Dis lui qu'il réussira !

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Je ne suis pas vraiment ce qu’on pourrait appeler un nostalgique. J’ai depuis bien longtemps fait une croix sur mon passé. Tout ce passé qui a plombé la vie de mon frère et l’a bousillé.

J’aime à croire que je suis un adulte respectable et que ma vie parle pour moi. J’espère que mes enfants se rappelleront de moi comme d’une personne estimable et bienveillante.

Que penserait le moi d’avant du moi d’aujourd’hui ?

De passage chez mes parents, j’ai décidé d’entrer dans mon ancienne chambre. Je ne l’avais encore jamais fait, tant mes relations avec mes parents étaient… comment dire… tendues !

Et cela, depuis mon départ pour le service militaire qui m’entraina en outremer pour près de deux années.

En revenant en France, je n’étais pas revenu chez mes parents et avais coupé les ponts. J’avais ma vie à vivre et eux… représentaient un passé que je souhaitais oublier.

En entrant dans ma chambre d’enfant, je fus assailli de sensations diverses, autant de bon que de mauvais souvenir. Je redécouvris des jouets, des posters. Toutes ces choses qui avaient une très grande importance pour moi et que j’avais abandonnées là, sans même me retourner.

En m’assaillant sur mon lit, je sentis une lassitude m’envahir et sans même m’en rende compte, je m’assoupis.

À mon réveil, je n’étais plus seul. Le moi d’avant, un ado de douze ans, me dévisageait avec curiosité. Je le reconnus aussitôt. Mais lui ? me reconnaissait-il ?

- Salut, lançais-je un peu gêné d’être ainsi allongé sur son lit.

- Salut, me répondit-il simplement.

- Tu sais qui je suis ? demandais-je timidement.

- Tu es moi ?

- C’est ça… et cela ne te surprend pas plus que ça ?

- Non, je m’en fou, dit-il en allant s’assoir à son bureau. T’es gros ! Tu t’es laissé pousser le bide ?

- Mollo ! Cela n’a pas toujours été le cas. Je suis malade actuellement et… c’est le bide qui a pris…

- Ils disent tout ça, répondit-il en souriant.

- c'est pas faux…

Ce petit con avait de la répartie. En faite, j’en avais toujours eu !

- Pourquoi es-tu là ? me demanda-t-il.

- Je ne sais pas. Je n’étais pas revenu dans ma chambre depuis des années. J’ai posé mon cul sur le lit et me voilà, ici avec toi.

- Va falloir que je partage ma piole avec un vieux de 60 ans ?

- 57, merci ! Non, je ne pense pas. Tu dois être endormi toi aussi et on partage simplement le même rêve. On se réveillera chacun dans son époque. Enfin, je l’espère pour moi, car ta vie je l’ai déjà vécu et… je passe mon tour pour recommencer.

- La vie c’est de la merde, comme dit ma mère !

Je ne pouvais pas vraiment le contredire.

- Ta mère est une poivrote qui t’oubliera aussi sûrement que ta belle mère ne pourra jamais te piffer !

- J’m'en doute. C’est la vie, j’m’en fou !

- Et à par t’en foutre, t’en es ou dans ta vie ?

- Cette vie de merde, je l’a subis…

- Je sais bien et t’en as encore pour un bon bout de temps.

- Mais encore ?

- Sans vouloir te casser le moral, ta vie ressemblera à une assiette de merde dont tu boufferas une bouchée tous les jours et cela… jusqu’à tes vingt ans !

- Bah bravo… vla l’ambiance ! Si c’était pour me dire ça, tu pouvais rester où t’étais !

- Je ne suis pas là pour te ménager. La vérité, tu la prends comme elle est et tu fermes ton clapet ! Jusqu’à vingt ans, ton existence, c’est de la merde puis, en rentrant de l’armée, ta vraie vie démarre !

- Putain, encore huit ans à vivre comme un cloporte ?

- Je ne vais pas te dévoiler tout le programme, mais dis-toi un truc. Tu rattraperas toutes ces années perdues et tu réaliseras tous tes rêves, tout ce que tu as en attente dans ta tête de piaf !

- Tout ?

- Presque… Tu ne joueras jamais de la guitare comme ton frère. Mais pour le reste… Tu cocheras toutes les cases !

Le jeune ado me regarda alors fixement.

- Et tu deviendras un vieux con, comme tu le redoutes. Y’a pas d’autre issu. Je te le dis, gamin, mais ta vie vaudra le coup d’être vécu. N’écoute personne et certainement pas la vieillerie qui tentera de te bourrer le mou. Trace ton chemin comme tu l’as prévu et la chance sourit toujours aux audacieux. Tes le meilleur, tu vas le prouver !

J’aurai aimé lui en dire plus. Comment il s’est senti trop con en embrassant sa première nana, mais… tout cela se découvre petit à petit. Je pense lui avoir dit ce qu’il devait savoir : que le mot « oser » soit le moteur de son existence !

Je me réveillai à mon époque. Ma femme et mes enfants discutaient bruyamment au rez-de-chassée avec mes parents. Je repense un moment à ce p’tit mec et ce qui l’attend, son premier GSXR1100, son premier combat de boxe Américaine, la première nana qui l’a largué, son premier appart… que de souvenirs !

En vérité, ce p’tit con va se régaler et ce n’est que justice !

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