, proche du grand bleu… et surtout loin de toute cette agitation. La police est un métier usant, vous savez ! Une succession incessante de questions qui entraînent des réponses qui, à leur tour, suscitent de nouvelles questions auxquelles il faudra trouver à nouveau des réponses… C’est un cercle sans fin, un mouvement perpétuel. Il faut être fort et garder la tête froide pour ne pas sombrer.
Vous est-il déjà arrivé de sombrer ?
Jamais ! (silence) Du moins, pas avant ce fameux 2 septembre (2020 NDLR). Cette nuit-là, il y a eu beaucoup de morts et des questions restées sans réponse…