L'attente

2 minutes de lecture

Elle m’avait laissé là le temps de « faire une course ». Une tasse sale de thé pas net entre les mains, Je détaillai la décoration du studio : inexistante, rendue au strict minimum. Les murs nus et jaunâtres se lézardaient de fines rides verticales. Quelques anciennes traces de piercing au dessus de l’interrupteur de travers délimitaient un rectangle dans les tons blanc cassé me laissant imaginer qu’un jour, un poster de chanteur, une affiche d’expo, l’encart central de Lui, enfin un élément de décor avait trouvé sa place ici. Dans une vie antérieure peut-être. Les murs conservent longtemps les vestiges de nos anciennes marottes.

Deux fenêtres qu'obscurcissaient des volets roulants fatigués et tirés à moitié, me considéraient à contre-jour dans un regard mi-clos. Une blessure d’enfance me dis-je, un défaut de fabrication ou autre mélancolie héréditaire. Les coffres des volets, étrangement noirs et arqués, dessinaient deux sourcils à la Frida Kahlo.

A travers l’absence de rideaux, je peinais à discerner le gris du mur d’en face. L’accumulation des pluies avait charbonné de longues traces de rimmel couleur cendre. Je me levai pour coller mon nez à la vitre et tenter d’apercevoir un objet de divertissement. L’immeuble d’en face me rendit un regard vide.

Me retournant, j’examinai la porte. Fermée, mutique, anciennement peinte de rouge, elle semblait vaciller sur ses gonds. Un tremblement imperceptible qui en disait long sur les mots qui refusaient de sortir. N’aie pas peur, ouvre-toi, je suis quelqu’un de bienveillant, je crois, murmurai-je dans un sourire.

Pas un mouvement de poignée, rien. Un instant, je crus que le boudin de porte se soulevait un peu, mais non.

Dépité, je me pris à poser les yeux sur le tapis qui déversa sur moi sa saleté innommable. Ses longs poils emmêlés se couvraient d’écailles blanchâtres. On sentait que le pauvre bougre d’Orient ou d’ailleurs n’avait pas eu de shampouinage depuis des lustres. Ça ne lui ferait pas de mal, songeai-je en me grattant la tête, en proie à une soudaine attaque de prurit.

Je commençais à m’impatienter. Le thé avait une odeur de salive, l’évier exhalait des relents d’urine. Je pestai : Merde ! Mais qu’est-ce qu’elle fout maintenant ! J’apposai une paume sur ma bouche. Les murs ont des oreilles m’avait appris ma grand-mère.

Je me mis à arpenter nerveusement la crasse et le mauvais goût de la pièce, la tenue négligée de l’ensemble. Je me rongeais les ongles en me demandant quelle mouche avait bien pu me piquer de venir à ce rendez-vous.

Trois légers coups, des gonds qui grincent, je me figeai. Elle entra, et avec elle le soleil. Ses yeux verts me percèrent le cœur en faisant fondre mes impatiences. Elle tenait un sac en papier kraft à la main, d’où dépassaient une bouteille de détergent et quelques affaires de ménage. En remontant ses longs cheveux noirs d’une main conquérante, elle me sourit en coin : Tu m’aides ? On va faire une surprise à mon frère, c’est trop crade chez lui…

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Ovide Blondel ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0