Vandale
Gros mal au cœur,
Journée d'labeur
À cent sous d'l'heure,
Plein d'airs moqueurs.
Caquet fermé,
Gueule déformée,
Pas d'quoi s'affirmer.
L'idée a germé :
Ce soir, après bouffé,
J'sortirai graffer.
Besoin d'un rien
Pour jouer l'vaurien ;
Aérosol, caps ajustée,
Et cette peur à délester.
Sûr d'être filmé, épié,
J'cacherai ma ganache
Sous un keffieh.
J'quitterai bravache
Mon triste clapier
Dévalant avec panache
Le grand escalier.
Ce soir, mal attifé,
J'sortirai graffer.
Pas d'place pour moi
Dans les débats ;
Deux, trois bourgeois
Ont la tronche de l'emploi.
Alors, en scélérat,
La rue comme agora,
J'sortirai ma peinture
Pour gribouiller les murs.
Dans tout c'fatras
J'crierai à bout d'bras ;
Y'a pas d'censure
Sur les clôtures.
Plutôt qu'd'me taire
J'ferai couler, protestataire,
Ma verve libertaire
Sur les panneaux publicitaires.
Ce soir, pour philosopher,
J'sortirai graffer.
Juste pour flopper
Pas d'temps à perdre
Des mots à peindre
J'en ai une floppée.
J'aime le désordre
Dans cette foutue mélopée,
Sentir l'adrénaline poindre
Quand il faut décamper.
Ce soir, fini d'bluffer,
J'sortirai graffer.
En grosses lettres
J'graverai sur des mètres
Le fond d'mon mal-être.
Ce sera comme une lettre
Adressée à mes concitoyens,
Histoire d'leur prouver
Qu'dans leur quotidien
Il est possible de s'soulever.
Ils en ont les moyens
Et n'doivent pas s'en priver.
Technique ancestrale,
Faite d'esquisse verbale,
Faisons de cet art illégal
Notre dada ornemental.
Ce soir, au lieu d'teufer,
J'sortirai graffer,
Ma bombe pour pinceau,
Et mon tag en guise de sceau.
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