chapitre 17-3

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17-3

J'attendais Aaron dans son atelier depuis environ deux heures. Sa forge n'avait pas servi depuis son arrivée chez moi. La pièce ressemblait à celle située dans l'appentis près de mon chalet, mis à part sa taille immense et son ouverture donnant directement dans la rue. Des vitrines en verre abritaient une magnifique collection d'objets fabriqués à partir de divers métaux, ainsi qu'un grand nombre d'armes de main accrochées à des supports muraux en fer forgé. J'entendis un bruit de pas et Aaron se figea à l’entrée en s'apercevant de ma présence. Sans m'adresser un regard, il se dirigea vers sa forge qu'il entreprit de nettoyer. Je m'approchais doucement de lui, je sentais son ressentiment et sa frustration. Il me tournait le dos, s'affairant à son activité sans me prêter la moindre attention.

— Aaron ? Répond-moi s'il te plaît. Parles-moi.

Il pivota enfin vers moi, les yeux emplis de colère.

— Tu as changé d'avis ? Non, n'est-ce pas ? Alors à quoi bon ?

L'agacement commença à remonter en moi, pourquoi ne voulait-il pas comprendre ?

— Il faut que l’on discute de ce lien entre B'Shert.

Je l'entendis soupirer. Il posa ce qu'il tenait dans ses mains, se tourna vers moi et me dévisagea.

— Allons chez moi, tu dois t'installer et nous serons mieux là-bas pour discuter.

Il regardait par-dessus mon épaule. Je me retournai et aperçus plusieurs personnes, de toute évidence curieuses, qui nous observaient depuis l'extérieur. Alors qu'il passait devant moi, je lui emboîtai le pas.

Dehors, il prit le temps de me présenter à chacun, satisfaisant leur intérêt. Leur accueil fut très chaleureux. Les femmes m’embrassèrent alors que les hommes penchaient la tête en un geste respectueux tout en guettant la réaction d'Aaron. Je levais les yeux au ciel, alors qu'une jeune fille, qui avait perçu mon mouvement, me décochait un clin d'œil. Oui, une discussion était impérative.

Il me guidait à travers les ruelles du village, sans un mot, distant, et cela me blessait. Je tentais de briser la glace.

— Tu n'as pas peur de laisser ton atelier ouvert ainsi ? de te faire voler tes créations ?

— Non, les gens ici ne sont pas comme chez toi, les notions de respect d'autrui et de leur propriété sont profondément ancrées dans mon monde. La délinquance existe très peu ici, et les punitions très sévères. Nous sommes arrivés.

Je regardais la maison d'Aaron. Comme les autres, elle possédait une toiture végétalisée et était construite avec des rondins de bois. De larges baies-vitrées perçaient les murs du rez-de-chaussée, alors que des garde-fous en fer forgé habillaient les fenêtres de l'étage. Je tombais immédiatement sous son charme. L'extérieur foisonnait de massifs de fleurs, donnant l'impression d'être posés sur un écrin de verdure. Des abeilles, des papillons multicolores butinaient çà et là. Aaron ouvrit la porte d'entrée et m'invita à l'intérieur. Ok, l’instant ne semblait pas propice à la flânerie.

À ma grande surprise, la modernité dominait dans sa maison. Une cuisine ouverte avec tout l’électroménager - si on peut l’appeler ainsi dans ce monde - dernier cri donnait sur un coin salle à manger. Une table en verre et fer forgé, tout comme les chaises aux assises et dossiers habillés de rotin noir la constituait. Suivait un salon en cuir fauve séparé par une table basse, mini réplique de la grande. Sur un pan de mur, un écran plat alimenté par l’énergie solaire au vu des panneaux à l’extérieur était encadré par une bibliothèque. Les murs en rondins n’assombrissaient pas la pièce, car les baies vitrées et le puit de lumière naturelle au plafond éclairaient l’habitation.

Aaron fouilla dans sa cuisine et revint avec des verres et une carafe d’eau. Il s’installa sur le canapé, me servit, alors que je prenais un fauteuil, ce qui lui fit froncer les sourcils. Mais moi aussi je pouvais faire ma tête des mauvais jours. Il soupira.

— Je t’écoute.

— Loric, m’a déjà expliqué l'exacerbation émotionnelle due au lien avant une union officielle, mais cela ne te donne pas le droit de décider à ma place, Aaron.

— Je…

— Laisse-moi finir, s’il te plaît. Tu as été élevé dans ce monde avec ses us et coutumes, mais ce n’est pas mon cas. J’ai bien compris certains de vos principes, or, je me suis battue pour acquérir mon indépendance et j’attache une importance primordiale à mon libre arbitre. J’ai aussi compris que ces débordements sont primitifs, qu’ils font partie de ce lien. Mais il va falloir apprendre à les contrôler, à faire des compromis, car je ne les laisserais ni eux, ni toi diriger ma vie. Tu comprends ?

Aaron se leva en se frottant le visage avant de passer ses mains dans ses cheveux. Puis il vint vers moi à grandes enjambées, me souleva du fauteuil et m'écrasa contre lui. Il enfouit son nez dans mes cheveux en inspirant. Je passais les bras autour de lui et le serrais fort. Des larmes brouillaient ma vue, je le sentais vulnérable, en plein conflit intérieur.

— Me demander d’accepter de te mettre en danger, va à l'encontre de tous mes instincts. Mon côté primaire rejette cette idée de toutes ses forces.

— Et l’autre côté ? murmurais-je.

— Il sait que c’est la meilleure solution. Je veux un plan solide, aucune faille, aucune brèche, tu resteras relié à moi en permanence, ainsi que Rolf et Hakon. Est-ce que c’est clair ?

Je hochais la tête et il fondait sur mes lèvres. Son baiser était dominateur, mais aussi plein de peur, de frustration, de colère. Il me porta dans ses bras et me conduisit dans sa chambre, où nous fîmes l’amour avec rage et douceur, audace et peur, ressentiment et amour.

Je me réveillais au bruit de tambour qui résonnait dans mon crâne. Aaron grogna et se colla à moi. Je regardais autour de moi et sentis mes joues chauffer aux souvenirs des dernières heures. La chambre était un vrai champ de bataille. Nos vêtements gisaient çà et là, draps et couvertures invisibles, et les objets et papiers censés être sur la table près de la baie vitrée éparpillés, sur le sol.

Le tambour retentit de nouveau. En fait, quelqu'un frappait à la porte avec insistance.

— Chéri, c’est peut-être important.

— Il vaut mieux pour cette personne que ça le soit.

Tout en bougonnant, il m’embrassa, s’extirpa du lit, enfila un bas de jogging qu’il prit dans son armoire et sortit de la chambre.

Je me levais à mon tour, et cherchais mes vêtements amenés ici lors de mon séjour à l’hôpital. Je les trouvais rangés dans l’armoire. J'attrapais un jean, des sous-vêtements et un débardeur puis filait sous la douche.

Lorsque je rejoignis le salon, je reçus de plein fouet une masse qui me souleva du sol. Bien entendu, j’entendis Aaron grogner, ce qui fit éclater de rire Tobias qui me serrait à m’étouffer.

— C’est bon de te voir, petite sœur.

— Je suis contente aussi,Tobias.

Je regardai par-dessus son épaule, et aperçut Lori et Alia, ainsi qu’Alric et Thomas. Alia s’approcha de Tobias et le bouscula.

— Pousse-toi que je puisse souhaiter la bienvenue à Lola. Bonjour, ma chérie, je suis si heureuse de te voir ici.

Son accueil me fit chaud au cœur alors qu’elle me prenait dans ses bras.

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